La pluie tombe au rythme des battements de mon cœur devenu fou, se mêlant à mes larmes au goût de regret, creusant des sillons salins sur mon visage fatigué. Le ciel est mes yeux se sont accordés pour créer un torrent de tristesse en moi. Mon dos contre la pierre froide de la maisons de voisins inconnus où je me suis laissée choir sans espoir de me relever. Assise sur le trottoir d'une rue vide, je pleure.
Pleure la perte, pleure pour son regard glacial, pleure pour son visage dur, pleure pour son cri, son injonction, pleure pour son incompréhension, pleure parce qu'elle était pire que les autres. Pleure parce que ma petite cousine ne comprendra pas pourquoi je ne reviendrais pas. Je pleure parce que je ne les reverrai peut-être jamais.
L'amour d'une mère était censé aller au-delà des différences, non ?
J'avais espéré, j'avais ouvert mon cœur, elle l'a rejeté, y créant un trou béant. Vide, j'errais perdue et déboussolée dans la fraîcheur du matin pluvieux. Il ne me restait plus qu'elle, celle que j'aime. Je n'avais nulle part où aller à part dans ses bras.
Dans mon champs de vision apparaît une petite silhouette rouge sautillant dans les flaques, ses longs cheveux miels dansant derrière elle comme une deuxième ombre, je reconnais Erin, ma petite cousine. Elle m'aperçois et crie :
« Lisa ! »
Elle me saute dessus et je la prends dans mes bras. Du haut de ses huit ans, elle est la seule qui me comprenne ; beaucoup trop intelligente pour son âge à mon humble avis. Elle a d'ailleurs déjà vu Aria, ma petite copine. Elle m'avait surprise en train de l'embrasser et pour ne pas faire les choses à moitié, je les avais présentées. Aria l'avait adorée, en même temps comment ne pas aimer cette bouille d'ange ?
« - Regarde ce que j'ai apporté pour toi !
Elle me tends la moitié du gâteau au chocolat destiné au repas de famille. Je l'aime, comment un simple geste, si innocent soit-il, peut-il être si beau ? Un simple geste qu'auraient pu esquisser mes oncles et tantes, mon père. La vérité sort toujours de la bouche des enfants est un beau proverbe mais je pencherais plus pour : les plus beaux gestes sont innocents.
- Merci ma coccinelle ! Je t'aime tu sais, je ne pars pas exprès...
- Tu t'en vas pour toujours ? Me demande-t-elle, ses yeux immenses pointés sur moi. Perspicaces en plus ces gosses
- Non, je reviendrais, mais pas tout de suite en attendant, je veux que tu sois sage, tu peux faire ça pour moi ?
- Ça, je peux le faire ! s'exclama-t-elle, soudain ragaillardie
- Tu te souviens d'Aria, la fille que je t'avais présentée ?
- Oui! La fille avec les yeux gris et les jolis cheveux noirs ! Celle que tu embrassais ! Dis donc, elle s'en souvient bien
- Eh bien, je vais la rejoindre et quand tu seras plus grande, tu pourras me rendre visite. Tiens, prends ce papier, tu dois le conserver précieusement, si tu as besoin de moi, tu m'appelles grâce à ce numéro, d'accord ?
- D'accord. Dis, pourquoi elle a crié comme ça tatie ? Aie, fallait s'y atteindre en même temps...
- Parce qu'elle était très très en colère
- Très très en colère parce que tu as embrassé la jolie fille ? Elle est plus que perspicace cette gamine, c'est pas possible !
- Faut croire... Bon Erin, il va falloir que tu rentres
- D'accord, à dans un moment alors ?
- C'est ça, n'oublie pas que je t'aime ma coccinelle ! »
Je la vois s'éloigner avec un pincement au cœur, si petite et innocente : A dans quelques années petite coccinelle !
J'envoie un rapide texto à Aria pour la prévenir de l'issue de mon « coming out », je reçois aussitôt une réponse :
Oh ma chérie ! je suis désolée... C'est toujours ok pour le train ? Je t'attendrais à la gare. Je t'aime et n'oublie pas : vas de l'avant et la tête haute !
Dix-huit ans, l'âge de tout les possibles, l'âge où il faut en profiter et moi, je me retrouve à la rue. Enfin, pas vraiment, je devais partir de toute façon, mais je me suis fait virer de ma famille et cela, ça me fera toujours mal ; Je vais emménager chez Aria, à Lyon. Ville d'une nouvelle vie.
J'entre dans le TGV Paris-Lyon avec amertume, appréhension et joie, un drôle d'amas de sentiments si vous voulez mon avis.
Amertume pour ce que je laisse derrière moi. Appréhension pour ce qui se dresse devant moi et joie pour ce qui m'attendra sur le quai dans deux heures.
Je ressasse les vieux souvenirs, qu'est-ce qui a bien pu rater dans la tête de ma mère, mais le pire est que je ne suis pas seule à m'être retrouvée sans famille à cause d'un esprit étriqué. Et ça, ça fait mal.
Le paysage défile à la vitesse d'un rêve à travers la vitre à la propreté douteuse. Je contemple le flou ambiant et au fur et à mesure que nous quittons Paris et ses environs, un poids considérable dont je n'avais conscience se retire. Je sais que les gens sont les mêmes partout, que le regard sur nous sera toujours dérangeant mais je serai avec elle, et il n'y a que cela qui compte. Ensemble nous serons plus fortes.
« Lyon - tous les voyageurs descendent de voiture- » Annonce la voix robotique bien connue des passagers. Mon cœur s'emballe, cognant toujours plus fort dans ma poitrine. Je saisis mon sac et sors du train. Les mains moites, les joues rouges et le regard fiévreux et brillant. Je m'avance sur le quai et je la repère, toute menue et un peu perdue dans la multitude de la vague qui descend du train. Magnifique dans une longue robe blanche. Je pleure ça y est. Elle est tellement belle. Je pleure parce que je ne regrette rien et que je l'aime, je pleure de joie de la revoir.
Aria tourne la tête vers moi, elle sourit en me voyant de sa petite moue qui me faisais tant rire . Elle court vers moi et je fais de même. Je lâche expéditivement mon sac au sol et l'enlace, je me penche vers elle jusqu'à ce que nos deux fronts se touchent. Elle monte légèrement la tête et moi je baisse la mienne et nos lèvres s'unissent, et que mes larmes s'apposent sur ses joues pour ne former qu'une traînée unique sur nos deux visages. Un baiser fort de sentiments qui me fait percevoir avec une clarté nouvelle la douceur de sa peau, le bruit autour de nous et ses pleurs mélangés aux miens.
Elle se recule légèrement pour me chuchoter à l'oreille :
« Il y a des gens qui nous regardent ! »
En effet, tout le monde nous fixe,certains chuchotent, d'autres sourient et je préfère me souvenir uniquement des sourires. Les larmes ne sont là que pour créer le bonheur. Comme un arc-en-ciel n'est là que parce qu'il a plu et qu'il y a ensuite du soleil. La vie est un putain d'arc-en-ciel. Je lui murmure, le nez dans son cou :
« Et alors ? »
_______________________
Une nouvelle sur le thème LGBTQ inspirée de l'histoire que m'as raconté Erin dans la queue pour aller au self (oui, cette Erin ^^) , donnez moi vos avis !
VOUS LISEZ
Appelle-moi orage / fini/
Poetrypetits textes écrits d'une traite sans prétention ni intention petits poèmes posés sur une page petits éclats de coeur petis éclats de vie.