Nuit d'été

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C'était un jour comme les autres, plus ou moins. Un autre de ces soirs où tu allais mal, où tes pensées noires venaient ronger ton esprit.

Mais ce soir je pouvais faire quelque chose, ce soir je voulais faire quelque chose.

Je me suis rendu en bas de chez toi, je t'ai appelé, il aurait été fâcheux de réveiller ta famille. Ils t'auraient dérobé à mes intentions et mon regard.

Tu es descendu, le regard étonné, les sourcils froncés, tes cheveux encore un peu humides de ta douche fraiche et récente.

Le soir était tombé, avec lui l'air lourd des journées parisiennes. On avait encore du mal à aspirer des bouffées de gaz frais.

Je t'ai souris, on n'a rien dit, tu m'as suivi, les commissures de tes lèvres légèrement relevées.

On a traversé Saint Cloud, ta ville, restés près des sortes de manoirs, tu sais ces grandes maisons, à l'apparence abandonnée. Et pourtant, aucun panneau de vente sur leurs grandes grilles de fer forgé.

On a passé le pont, on a traversé Puteaux avant d'arriver sur Neuilly.

On suivi les quais, l'odeur des glycines et des lilas qui nous montaient à la tête, bordant la Seine et de tout aussi près les voitures.

La douce couleur rosée du ciel qui déclinait vers le bleu marine profond, les quelques étoiles qui parvenaient à survivre aux lampadaires semblaient te redonner des forces.

Ton sourire timide s'était affirmé, tu commençais à légèrement transpirer, ça se voyait entre tes homoplates, et cette tâche accentuée par les quelques gouttes d'eau qui glissait de tes cheveux jusqu'à ta nuque pour venir s'écraser sur ton t-shirt.

On a remonté l'avenue Charles de Gaules, entouré des deux arches, derrière nous celle de la Défense nous soutenant et devant nous l'Arc de triomphe, tel un aimant.

On a passé un peu de temps à observer les gens aisés qui se mouvaient, des diamants brillants au cou et des escarpins vernis aux pieds.

On est finalement arrivés à la flamme du soldat inconnu, se reflétant dans nos yeux.

 On a descendu les Champs Élisés, auréolés de joie et de bien être, ne prettant plus attention aux bolides bruyant qui passaient sans nous voir.  

On s'est perdu dans les rues, à regarder curieusement les derniers tardifs dans les cafés, rigolant fort, verres d'alcool à la mains, et les serveurs finissant leur service.

Le calme des rues, une mer sombre et tourmentée au dessus de nos tête, les quelques dernières voitures qui passaient.

Sans que je ne m'en rende vraiment compte, on s'était retrouvé sur les invalides, tu me suivais toujours.

Aucun mot n'avait été prononcé, mais une sorte d'aura brillante de bonheur semblait t'entourer.

Et ton aura s'est répandue jusqu'à moi, alors qu'on longeait les platanes et que les drapeaux des pays anglophones flottaient au dessus de nous.

On a poursuivi notre chemin jusqu'en dessous de la tour Eiffel, on est resté un peu sur l'herbe, la regarder pétiller.

L'air encore chaud nous entourait encore, alors qu'on se lançait de l'eau à la main.

Tes éclats de rire remontaient jusqu'au ciel, ta voix emplissait l'espace.

On a fini tous les deux trempés, avant de se remettre en route sous le regard bienveillant de la lune.

On s'est arretés dans un petit magasin à coté de l'obélisque de la place de la concorde, ces petites boutiques au propriétaire un peu louche, où l'on a acheté des sucreries, qu'on a mangées alors que je te regardais, toi et ton sourire, toi pareil à un ange tombé du ciel.

Ta joie contagieuse, encore plus lumineuse que les néons des boutiques désertes.  

Tu nous a fait faire un détour, et sans que je ne le remarque, on était devant les galeries Lafayette, à regarder les grands magasins fermés, les vitrines extravagantes, les décorations célestes fleuries et lumineuses, un silence bienveillant nous accompagnait.

Les rues vides, et nous courant après nos rêves, amoureux de notre ville, les taxis autour de nous, riant de notre naïveté mais envieux de notre jeunesse, de notre liberté, prêts à nous héler pour nous emmener où on voulait.

On a monté les marches du Sacré Cœur, penchés sur les balustrades, à regarder l'entièreté des toits d'ardoises, 

Le ciel recommençait à décliner, mais on a continué à marché. Nos pieds souffraient mais peu importait, Paris était à nos pieds, et notre esprit au Paradis, dans une sorte d'extase indescriptible, presque divine, le lieux était propice.

Nous étions soûls de bonheur, comme si la pureté de ce moment était insupportable à notre quotidien, comme si demain il n'y avait pas cours, comme si demain n'existait pas.

Le ciel s'éclaircissait, les rues et les routes se repeuplaient.

J'ai oublié ce que l'on a fait exactement, la seule chose me revenant à l'esprit étant ton sourire pareil à deux rangés de perles nacrées.

Je ne me souviens plus trop comment, mais j'ai fini endormi dans mon lit, et toi qui souriais, assis à mes côtés

Il était 6 heures et le soleil se levait.

Nuit de saisonOù les histoires vivent. Découvrez maintenant