Particulier n°1

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La première fois que ma particularité est apparue, j'avais 10 ans. Je me souviens que la chaleur me chatouillait la peau, et je me réveillais d'un cauchemar, une fois de plus, dans mon lit en feu. Mes mains me chatouillaient et je me levai, effrayée, et criai à l'aide. Mes parents entraient brusquement dans ma chambre, un saut d'eau en main, et éclaboussaient mon lit. À cette époque, ils me prenaient encore dans leurs bras, et je me sentais un peu mieux. J'étais rassurée, et eux aussi, jusqu'au jour ils comprirent que, lorsqu'ils criaient sur la place publique qui osait faire cela à leur fille, les gens les prenaient pour des fous. Et mes parents n'aiment pas qu'on se paie leur tête. Lorsqu'ils rentrèrent ce jour-là, ils m'annoncèrent qu'ils me laissaient seulement l'armature de mon lit, qui était en métal. Ils me soupçonnaient de mettre le feu à mon lit et de partir de ma chambre, puisque je n'étais jamais brulée.

Et puis, ma particularité s'est développée. Mes mains me chatouillaient souvent, même le jour, et parfois même elles gonflaient. Un jour, elles devinrent tellement chaudes que je me précipitai chez le poissonnier, qui avait des bacs de glace. Elles me démangeaient, c'était désagréable, j'avais peur et tout se fit dans la précipitation. Je plongeai mes mains au milieu des poissons frais. Une fillette d'une dizaine d'années courant à travers un magasin de poisson n'était pas passé inaperçu. Le poissonnier, ayant vu les dégâts que je lui avais causés, me demanda de payer ses poissons défraîchis.

Lorsque ma mère appris cela, quelques jours plus tard, elle s'énerva après moi.

- Pourquoi n'es-tu jamais brulée Emma ?

Je pleurai, ma mère n'avait jamais été très proche de moi, mais elle était plutôt de bonne foi. Maintenant, elle m'insultait et me détestait. Cela détruisit quelque chose en moi. La personne en qui j'avais confiance m'abandonnait et me haïssait.

- Tu es une pyromane ?

- Non maman! m'exclamai-je en pleurant.

- Maman arrête, tu la fais pleurer ! s'écrie Julia, ma petite sœur.

Notre discussion en était restée là, mais je me souviens des regards pesants qu'elle me jetait parfois.

Alors, le soir dans mon lit, quand tout le monde dormait paisiblement (ou presque), je décidai que je devais tester mes capacités. «Allez, concentre-toi, tu n'as rien à craindre», je me disais à moi-même.

Je me persuadai qu'il n'y avait rien à craindre, mais je n'en n'étais pas si sûre. Après tout, mes mains étaient capables de faire du feu. J'avais apporté une bougie, discrètement ce jour-là dans ma chambre. Si ma mère me coinçait avec, ses faux soupçons auraient été confirmés.

J'observais mes mains, fines et longues, mes doigts noircis par la terre et mes mains sèches à cause des lessives. Je me concentrais, et j'imaginais mes mains parsemées de flammes, et des flammes qui me réchauffaient les mains.

Les chatouillements ont commencés, et d'un coup, mes mains prirent feu. Je pris peur et cela me déstabilisa. Les flammes s'éteignirent alors, mais moi, j'étais toujours décidée d'allumer cette bougie. Je me concentrais donc à nouveau. Cette fois, j'imaginais une flamme au bout de mon index. Une flamme bleue, celles qui brûlent le plus. Je voulais tester ma capacité à résister aux brûlures.

Une lueur apparut au bout de mon doigt, exactement où je l'avais imaginée. Je rapprochai mon doigt de la mèche, et l'alluma. Je soufflai sur mon doigt, comme on le ferait pour éteindre une allumette.

Je regardais la petite flamme vaciller. On aurait dit qu'elle dansait. Elle était belle : bleue près de la mèche et orange autour. Je l'imaginais donc onduler. Et la flammèche ondula. Surprise, je me redressai, et me concentrais: je fixai la petite boule de feu et la fit monter dans les airs, lentement. Un méli-mélo d'émotion s'empara de moi. Je ris doucement, et des larmes me montèrent aux yeux.

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