Chapitre 1

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"La force est le pouvoir de la justice ; la violence est celui de l'injustice."
Pierre-Claude-Victor Boiste

- Ambre !!! Hurle une voix stridente derrière moi.

- Oui ? Répondis-je apeurée au simple son de la voix de ma mère.

- Le repassage c'est pour quand ??? Ma mère jeta ces mots avec une telle violence qu'ils me firent sursauter.

- J'm'y colle, répondis-je éreintée, sans prêter attention au vocabulaire que je viens d'employer.

- Ne me parle plus jamais comme ça !!! Me hurla-t-elle rouge de colère.

Sur ce, elle me gifle sur la joue et, de son pas lourd et bruyant qui la caractérise, sort de la pièce où nous nous trouvions.

Je colle ma main fraîche sur la blessure infligée par ma mère. Dans le reflet du miroir j'aperçois ma joue blessée. Elle est rouge mais tout disparaîtra d'ici demain.

Je me mets immédiatement au travail afin de ne pas recevoir d'autres accusations ou blessures de la part de mes parents.

***

- Maman !!! Hurle la voix chétive, et apeurée, de ma petite sœur.

Je me dirige, sans hâte, vers la chambre d'où venait le cri.

- Pour la énième fois Mélodie, ne m'appelle pas "maman" ! Dis-je exaspérée. Je ne suis pas ta maman, je suis ta sœur. Tu as 8 ans ! Tu devrais comprendre ! Argumentais-je, avant de me souvenir que je m'étais promise de ne plus des reprendre à ce sujet.

- Alors elle est où ma maman ? Hein ? S'énerva la jeune fille. Je ne la vois pratiquement jamais ! C'est à peine si je me souviens de son visage ! Elle ne s'occupe jamais de nous !

Mélodie fondit en larme. Ce chagrin qui ronge ma sœur nous habite tous, moi et tous mes frères et sœurs. Je radouci ma voix, honteuse d'avoir réagi de la sorte :

- Papa et maman n'ont simplement pas le temps de s'occuper de nous. Alors en attendant, c'est moi qui les remplace.

Je déteste mentir. Mais je ne veux pas que Mélodie, ma petite sœur, sache notre vraie histoire. Je ne veux pas qu'elle sache que notre mère est une "usine à enfant" comme aime à le dire Florien, le plus jeune de mes deux frères ainés. Qu'elle s'occupe de ses bébé jusqu'à l'âge de deux ans avant de les abandonner et d'engendre d'autres rejetons. Que depuis l'âge de dix ans, c'est moi qui m'occupe de toutes les tâches ménagères et de tous mes petits frères et mes petites sœurs : Mélodie, 8 ans qui, à ses 10 ans, devra, à son tour, s'occuper des nouveaux enfants que ma mère ne manquera pas de faire, Lola, 8 ans, Martin, 6 ans qui est autiste et qui souffre de cet handicap depuis sa naissance, Valentin, 2 ans et demi et rendre en maternelle l'année prochaine (super ! Encore un autre à emmener et à ramener de l'école !). J'aurais prochainement la charge de Léa qui atteindre bientôt l'âge de 2 ans à son tour. Heureusement, il y a toujours Yanick et Florien, mes deux grands frères de 16 et 17 ans qui m'aident parfois mais ils n'ont pas énormément de temps, la faute à leurs études. Et je ne veux surtout pas que Mélodie sache que nos parents ne travaillent pas, ne foutent rien de la journée et payent tout ce dont ils ont besoin grâce aux allocations familiales qu'ils touchent grâce à nous. Si elle savait cela, mon mensonge comme quoi nos parents n'ont pas le temps pour nous, ne tiendrait plus debout. C'est un vrai enfer et Mélodie est encore trop jeune pour comprendre tout cela. Je ne veux pas la mêler à cette histoire alors qu'elle a encore quelques années tranquilles devant elle. Alors je mens. Je mens continuellement sur cette histoire qui est la notre, pour la protéger. Mais je sais que je ne pourrais pas la protéger éternellement. Il y aura un jour où tout, dans sa vie, changera. Il n'y aura plus de conte de fée et de petite princesse pour sauver la situation. A vrai dire, j'ai, depuis longtemps, compris que les histoires ne finissent jamais bien et la notre n'est pas une exception.

- Mais quand auront-ils le temps ?? S'exclame Mélodie, me tirant de mes réflexions.

- Je ne sais pas, Mélo, je ne sais pas.

En réalité, je sais très bien quand nos parents prendront le temps de s'occuper de nous. Sans doute jamais.

Je change de sujet comme si la discussion que l'on venait d'avoir n'avait jamais eu lieu :

- Bon et alors, pourquoi tu m'appelais ?

Ma petite sœur pointe du doigt un point noir sur le mur. M'approchant, je découvre une petite araignée essayant désespérément d'atteindre le plafond. Je fais sorti dehors la petite bête qui effrayait tant Mélodie.

Avant que j'ai pu atteindre la porte pour sortir, ma petite sœur courut vers moi et, de ses petits bras frêles, m'enlaça. D'abord surprise par ce geste d'amour dont je manquais tant, je lui rendis ce câlin dont nous avions tous besoin. Ce geste de la part de ma sœur était un simple geste d'amour, mais moi j'y lisais bien plus. J'y lisais du courage, de la confiance et de l'admiration. Ce moment, j'aurais aimé le prolonger, j'aurai aimé être collée à ma sœur et ne plus pouvoir m'en détacher. Mais ce n'est pas le cas et il me reste encore plein de travail à effectuer.

Je réussi finalement à m'arracher à ce court moment de paix, de tranquillité. Je murmure un "merci" à l'oreille de ma sœur avant de sortir de sa chambre et de me remettre à mes corvées.

Esclave de ses parentsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant