JUILLET

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"La haine excite les querelles, l'amour couvre toutes les fautes." Proverbe X, 12, Torah

- Isä ! Isä, je t'en prie, ne fais pas ça !

- Que je ne fasse pas quoi, Antarès ? Tirer mon fils des griffes de Satan ? Quoi qu'il m'en coûte, cette chose ne se reproduira plus jamais !

Je tombe à genoux devant mon père, agrippe son pantalon, avale quelques larmes.

- S'il te plaît, je l'aime, le supplié-je.

- Tais-toi ! Tais-toi ! il hurle.

Il me relève de force, ses yeux fous veulent m'assassiner.

- Tu ne verras plus jamais Rye, est-ce que je me suis bien fait comprendre ?

- Non, isä...

Ses phalanges claquent contre ma mâchoire, ma respiration se coupe.

- Tais-toi. Tu m'as déjà trop fait honte pour toute une vie.

Il me lâche et s'éloigne de moi à grandes enjambées. La douleur tord ma gorge, brûle mon visage et dévore mon cœur. Juste avant qu'il ne claque la porte, il me crache ces mots :

- Quitte-le. Ne lui laisse pas d'espoir. Cette horreur doit cesser sur-le-champ.

De l'eau rouge coule dans ma bouche, noie mes poumons, ravage mes pensées. Ma carcasse gît au milieu du salon, décharnée, carbonisée, aliénée. Je crois que mes jambes ne me porteront plus jamais, fauchées par la haine de mon père. Pourtant, je me relève. Des sanglots coupent encore mon souffle mais je marche jusqu'à la porte. Difficilement, j'enfile des chaussures, j'oublie ma parka. L'air glacé de Finlande assèche ma gorge, le vent essuie mes joues. Mes yeux écarlates ne paraissent plus si tristes, on croirait que c'est le froid qui les rend ainsi. Je marche, longtemps. La pierre roule sous mes semelles, les arbres se font plus rares. J'atteins le village, je ne saurais dire combien de temps s'est écoulé. J'ai l'impression d'être une statue qui bouge trop vite. Puis, je vois sa maison. Rye se tient devant la porte, les sourcils froncés, un sac en plastique serré dans ses longs doigts.

- Antarès ? Qu'est-ce que tu fais là ? Tu n'as pas froid ?

Je secoue vigoureusement la tête, retenant une nouvelle avalanche de larmes.

- Il fallait que je te dise. J'ai beaucoup réfléchi et... ça me dégoûte. Cette relation qu'on a.

- Qu...Quoi ?

- C'est dégueulasse ! je crie, ma voix dérape.

Ses yeux bruns papillonnent. Je ne sais pas si je pourrais aller jusqu'au bout.

- Tu as bu ? C'est quoi ces marques sur ton visage ?

- Oh mais ferme-la ! Ta tendresse me répugne, on est des mecs bordel ! Quand je pense à ce qu'on a fait... J'ai honte putain, j'ai tellement honte. Je veux que tu restes loin de moi maintenant. Je ne veux même plus de ton amitié. T'es complètement malade sérieux, je ne sais même pas comment j'ai pu me laisser manipuler par un con comme toi.

Sa bouche s'ouvre et se referme plusieurs fois, j'ai l'impression qu'on m'arrache la peau. Ne me crois pas.

- Si c'est une blague, ça ne me fait pas rire... commence-t-il.

- Est-ce que j'ai l'air de plaisanter ? Bordel mais t'es encore plus con que ce que je croyais ? Va te faire soigner, pauvre taré !

Regarde comme je mens, s'il te plaît, vois que je te mens.

AntarèsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant