Ma mère est une femme formidable. Remarquée par beaucoup d'hommes par sa beauté singulière, elle l'est aussi par ses actions et réflexions. Elle est fière, mais pas méprisante. Elle est remarquée, tout en étant discrète. Ma mère est un paradoxe à elle-même.
Je la connais depuis près de seize années et, au plus loin que je puisse me souvenir, je l'ai toujours admirée. De nombreux adolescents de notre âge ne demandent qu'une seule chose : partir loin du cocon familial. A vrai dire, une idée pareille ne m'a jamais trop traversé l'esprit. J'ai tout ce qu'il me faut : une belle maison, de bons amis, de beaux et bons animaux et surtout deux parents aimants.
Mais maman n'est pas une femme qui exprime facilement ses sentiments. On la voir rire, sourire souvent mais je ne l'ai jamais vu verser une larme. Elle ne dit jamais à une personne qu'elle l'apprécie, ou qu'elle l'aime. Rien que quand papa lui dit « je t'aime », elle se braque comme s'il avait dit quelque chose d'horrible, d'impardonnable.
Pendant toute ma tendre enfance, mon père était énormément présent, beaucoup plus que ma mère. A cette heure, ce n'est plus réellement pareil, il est beaucoup plus absent. Il a réussi à devenir le patron de la société qui l'avait embauché quinze ans plus tôt. En résumé, il a réussi sa vie. Maman, à côté ne semble pas l'avoir réussi. Depuis ma naissance, elle est soit restée mère au foyer soit à enchaîner des petits boulots par-ci par-là. Une fois, il y a peu de temps j'ai entendu dire qu'avant elle voulait être dans la médecine, quelque chose comme chercheuse.
Mes parents ne se sont jamais mariés. Apparemment, mon père l'a demandé en mariage mais elle aurait répondu :
- Je ne veux pas un attachement officiel avec une personne. Je veux rester libre. Si on reste ensemble jusqu'à notre mort, tant mieux ; si on se sépare, tant pis. Je ne veux pas qu'un objet, qu'un contrat, m'oblige à rester avec une même personne alors que je veux partir.
En y réfléchissant, je suis le total inverse de ma mère.
Maman n'a jamais parlé de son enfance. Je vois mes grands-parents rarement si on compare le nombre de fois que je vois les grands-parents paternels. Je vais chez eux une ou deux fois par an, à tout casser, même s'ils habitent seulement à quelques kilomètres de chez moi.
Ce qui m'intrigue, c'est qu'ils ne parlent jamais de leur fille, ne demandent jamais de nouvelles et quand j'essaye de poser des questions sur elle, ils m'ignorent.
Je suis chez eux en ce moment, dans ma pièce favorite : le grenier. C'est calme, personne n'est là pour me dire quoi faire.
Une chose attire mon attention cependant. Une planche du sol se différencie des autres. Elle est légèrement plus haute. Intriguée, j'essaie de la soulever. Après un énorme craquement, une malle se fait voir. Elle est poussiéreuse, vieille. Elle doit avant une vingtaine d'années. Je décide alors de l'ouvrir. Une somme d'argent en liquide apparaît. A vu d'œil, il semble y avoir plus de cent mille euros, et d'autres sortes de monnaies. Choquée, je referme aussitôt la boîte, pensant avoir trouvé quelque chose que je n'aurais pas dû découvrir. Je reste pendant près de cinq minutes à regarder un point inexistant sur le bois du plafond. Je cherchais des raisons pour que cet argent soit resté caché pendant des années. Peut-être que mes grands-parents on travaillé dans la drogue ? Peut-être qu'ils ont cambriolé une banque quand ils étaient jeunes ? Peut-être que c'était des proxénètes ? Peut-être qu'ils ont enlevé une personne et ce serait la rançon ?
Mon regard fut attiré par un carnet au fond du trou. Il était vieux, corné, abîmé. Il y a des années, de magnifiques couleurs devaient habiller ce carnet. Aucune inscription n'est présente sur la couverture. Je le feuillette rapidement, et vois qu'en fait il s'agit d'un journal de bord, un journal intime, datant d'une vingtaine d'années. Il n'appartenait ni à ma grand-mère, ni à mon grand-père, mais à ma mère.
« 7 juin 217
Journée banale devenue tournant d'une vie.
Après une dispute avec mes parents, j'ai pris une décision dont je vais sans doute regretter dans le futur. Le pire est que j'ai amené avec moi mon meilleur ami, Mathieu.
Après la dispute, je suis montée dans ma chambre préparer ma valise. Je l'ai appelé juste après avoir bouclée pour lui demander de venir me chercher dans la nuit.
- Allo ? C'est Célia. Je te dérange ? ... J'ai un service à te demander. ... Ça te dirait de partir ? ... Je ne sais pas, peut-être deux jours, peut-être plus. ... Loin. Je veux aller loin. Le plus loin possible. Si je pouvais, j'irais sur Mars, ou Jupiter, ou Saturne. ... Je t'expliquerai si tu viens me chercher. ... Mais non, ce n'est pas du chantage, elle rit. ... Prend de l'argent, des fringues, je ne sais pas moi t'es jamais sorti de chez toi ? ... Tu viens ? demanda-t-elle, le sourire aux lèvres. ... Essaye de venir vers deux heures du matin ? ... À tout à l'heure, merci.
Je suis sortie, il était là devant à m'attendre. Quand je suis rentrée dans la voiture, il n'a rien dit, il m'a seulement regardé et a démarré sans poser de questions. Oh, je sais que ça va arriver les questions. Il voit juste qu'il devra attendre avant d'avoir de vraies réponses. »
Mathieu ? Mathieu qui ? Je n'ai jamais entendu parler de cet homme. C'est son meilleur ami ? Maman ne m'en a jamais parlé. Ça m'intrigue. On ne l'a jamais vu, c'est la première fois que j'entends son prénom.
Elle n'avait jamais dit non plus qu'elle était partie. En fait, c'est le journal de son voyage, de son escapade, de sa fugue.
Si je lis ces pages, je comprendrais sans doute le passé de ma mère. Et peut-être, je la comprendrais elle.
YOU ARE READING
Memories...
AdventureTout le monde connait sa mère ; on sait son passé, ses études, ses amours, son caractère bien sûr, on peut deviner ce qu'elle va dire, ce qu'elle pense, ce qui peut la mettre en colère ou la calmer. Kéria, elle, elle connait le prénom, l'apparence...