Aurea Era

Chapitre 1

Dans pareil monde, je n'avais pas ma place.

Endurer cette exclusion pendant tant d'années m'était devenu intolérable.
Je voulais découvrir l'univers sous un jour nouveau, un point de vue plus émotionnel.

Il se trouvait que je n'avais qu'un avant-goût de ce que supportait les Humains. J'avais beau ne pas ressentir les sentiments aussi fortement que cette espèce antérieure, je pouvais tout de même sentir ce vide en moi, comme si quelque chose me manquait. Comme si mon corps réclamait l'absent.

Cette sensation, j'en étais sûre, elle était bien présente. Mais qu'elle était ce je ne sais quoi qui me titillait ?

Lorsque je parcourais le même couloir morne et sans couleur, chaque jour cette impression s'intensifiait.

L'I.D.A.A.* ne cessait de nous bassiner que nous devions rester maître de nous-mêmes, en évincant les sentiments de notre organisme.

" Ils sont un venin mortel, semant la discorde dans les esprits et brisant des vies. Si un jour, il arrivait par mégarde qu'un de ces poisons vous envahisse, contactez-nous immédiatement ou vous serez perdus à jamais. "

Telle était la règle suprême. Ne rien ressentir, prévenir ou mourir.

Mais cette loi n'était pas applicable à tous, en effet, pour certains, il était totalement impossible d'éprouver quoi que ce soit.

Avec le temps, nous fûmes tant embrigadés sur les dangers de ces " poisons " que nos cerveaux perdirent la capacité de ressentir au fil des générations jusqu'à complètement disparaître ou presque.

Presque car... Ma famille avait curieusement gardé ce pouvoir devenu si mystérieux aux yeux de tous.

Certes, il était à un niveau bien piètre chez moi, mais j'avais tout de même la capacité de vaguement ressentir la joie, l'affection...

Celle-ci se manifesta justement lorsqu'un jeune de mon âge me fit signe jovialement. Je portai ma main à mon coeur puis la tendis vers lui.

- Sana cor tuum permanet.**

Il me salua pareillement puis l'on se mit en marche, en direction de la structure pédagogique de la ville.
Cependant, un silence s'installa, alourdissant amplement l'atmosphère. Nous étions tout deux préoccupés par nos tracas personnels.

- Prête pour le grand changement ? Me demanda brusquement Ilan.

Je me crispai imperceptiblement, déconcertée par sa soudaine initiative. Mais il était vrai que cet événement prochain me tourmentait depuis plusieurs jours.
Une petite notification me surprit alors et ne cessa de clignoter dans mon esprit.

Alerte, tension repérée. Stress détecté. Processus d'urgence engagé.

Mes muscles contractés furent rapidement détectés par mon oeil bionique et envoya une décharge à mon cerveau en réponse.
Le courant galvanisant traversa mes nerfs en un dixième de seconde et aussitôt, toute tension fut éliminée de mon organisme.

Il s'avérait que j'avais omis de préciser que lorsque ce " pouvoir " se manifestait et que certaines de ces sensations illégales nous échappaient, sans que l'on s'en aperçoive, une procédure s'enclenchait automatiquement et oeuvrait pour s'occuper de ce genre de cas.

Victime d'une émotion quelconque, vite annihilée, à mon grand soulagement, je fis comme si de rien n'était, sous l'oeil suspicieux de mon ami.

Il n'était pas dupe, mon trouble n'était pas passé inaperçu et puis, il connaissait ma déficience génétique depuis longtemps mais s'efforçait de la cacher aux yeux de tous.
Lui et moi savions très bien que si cela venait à s'ébruiter, je disparaîtrais de la circulation sans laisser de trace.

Un seul faux pas et toute ma famille pouvait disparaître.

*Imperium Dei Aurea Era
**Que ton coeur reste sain.