Everything is blue.

you're ripped at every edge but you're a masterpiece.

Hyungwon était un élève sacrément assidu. Il avait les meilleures notes parmi tous les élèves dans pratiquement toutes les matières. Il passait son temps à relire ses notes, chaque pause, ignorant même le déjeuner pour aller réviser à la bibliothèque de l'établissement. Il n'avait pas vraiment le moindre ami, et ne cherchait pas particulièrement à s'en faire. Il se débrouillait parfaitement bien tout seul, il arrivait à se persuader qu'il n'avait besoin de personne. Parfois, on lui jetait des regards intéressés. Faut dire que sa famille était sacrément réputée dans la ville, son père était le maire après tout et avait fait beaucoup de choses pour rendre la commune plus attirante. Et puis, surtout, Hyungwon était loin d'être désagréable à regarder. Mais il ne retournait jamais les regards, ne semblait s'intéresser à personne.

La vérité, c'était qu'il n'avait absolument pas le temps de s'intéresser à qui que ce soit ou à quoi que ce soit d'autre que ses notes. Rien ne comptait plus que ses résultats à la fin de chaque trimestre, à croire qu'il ne vivait que pour ça. C'était un peu le cas, en fait. Aussi surprenant que cela puisse paraître, Hyungwon semblait être né comme ça, dès son plus jeune âge, il avait été parmi les meilleurs, toujours à travailler sans relâche, même pour quelque chose d'aussi dérisoire qu'un coloriage. Tout se devait d'être parfait avec lui, il ne pouvait le supporter sinon, ça le rendait réellement fou.

Et son plus gros problème, en ce moment, c'était l'algèbre. C'était une catastrophe pour lui, qui ne parvenait absolument pas à suivre dans cette matière. Il essayait, pourtant, mais son cerveau ne semblait pas vouloir coopérer. Dès qu'il tentait d'enregistrer une formule, les chiffres et les lettres semblaient s'embrouiller immédiatement dans son crâne qu'il finissait par frapper rageusement de ses poings. Ça le rongeait complètement, l'échec. Il ne pouvait se le permettre, et à juste titre.

Ainsi, après chaque résultat à ses contrôles d'algèbre, il arrivait en cours avec le visage couvert d'ecchymoses qu'il ne tentait même pas de dissimuler. Il ne baissait pas la tête pour autant, jamais, il les affichait presque fièrement, droit comme un piquet, alors qu'il traversait les couloirs sous le regard interloqué des autres élèves. Mais personne n'osait l'approcher. Ces traces de coup éloignaient encore plus les gens qui ne se doutait pas une seule seconde de leur provenance, et ça lui convenait parfaitement. Il n'avait pas besoin de pitié, pas besoin d'aide, et surtout pas besoin de questions indiscrètes.

Après tout, qui l'aurait cru s'il avait affirmé que leur maire bien-aimé tabassait son fils à chaque mauvaise note qu'il ramenait à la maison ? Personne, évidemment. Ils auraient tous préféré croire que ce gosse pourtant sans histoire était en fait impliqué dans des affaires louches ou quelque chose du genre. N'importe quoi qui leur aurait permit de se voiler la face, de ne pas réaliser que même les gens qui apparaissent bien sous tout rapport sont en fait de purs connards dans ce bas monde. C'était ainsi que ça marchait, et Hyungwon était sûrement le garçon le plus terre à terre à ce niveau là. Il ne se faisait d'illusion sur rien ni personne. Il ne croyait pas en la bonté, il n'y avait jamais cru.

Cette fois-ci, sa note avait vraiment été catastrophique. Tout comme son état quand il s'était traîné en cours le lendemain. Il n'avait même plus la force de se tenir droit mais gardait un air sévère sur son beau visage pourtant bien abîmé, repoussant quiconque aurait osé s'approcher de lui pour lui poser la moindre question ou même faire quelque chose d'aussi innocent que de lui proposer de l'emmener à l'infirmerie. Il n'avait pas besoin d'aide, il n'avait pas besoin d'aller à l'infirmerie. Il avait besoin de serrer les dents, de se faire un peu violence et de tenir jusqu'à ce soir. Mais il avait avant tout besoin de faire un putain d'effort pour enfin ramener une note convenable en algèbre. Il méritait ce qui lui arrivait, après tout.

S'asseyant au premier rang dans cette classe qu'il maudissait toujours un peu plus au fil des jours, il sortait déjà son livre ainsi que son fameux bloc-notes gigantesque qui l'accompagnait partout, se contrôlant au maximum pour ne pas gémir de douleur quand il se pencha dans la mauvaise position, ravivant sa blessure toute fraîche au niveau du flanc gauche. Il ne tourna même pas le regard vers son nouveau voisin quand il entendit la chaise à sa droite être tirée. Il aurait menti s'il avait dit qu'il n'était pas surpris : personne ne s'asseyait jamais à ses côtés. Mais peu lui importait, cette personne pouvait bien faire ce qu'elle voulait, tant qu'elle ne le dérangeait pas.