Nouvelles des mondes

Fly

            Un long sifflement. Voilà comment les joueurs habituels se représentaient le vent lorsqu'ils percouraient les cieux de Fairy Dream, un VRMMO oublié de tous. Gigantesque monde de réalité virtuelle parmis tant d'autres, il n'avait pas retenu l'attention du publique à cause de ses nombreux bugs de départ et de son scénario encore pas assez développé. Si bien que lorsqu'on croisait un autre joeur dans le jeu, c'était un petit événement.

Les joueurs incarnaient des fées, venant de différents coins du continent et possédant diverses capacités, variant selon leur origine et leur classe. La durée de vol était limitée à quelques dizaines de mètres, privilégiant les acrobaties spectaculaires plutôt que les véritables combats aériens. Le gameplay était extrêmement porté sur les sensations, pour laisser une liberté totale de mouvement des joueurs.

Un éclair blanc filait au dessus de la forêt. La classe légendaire, disponible uniquement sur l'acquisition d'une quête secrète extrêmement difficile, déclenchée par un concours de circonstances pratiquement impossible à déclencher. Une classe jusqu'ici obtenue que par une unique joueuse : Yuuna. Elle volait à pleine vitesse, profitant de l'immersion totale des nouvelles technologies dans son avatar flambant neuf. Longs cheveux blancs flottants dans le vent et simple robe immaculée pour mieux sentir l'air glisser sur sa peau grâce aux connections du jeu à son cerveau.Yeux grands ouverts, embrassant le monde, mains pleines de vent, filets d'allégresse. Tant de temps passé à jouer payait enfin.

Car un monde ne suffira jamais, elle le savait. L'être humain a besoin d'imagination, la réalité virtuelle lui permet seulement de vivre physiquement ses songes. Matérialiser ses désirs, prendre le contrôle du vagabondage de ses pensées, obliger sa conscience à répondre à son être. Pour beaucoup, ces mondes parallèles étaient des échappatoires, des petits points de joie dans lesquels ils venaient se ressourcer avant d'affronter à nouveau les soucis de leur quotidien. Les âgés ressentaient de nouveau leur jenesse, revivaient le sentiment de servir à quelque chose. Les adultes fuyaient le travail oppressant, la vie active, la vie de famille, peu importait tant qu'ils pouvaient fuir. Les jeunes s'isoaient de leur réalité monotone, s'égayaient dans la vie de leurs rêves, rencontraient d'autres passionnés, vivaient leur seul instant joyeux de la journée.

Et d'autres venaient pour autre chose.

Un jour, Yuuna avait croisé un écrivain solitaire, qui passait son temps à se ballader dans la forêt virtuelle, admirer le paysages, la beauté du monde factice. Il lui avait raconté qu'il était bien plus facile de faire taire sa soif d'expression en admirant quelque chose de somptueux et si bien réalisé par des graphistes perfomant qu'en essayant avec peine de se vider sur du papier. Il avait avoué cette faiblesse, mais ne pouvait se résoudre à laisser son esprit en proie à cette imagination carnivore.

Une autre fois, elle avait vu une vieille dame, qui venait rendre visite à ses petits enfant dans ce monde parallèles, car ceux-ci ne pouvaient le faire en vraie, trop de distance. Elle avait concédé que finalement, la technologie avait quelques bons points. Puis elle était partie en riant, se moquant de son propre anque de foi. Oui, l'être humain avait besoin de rêves. Et celui de Yuuna était de taille. Mais à jamais irréalisable.

Pieds nus, voletant dans la nuit, à la vitesse folle de ses désirs, elle sentait le vent jouer avec ses cheveux, envelopper son corps de sa fraîche caresse. Elle vola sur le dos, regardant longement le ciel étoilé, comme des milliers de points lumineux lui annonçant chacun un bouot de bonheur.

Elle voudrait tant croire cela.

Mais elle ne le pouvait.

Fermant les yeux, elle se déconnecta. Retira le casque froid et métallique qui lui enserrait le crâne, le posa sur sa table de chevet.

En vraie aussi, il faisait nuit. Une nuit tout aussi belle que celle qu'elle venait de quitter.

Mais, elle ne pouvait pas voler, dans cette nuit.

De son lit d'hôpital, elle envia l'oiseau.

Si au moins elle pouvait marcher...