Sulfur Filii tome 2 Les enfants du vent

Chapitre 1: l'Ordre Nouveau

La lumière feutrée filtrait au travers des vitres embuées de la lucarne ronde. Il avait neigé toute la nuit et les rebords des fenêtres étaient recouverts par la poudre blanche et légère. Robin se réveilla en douceur. Il ouvrit les yeux et observa un moment la petite ouverture qui donnait sur une cour intérieure. Il était bien au chaud sous des couvertures et un énorme édredon en patchwork fait d'une multitude de carrés de tissus colorés. Il n'avait pas vraiment envie de s'extirper de cette confortable chaleur pour aller affronter le froid qui devait régner dans la pièce. Peter, Isaac et Darius dormaient encore. Ils étaient tous installés dans une minuscule chambre où des lits avaient péniblement été entassés, imbriqués les uns à côté des autres, tels un savant jeu de construction. La pièce aux murs de bois roux était simple mais chaleureuse. L'uniformité des lambris étaient rompue par les dessus de lit aux milles couleurs et par les épais rideaux orange. Le plafond vouté, était soutenu par des poutres qui se rejoignaient au centre en une rosace complexe. Robin se redressa et s'assit dans le lit en laissant tomber ses couvertures. Il faisait un froid glacial dans la pièce. Il frissonna. Son souffle faisait de la buée. Il jeta un coup d'œil à ses vêtements de la veille et se dit qu'il allait falloir trouver autre chose à se mettre aujourd'hui. Hier, la température avoisinait les 25 degrés et les feuilles des arbres roussissaient comme pendant un bel été indien. Le jour d'encore avant, c'était le printemps, les arbres bourgeonnaient et les fleurs explosaient. Le cycle des saisons était totalement détraqué, et cela ne faisait que commencer. Le départ des dragons avait modifié radicalement le visage de la Ville Monde. Juste après leur rencontre avec Sarayanne, la Reine Dragonne, tous les dragons ainsi que de très nombreuses créatures de la ville étaient partis. Robin, revoyait encore la scène impressionnante de ces immenses créatures, quittant la ville, tous en même temps, dans un ciel de feu. Des aurores boréales, avaient embrasé le ciel pendant trois jours et trois nuits. Il s'en été suivi un calme anormal, inquiétant. Même les oiseaux s'étaient tus. Le vent avait cessé de souffler. Comme si la nature elle-même se mettait à l'arrêt. Si la situation n'avait pas été si inquiétante, les jeunes auraient sûrement trouvé cela magnifique mais à cet instant, ils surent tous que quelque chose de grave venait d'arriver et que rien ne serait plus comme avant. En effet beaucoup de choses allaient changer.

Les jeunes avaient finalement décliné l'invitation d'Araminte, à venir s'installer chez elle, prétextant avoir besoin de temps pour se remettre de ce qu'ils venaient de vivre. Elle était rentrée dans une colère sans nom et les avait assigné à résidence chez Sylvaine. Pour Araminte, la petite bibliothécaire était si inoffensive qu'elle était persuadée qu'elle pourrait la contrôler aisément. Elle était loin de se douter des impressionnantes ressources de cette passionnée des livres ! Sylvaine paraissait fragile, certes, mais elle était loyale à la confrérie secrète, ses connaissances sur la Ville étaient sans fin et elle était surtout furieusement éprise de justice, et ce qui se passait dans la Ville Monde en ce moment, la révoltait au plus au point. Le professeur Durançon, sa femme, Purdey, Grand-mère Sakura, Alphosine, les parents de Darius, tous les autres et même Argantaëlle et ses deux frères, Aaron et Albéric avait été placé sous étroite surveillance. Chacun de leurs mouvements, de leurs dires étaient rapportés à Araminte. Ils étaient murés dans une prison aux murs impalpables et invisibles mais pourtant, bien réels.

Robin gonfla la poitrine, comme pour se donner du courage, se glissa hors de son lit et alla à la fenêtre arrondie. Il passa sa main sur la vitre afin d'ôter la buée qui s'y trouvait. Dehors, tout était recouvert de neige. Un blanc immaculé recouvrait toute la cour et le ciel était encore chargé de flocons. La pureté de la scène contrastait avec les horreurs qui étaient en train de se préparer dehors. Machinalement, il tira une couverture à portée de sa main et s'enveloppa avec. C'était celle du lit juste à côté de la fenêtre. Peter, ainsi découvert se réveilla, en grelottant.