Robert Plantier avait une habitude: du lundi au vendredi, il déjeunait au Café des deux baudets, rue Vitton. Le patron était devenu un ami avec le temps et il aimait se délasser, durant ses deux heures de pause obligatoire, sur une des tables du restaurant, puis boire ensuite un Cappuccino au comptoir avant de reprendre le travail. Il discutait de choses et d'autres avec Léon, le patron, et parfois avec la serveuse.
Robert en oubliait presque ses problèmes de couple durant la pause déjeuner. La seule chose qui dérangeait Robert durant sa collation quotidienne était la présence autour d'une table au fond (toujours la même), de quatre vieux messieurs aux lunettes noires et en costume anthracite. Il ne avait dire pourquoi, mais ces individus lui rappelaient des parrains de la Mafia, de manière si exagérée que cela en devenait presque caricatural. Lors des premières fois où prit ses déjeuners dans la salle, Robert avait évoquer le sujet avec Léon mais ce dernier avait hausser les épaules en lâchant un discret « Si j'étais vous, je ne chercherais pas à en savoir plus». Et Robert avait suivi ce conseil. Depuis, il supportait ces étranges bonhommes qui parlaient entre eux en chuchotant tout en jetant de manière répétée de furtifs coup d'œil derrière eux.
Ce lundi, il dégustait les boulettes du chef, le plat le plus populaire du restaurant, comme à son habitude. La viande était fameuse et la sauce qui l'accompagnait possédait une saveur exquise. Léon n'avait jamais voulu donner sa recette secrète á ses clients mais tout le monde s'accordait à dire que son plat s'élevait, malgré sa richesse calorique, au firmament de la gastronomie de la ville. Robert avala sa dernière boulette et épongea son assiette avec de la mie de pain lorsque le patron se présenta à sa table avec deux verres de digestif. Une à deux fois par semaine, les deux hommes buvaient ensembles une liqueur offerte par Léon, scellant ainsi hebdomadairement une amitié vieille de plusieurs années.
- Alors Robert, fit Léon en s'asseyant, les boulettes sont bonnes ?
- Impeccables! Fondantes à souhait.
- Et comment va le boulot ?
- Bof. Mon chef m'emmerde toujours autant. Il me prend pour un cretin et à ce stade je vais finir au placard d'ici quelques mois.
- J' en suis navré pour toi, dit Leon, sincère. Heureusement qu'il y a la famille...
- Tu parles! cracha Robert. Ma femme me fait de plus en plus la gueule et le soir, c'est un peu l'auberge du cul tourné, si tu vois ce que je veux dire...
La conversation se poursuit une dizaine de minutes sur un ton aussi maussade jusqu'à ce que Robert paye son addition et retourne au travail.
Cet après-midi, son chef était absent au bureau. N' étant pas dans ses habitudes mais ayant un réel coup de fatigue, il décida de quitta son emploi deux heures plus tôt. Il culpabilisa quelques instants mais il se rassura en se remémorant que ce serait la première et unique fois et que, après tout, ses collègues séchaient le travail régulièrement en cas d'absence de personne disposant de l' autorité.
Il fut désagréablement surpris lorsqu'il parvint chez lui pour constater qu'un sans gêne avait osé garer sa voiture devant son jardin. En maugréant, il tourna la clef dans la serrure de la porte d'entrée mais apparemment sa femme avait laissé les doubles dans le mécanisme de l' autre côté. Il appuya sur la sonnette mais se souvint immédiatement qu'elle était en panne, des petits cons l' avaient cassé le soir Halloween. Il frappa deux fois sur le battant de la porte sans obtenir de réponse. Dépité, il décida de faire le tour de la maison et de frapper aux vitres du salon. En lui longeant le mur, des gémissement se mirent à voler jusqu'à ses oreilles et il posa son visage contre le double-vitrage qui donnait sur sa chambre. Robert Plantier lâcha son attaché-caisse: sa femme et son chef de service, tous deux nus comme des vers, s'envoyaient en l' air sur le lit familial...