Chapitre 1

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25 ans plus tôt

La pluie commence à tomber. Je suis épuisée. Chaque jour me semble plus long que le précédent et il n'y a rien à faire pour vaincre ce sentiment. Je n'ai aucune envie de rentrer chez moi, retrouver cette ambiance hivernale maussade, feindre que les choses vont mieux et devoir agir comme si de rien n'était.

Je n'ai pas choisi d'être celle que je suis devenue. A vrai dire, chacun est victime de son destin. A moins que ce ne soit la fatalité...

Lorsque je pousse la porte de la maison, je sais qu'il n'y a personne. Ma mère a retrouvé du travail dans une petite boîte, pour arrondir les fins de mois, et elle ne rentre que vers vingt heures. Je monte dans ma chambre, mon seul refuge, l'unique endroit où je peux être moi-même. J'enlève mon manteau trempé, laisse mes cheveux longs descendre jusqu'en bas de mon dos et m'observe à la dérobée dans mon miroir. Je ne sais que trop ce que je vais y voir ; une adolescente hagarde, un peu trop maigre, le visage pâle, et cet éternel regard cerné et désespéré. Pourtant, tout le monde est persuadé que je vais mieux, que j'ai repris ma vie de collégienne en main. C'est fou ce qu'un sourire forcé peut être persuasif, à moins que mes proches ne fassent la même chose que moi. Faire semblant.

Avant de me plonger dans mes devoirs, je sors mon journal ; au moins, il n'y a pas besoin de mentir quand on écrit. J'essaie de penser à des choses positives, à ce fameux concert dans quelques jours, auquel je dois me rendre avec ma marraine. Mais je sais d'avance que ces heures de bonheur ne parviendront pas à me rendre plus forte. Parce que l'on ne guérit jamais de la mort d'un parent. On doit simplement apprendre à vivre avec...

Pour me changer les idées, je branche mes écouteurs et sélectionne ma musique préférée. J'ai découvert The K.I.D.S il y a peu, mais leurs mélodies pop m'ont rapidement conquises. Je me raccroche à ce que je peux, mais aller les voir sur scène me donne un peu de baume au cœur. Et puis cela me donne l'impression de faire une chose normale et cela faisait longtemps.

Une semaine plus tard, je suis au fond de mon lit avec un bon virus et je reste persuadée que le sort s'acharne sur moi. Ma mère m'a interdit de sortir dans cet état ; je dois donc me résoudre à rester là, pendant que des milliers d'adolescents profiteront de ce moment que j'avais tant attendu.

- Il y en aura d'autres, des concerts, tente de me rassurer ma mère.

- Le groupe va se séparer, c'était ma dernière chance...

Je ne peux m'empêcher de laisser couler mes larmes. Bien plus qu'une sortie, je comptais sur cette soirée pour m'échapper un peu de mon quotidien triste à mourir. Mais la joie ne fait plus partie de ma vie, et quelque chose me dit que je ne suis pas prête de me voir accorder un peu de douceur.

-Je vais appeler la billetterie, pour voir si l'on peut se faire rembourser, dit ma mère avant de s'éloigner.

Je l'entends parler au loin, et comprends qu'elle a pu échanger ma place contre un autre concert. Il me semble percevoir un nom que je ne connais pas et je ne cherche pas à en savoir plus. Ma colère est tellement forte que je ne veux pas entendre parler d'une autre sortie. Je voulais aller voir quelqu'un que j'avais choisi. Point.



Tome 1 : Te retrouverWhere stories live. Discover now