Partie 3

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Mon père ouvre la porte de la chambre dans un fracas assourdissant et m'annonce que je dois me dépêcher.

Je repousse la couette et le dévisage d'un oeil, encore endormie.
Il est rouge et souffle comme un boeuf, j'imagine qu'il a déjà dû sortir les poubelles.
Tant mieux, une chose de moins à faire ce matin, c'est déjà ça.

Après un rapide coup d'oeil à mon réveil, je me redresse brusquement et déclare en me frottant les yeux :

- Qu'est-ce qu'il se passe ? Il est six heures et demie !

- Exactement, s'exclame-t-il. L'avenir appartient à ceux qui se lèvent tôt !

Il s'approche et retiré complètement ma couverture.
Je me recroqueville sur moi-même et cache ma tête entre les jambes lorsqu'il ouvre les volets.
La douce lumière de l'aurore m'éblouit tellement que je lutte de toutes mes forces pour garder les yeux ouverts.
C'est vrai que je n'ai plus l'habitude.
Deux mois à me réveiller tous les matins à dix heures, je ne savais même plus quelle couleur avait le soleil quand il se levait, première chose que je remarquait le matin quand j'avais une décennie de moins.

Pourtant, j'ai l'impression qu'il va falloir que je me réhabitue, et vite, si je veux éviter d'arriver en cours avec une demie-heure de retard tous les matins.

Tandis que je m'attache les cheveux, mon père répète en chantonnant la phrase qu'il dit tous les matins en faisant mon lit depuis dix-sept ans :

"Lorsqu'il est l'heure de te réveiller, tu peux rester couché afin de poursuivre tes rêves ou tu peux te lever pour les réaliser."

J'adore ce proverbe.
Il me rappelle quand je le récite que la vie n'est qu'un mystère à vivre.

Enfin, mon père me prend par les épaules et déclare d'une voie douce :

- Je t'ai préparé tes tartines. Va déjeuner, et ensuite, habille-toi.

- Papa, j'ai plus trois ans !

- Tsssss... Fais ce que je te dis de faire.

Je grommelle quelque chose d'incompréhensible que moi-même je ne parviens pas à comprendre et file à la cuisine avant de m'assoir à ma place habituelle.
Un chocolat chaud et deux tartines à la confiture de fraise m'attendent.
Je les dévore puis je vais m'habiller.

- Tu es prête ? me demande mon père dans l'entrebaillement de la porte.

- Presque.

J'enfile un gros pull par-dessus mon tee-shirt et sort de la chambre à la volée en oubliant de fermer la porte.
Tant pis.
Si je prenais du temps pour chaque chose, je serais en retard à tous mes cours.

Mon père est déjà en train d'attacher les lacets de ses baskets.
Je ne peux plus faire demi-tour.
Et puis franchement, se faire du souci pour une porte restée ouverte, il faut vraiment être un taré.
Alors j'attrape mon manteau au vol et sort sur le palier de l'immeuble avant de descendre les escaliers.
Il me suit et et ferme la porte à clef derrière lui tout en prenant son temps, et je dois le houspiller pour qu'il se dépêche.
Puis il descend à son tour les quatre étages qui nous séparent du rez de chaussée.
Mais lorsque je sors dehors, l'appréhension qui me rongeait hier lorsque j'étais devant le miroir me reprend, et je reste immobile sous une petite pluie glacée.
Un temps de rentrée des classes, évidemment.

Je regarde ma main cicatrisée entourée de sparadrap.

- Al ? demande mon père. Tout va bien ?

Je lève les yeux vers lui.
Il me dévisage pendant quelques instants, et une lueur d'inquiétude passe vaguement dans son regard.
Puis il hausse les épaules, comme pour chasser une mauvaise pensée, et ouvre la portière de la voiture côté conducteur.
Je soupire, puis serre ma main contre ma poitrine.

Tourner la page.

Maintenant.

Je relève la tête d'un signe de défi.
Un défi contre moi-même.
Est-ce possible ?

Je repense à la fille du miroir, à la détermination dont elle a fait preuve lorsqu'elle s'est entaillée la main.

Je veux retrouver cette part de moi, cette part d'invulnérabilité qui s'envole lorsque je perd ma confiance en moi.

Cette pensée me réconforte.
Je souris, au moment où mon père passe la tête à l'extérieur de la voiture.

- Aléa ? Viens ma puce, on va être en retard.

- J'arrive.

Je m'approche de la voiture, et, dans la vitre teintée de noir, je revois pendant un instant la fille du miroir.
Puis l'image se trouble, avant de me renvoyer le reflet d'une jeune lycéenne de dix-sept ans, prête pour sa première journée de cours.
Je souris de nouveau, puis monte dans la voiture côté passager.

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Voilà, j'espère que ce chapitre vous aura plu !
Le prochain sera plus long, beaucoup plus long ! 😄
Bisous ! ❤

Alter Ego [EN PAUSE]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant