L'impératrice des Glaces [♥sous contrat d'édition] (sortie le 20 mars 2019)

Prologue

De toute sa vie de sorcier, qui était déjà bien longue, jamais Aramor n'avait vu un tel massacre. Pourtant, il avait assisté à bien des batailles, participé à des guerres où la loi n'avait pas sa place, lieu terrible où les hommes s'entretuaient, se laissaient mourir sur l'herbe, les entrailles à l'heure. Il avait aussi été témoin de scènes de tortures, de celles où tous les moyens étaient bons pour faire avouer quelque chose, même n'importe quoi, à une pauvre victime qui subissait tous les supplices imaginables. Aramor pouvait avouer qu'il avait lui aussi donner la mort. En tant que sorcier principal de l'empire, il n'avait hélas parfois pas eu le choix. Cela faisait partie de son rôle. Et lorsqu'il tuait, ce n'était pas avec des armes. Il se servait de ses pouvoirs. Et même si cela donnait l'impression d'avoir une mort propre, sans une seule goutte de sang, Aramor savait qu'il n'en n'était rien. Quand il détruisait une vie, c'était en arrachant une âme. Cela n'avait rien de propre en vérité, c'était même assez horrible. Aramor trouvait que se servir de ses pouvoirs de cette manière était un crime envers la magie elle-même. Car cela relevait bien plus de la magie noire que de la magie blanche. D'ailleurs, celui qui avait commis un tel carnage dans ce petit village devait bien maitriser cet art sombre. Aramor le sentait tout autour de lui, comme si l'air en était encore imprégné. Cependant, rien ne laissait penser que de la sorcellerie avait servie ici.

Des corps démembrés, ressemblant à présent plus à de la bouillie pour certains qu'à des êtres humains, souillaient la terre de ce village. Le sang arrosait le sol, trop rouge pour que la prochaine pluie ne puisse effacer les traces de ce désastre. Même les enfants n'avaient pas été épargnés. Des têtes innocentes, aux yeux révulsés par la peur et l'incompréhension, avaient été jetées négligemment dans un coin, bien loin du reste des membres. Aramor avait le sentiment qu'on s'était amusé avec ces crânes, comme si les auteurs de ces crimes avaient voulu les prendre pour des ballons. C'étaient des armes qui avaient fait cela. Seuls les tranchants d'épée et de hache auraient pu donner un résultat aussi net. Ce constat lui souleva le cœur. Le sorcier ne supportait pas que l'on s'en prenne ainsi à des enfants.

Des oiseaux commençaient à picorer les entrailles de ceux dont les ventres avaient été déchirés. D'autres mangeaient les yeux grands ouverts des cadavres. Aramor les chassa d'un revers de la main alors qu'il continuait à avancer dans le village sinistré. Outre le sang qui empoissonnait l'air et la terre, le feu finissait de ravager les pauvres demeures en bois. Ceux qui avaient fait cela ne tenaient pas à garder une trace de ce village. Le sorcier ne comprenait pas pourquoi. Ce village n'avait aucun intérêt à subir de tels foudres. Il était à l'écart de tout. C'était un pauvre village de fermier, des humains qui tentaient de survivre dans ce monde sans rien ne demander à personne. Qui avait pu vouloir faire disparaître de la carte un tel lieu ?

Aramor continua son chemin. L'air pulsait autour de lui, lui transmettant des images du passé, un temps maintenant révolu où des enfants jouaient comme d'autres dans l'empire, des femmes qui cuisinaient pour eux, des hommes qui se cassaient le dos aux champs. Rien ne pouvait expliquer un tel crime.

Puis, l'atmosphère changea imperciblement. Devant les yeux du sorcier, les sombres qui se mouvaient auparavant devant lui se transformèrent en vision d'horreur. D'autres hommes cédèrent leurs places et le massacre qui avait eu lieu ici se fit vivant. Ne pouvant cesser le charme, le sorcier assista, impuissant, aux différents meurtres qui hanteraient à jamais ce lieu. Il entendit tant de cris qu'il ne pouvait faire taire, vit tant de corps chuter sur le sol. Il ne pouvait pas fermer les yeux. Il devait voir ce qu'il s'était passé ici.

Devant lui, il ne resta bientôt plus que les enfants, effrayés. Les hommes les avaient pour l'instant épargnés, car ce qu'ils désiraient d'eux étaient encore plus terrible que la mort. Le chef de ces monstres s'approcha des enfants et posa sa main sur eux. Aussitôt, les poils de la barbe d'Aramor, ainsi que ceux du reste de son corps, se hérissèrent violement. Voilà d'om venait la magie noire qui saturaient le lieu. L'homme était un nécromancien, et il vidait les enfants de leurs énergies vitales. Ils ne pouvaient rien faire pour l'arrêter. Et bientôt, il ne resta des enfants que des chairs sur lesquelles se jetèrent avec joie les autres hommes. Même les âmes de ces enfants avaient disparus, volées par cet homme à l'esprit noir, dans un but certainement macabre et interdit.

Enfin, les images s'effacèrent sous un coup de vent. Aramor resserra son manteau contre lui. Il avait maintenant sa réponse. Il savait qui était responsable de ce carnage. Et il devait se hâter, car d'autres allaient subir le même sort funeste. Le mage en était persuadé. Il devait donc trouver avant eux celle qu'ils cherchaient.