#Chapitre 1

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4 ans plus tôt.

Un bruit de porte grillagé qui se referme derrière moi vient tuméfier mes tympans. Ce son que je m'habitue à entendre ne m'est toujours pas agréable pour moi. Dos à cette porte, je marche doucement vers l'avenir, ou plutôt dois-je dire, vers le calvaire qui m'attend. Je ne sais plus qui je suis, et pourtant aujourd'hui, je deviens l'immatricule 289. Moi, Rune Fonci, fille d'Arthur et d'Emerson Fonci, âgée de vingt-cinq ans, inculqués pour meurtre sans préméditation dans le centre de détention de Hampton, je deviens un putain d'immatricule.

Trois chiffres que je maudis.

Tout s'efface, mon passé, mon présent et mon futur. Je ne suis plus la gentille fille de sa mère, et la fierté de son père ; je suis le monstre à fuir. J'ai ruiné la vie d'autrui, mais au même instant, la mienne a basculé. La fille timide poussée par la société est devenue rapidement celle à cacher. La fille que l'on ne présente pas, que l'on n'aide pas. Je fais partie des personnes qui s'estompent des mémoires lorsque le bonheur est là, mais qui apparaît lorsqu'on parle d'enfer.

J'irai en enfer !

Voici les mots qui ont habité mon père lorsqu'il a compris mon acte. Ces derniers termes que j'ai entendus de sa bouche résonnent en moi depuis toutes ses années. Cela n'a pas cessé... Jamais ! Il se répète comme une litanie que j'absorbe, comme un mantra qui au lieu de m'envoyer vers l'avenir, me corrompt dans le passé. Je suis ici pour purger ma peine, et mon âme, mais rien n'y fait. L'être humain ne change jamais, et quoi que l'on fasse, je serai toujours reniée dans cette société qui nous engouffre.

— 289.

Cette voix d'homme me fait relever la tête et sortir de mes pensées. Je croise les yeux de cet individu bâti comme une armoire à la peau foncé, et aux yeux bruns. Mes sourcils se froncent, et j'attends son ordre.

Obtempérer ? Ce n'est pas mon truc, mais aujourd'hui est le premier jour de mon entrée dans ce centre de détention. Ils ont voulu confronter mon esprit à des plus dures, comme s'il était possible un jour de me faire changer. Ils croient en l'être humain, mais l'Homme est une cause perdue sans retour en arrière possible. Il est cruel, égoïste, et totalement imbu de sa personne. Rares ont été les gens qui ont embelli ma vie par leur gentillesse, et leur altruisme. Dans une vie où tout est contrôlé, que les médias retournent le cerveau de toutes les brebis alias le peuple, la méchanceté prime sur la bienveillance.

— Rentre dans cette cellule, et déshabille-toi complètement.

J'exerce un pas vers cette pièce, et ne réfléchis pas. L'arrivée en prison se déroule comme pour la première fois. Le greffe a procédé à l'écrou : enregistrement de mon immatricule, et de ma fiche pénale. Et puis il est l'heure de passer au vestiaire pour la fouille.

Je retire mes vêtements un à un en commençant par mon sweat gris, puis par mon jean foncé. Je défais mes cheveux attachés dans un chignon impeccable, puis les ébouriffe pour leur donner du volume. Une fois nue, un surveillant ouvre la cellule.

— Avance !

J'écoute, et me dirige vers le milieu de la pièce. Une femme commence à fouiller mon corps pour vérifier que je n'ai rien planqué. Mes cheveux passent également à la fouille, avant de m'ordonner de m'accroupir. Un miroir s'introduit en dessous de mes parties génitales, et les surveillants regardent que je n'ai rien planqué.

Affreux ? Non.

Cette intervention devient une habitude comme le son de la porte qui se referme derrière moi. Je deviens un pantin, et je ne réfléchis plus. Ne jamais penser, sinon je signerais ma perte. Penser, réfléchir, visionner l'avenir sont des choses dont je me suis interdit l'accès. Pour survivre au sein d'une prison, et désormais de ce nouveau centre, ces règles sont vitales. Rien au monde n'est plus compliqué, mais ses trois années enfermées m'ont permis de m'exercer à devenir cette nouvelle personne. Je n'étais plus Rune Fonci, la douce fille sage, mais je suis l'immatricule 289, et mon âme s'est envolé au même moment que le sang a giclé sur mes mains en ce jour froid d'hiver.

— Je te conduis à ta cellule, m'avertit un homme, cette fois-ci d'une blancheur extrême, et aussi blonde que l'or.

J'acquiesce, et commence à marcher devant lui. Le lieu est obscur, et aucun rayon du soleil ne transperce les vitres. D'ailleurs, il n'y en a pas. La seule source de lumière provient des lustres d'une grandeur ahurissante, et garde l'odeur presque cadavérique des murs de la prison. Sur ceux-ci, la couleur jaune pâle est affreuse pour mon iris, et agresse ma vision.

— Face au mur.

Je m'exécute, et dirige ma silhouette vers ce mur à côté de la porte. À chaque fois que nous devons changer de pièce, j'obtiens l'ordre de me conformer à cette exigence pour éviter la violence. Mon visage se met à scruter le mur, et mes mains longent mon corps musclé. Je tourne le dos au gardien, et attends patiemment qu'il m'ouvre l'accès. Je passe devant lui, et j'exécute le même ordre le temps qu'il l'a referme sur nous. Ensuite, j'arpente les escaliers, sentant sa main dégoulinante de sueur sur mon poignet.

— Pourquoi vous ne me serrez pas la main ? répliqué-je.

Je le regarde du coin de l'œil et attends qu'il réponde.

— Je le devrai ? intervient-il.

— Je ne sais pas, ce n'est pas moi le gardien ! Mais en tant que détenue, je peux vous dire que si j'en avais envie, je pourrais m'enfuir de votre main à peine serré.

— Mais vous êtes une fille, et je doute qu'une femme puisse s'enfuir dans cette prison.

Je hisse mes sourcils, et lui tends un air arrogant.

— Si je peux me permettre de vous apprendre quelque chose très cher (je lis son nom sur son étiquette) Marcus, les filles qui sont en prison sont semblable au mec ; elles n'ont pas froid aux yeux.

Il sourit.

— On verra ça quand tu seras confrontée aux bêtes qu'il y a ici, pour l'instant face au mur ! réplique-t-il plus méchamment.

Je râle, et exerce tout de même son ordre.

— Madame, salue-t-il.

Je détourne le regard du mur pour regarder qui est cette « madame ». Brièvement, elle se tourne vers moi, et m'envoie un regard hautain. Semblable à sa tenue très classe, je ne doute pas de sa hiérarchie au sein de cette maison.

— Bienvenue, je suis la directrice de cet établissement. J'espère que tout ce passera bien, et que vous y ressortirez d'ici l'âme propre.

L'âme propre ? Qu'est-ce qu'elle voulait dire ? Nous, les tôlards nous ne sommes que des êtres horripilants ? Rejetez par la société pour avoir commis des crimes, mais ils ne savent rien. Ils ne savent absolument rien, et cela me répugne au plus haut point ! 



Pour les prochains chapitre, retrouvez-moi sur Fyctia ! :) 

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⏰ Last updated: May 27, 2017 ⏰

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SOMBRE RédemptionWhere stories live. Discover now