Chapitre 1 : Une couturière

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       En regardant par ma fenêtre, je peux voir que le printemps est enfin là ! Il a été tardif cette année, mais là je peux enfin admirer les merveilles que cette saison apportent à la forêt; qui s'étend devant ma maison. Une vaste étendue d'arbres gigantesques, tellement grands qu'on croirait qu'ils touchent le ciel. Ils ne perdent pas leurs feuilles en Hiver mais leurs couleurs deviennent fades. Ce n'est plus comme en automne où elles prennent une teinte rouge sang ou marron. Un marron triste, elles finissent par tomber au sol à cause des caprices du zéphyr et par se faire piétiner par les passants. Mais aujourd'hui elles sont d'un vert éclatant ! Les rayons du soleil se reflètent dessus et on dirait que la forêt scintille. Pour ajouter à ce décor enchanteur, je peux entendre le chant des oiseaux. C'est comme si chacun répondait à celui qui chantait en premier, en formant une mélodie discordante. De ces faits, la température est des plus agréables et dans ma petite maison je suis tout à fait à mon aise. Petite mais charmante. Bien éclairée, avec ce qu'il faut de meuble et de place. Elle est adjacente à mon magasin. Je suis couturière. Et sans vouloir me vanter je suis assez douée. Je confectionne des vêtements, je les répare, recouds, retravaille, améliore ...

       La pièce que je dois réparer est une jolie ceinture marron claire avec des fleurs bleues. C'est ça les ceintures en tissus, le moindre petit accrochage et il faut la refaire entièrement, mais bon, j'ai l'habitude, une petite journée de travail et c'est comme neuf. D'ailleurs, j'entends ma cliente qui vient chercher son bien. Je prends alors l'étoffe dans mes mains, la plie soigneusement, me lève, et me dirige vers la caisse. La jeune femme attend là en regardant autour. Nos regards se croisent et elle me sourit. Oh ! Ça alors ! Je n'avais pas vu ses yeux ... Ils sont verts ... Vert émeraude ... C'est magnifique. Je n'ai pas vraiment à me plaindre, je suis plutôt jolie, assez grande, ni trop grosse, ni trop fine, avec de jolies formes, une jolie bouche, de longs cheveux roses qui descendent jusqu'à mes reins et des yeux ... Bleus. Ce n'est pas laid mais ... Les yeux de cette femme ... Ils sont comme les yeux perçants d'un chat dans la nuit ... Je l'envie. J'envie d'avoir ses yeux.

       Mais coupant court à mes pensées, l'objet de ma fascination m'interrompt après avoir vu la ceinture :

- " Dites-moi, vous avez fait ça merveilleusement bien !

- Je vous remercie, faites attention à l'avenir.

- Combien est-ce que je vous dois ? me demande-t-elle en sortant une petite bourse.

- 6200 yens s'il vous plaît.

Elle cherche quelques secondes la monnaie, me la tend et se dirige vers la porte avant de me retourner :

- Merci et au revoir Mademoiselle Sudo ! "

       C'est mon nom. Kayo Sudo. Mais tout le monde m'appelle Mademoiselle ou Madame Sudo. J'ai quand même une préférence pour "Mademoiselle". Personne ne dit mon prénom. Parce qu'il n'y en a qu'un qui y est autorisé. Un seul homme. Oh ! Rien que de penser à Lui je rougis ! Mon Amour ! La seule personne qui compte pour moi ! Les yeux de cette femme sont des foutaises à côté de Lui ! Lui je le veux ! Je L'aime ! Je veux être avec Lui pour toujours ! Je me souviens très bien de la première fois que l'on s'est rencontré. J'étais au marché et je cherchais de quoi aiguiser mes ciseaux. Les ciseaux que j'avais reçus de ma mère, que j'utilise pour coudre. Je ne les laisse jamais s'abîmer. Je pourrais m'en acheter des nouveaux mais j'y tiens trop. Je ne pourrais rien faire sans eux. Rien. Je regardais donc les pierres de ponçage sur les étalages, des silex plus ou moins gros quand je L'ai vu. Il était seul, déambulant dans les ruelles. Ça a été le coup de foudre . J'en suis tombée éperdument amoureuse et Lui aussi d'ailleurs. Je L'ai vu plusieurs fois depuis. On est ensemble depuis 5 mois maintenant. Mais il n'est jamais venu me voir chez moi ...

        Ah ! Rien que d'y penser je me sens toute chose. J'ai des frissons qui remontent le long de mon dos. Mes joues s'empourprent, Son image me venant en tête ... Il est grand, plus grand que moi, fin mais avec une musculature discrète, bien habillé, des bras fins mais réconfortants, des mains délicates mais fermes, un visage d'ange éclairé par des yeux bleus ressemblant à la mer lorsqu'elle brille au crépuscule, une bouche fine que je rêve d'embrasser, des cheveux à peine plus foncés que Ses yeux, coupés courts, des mèches lui arrivant devant les oreilles, sur le bas de la nuque et une ou deux devant Ses yeux dans lesquels je veux noyer mon regard ! J'ai envie de L'enlacer là maintenant, de sentir Son corps contre le mien, de Lui dévorer le cou de baisers, de Lui chuchoter des mots doux, de sentir Son odeur ... J'ai envie de Lui.

        Il faut que je me calme. J'ai du travail à faire. C'est peut-être la seule autre chose qui a sa place dans mon cœur. Mais je pense à Lui tout le temps, même quand je n'ai pas le temps. C'est ça l'amour, mon obsession. Mais je dois travailler. Il me manque du tissu, du fil et des aiguilles. Je prends donc un léger manteau, même s'il fait bon, il peut y avoir une petite brise. J'attrape un petit panier en osier, ferme ma porte et me dirige vers le centre-ville.

The Tailor Shop on Enbizaka : French Version Où les histoires vivent. Découvrez maintenant