Chapitre Cinquième

231 25 9
                                    

Johnson, assit dans un coin sombre d'un bar bruyant et puant le tabac, buvait plus que de raison. Cela faisait déjà quelques heures qu'il était assit à cette table et qu'il buvait, et buvait. Encore. Il buvait comme un ivrogne. L'esprit complètement embrouillé par l'alcool, il venait à se demander comment il en était arrivé là, comment il avait fait pour ne pas voir à quel point il avait été pitoyable. Les questions existentielles surgissaient dans son esprit à une vitesse folle ; il avait lui-même du mal à suivre ses propres pensées. Le jeune Johnson était tellement perdu dans sa tête qu'il n'avait pas entendu les talons du Capitaine Hook claquer sur le bois vernis de la taverne. Elle s'était assise en face de lui et depuis, l'observait avec attention. L'état d'ébriété du jeune homme l'attrista. C'était bien la première fois depuis qu'ils se connaissaient qu'elle le voyait aussi désespéré et vulnérable.
- Ça suffit le rhum, Luke, lui dit-elle gentiment.
Il releva la tête vers son interlocutrice alors qu'elle lui enlevait le verre des mains. Il était surprit de la voir ici, en sa compagnie. Le regard attendrit de la jeune femme le dépitait. Elle n'avait jamais eu ce genre de regard envers lui, mais Lily en bénéficiait plus que de coutume.
- Jones, pesta Luke, la mâchoire serrée.
Son regard se changea instantanément. Il avait la haine contre cette satané rousse qui monopolisait constamment l'attention de la belle brune. Sous l'emprise de la colère, Johnson se leva précipitamment de son siège mais tangua dangereusement. Alice réagit rapidement et le rattrapa avant qu'il ne s'écroule que la table.
- Doucement, dit-elle à voix basse en le soutenant fermement.
Alice emmena lentement le jeune homme hors du pub. Luke s'appuya de tout son poids sur la jeune femme et profita de sa proximité. Le simple contact des mains d'Alice sur son flanc lui procurait un sentiment de bien-être. L'air marin qui s'immisçait dans ses poumons lorsqu'ils franchirent la porte du pub lui souleva l'estomac et un haut-le-cœur lui prit la gorge. Il eut tout juste le temps de se détacher d'Alice et de se cambrer en avant qu'il dégurgita tout l'alcool qu'il venait de boire. Il vomit ses tripes à la lumière d'un lampadaire. Un petit vent le fit frissonner et remonta l'odeur pestilentielle de la flaque d'alcool qui gisait à ses pieds.
- Ça valait le coup de se rendre malade ? demanda-t-elle, inquiète.
- La ferme, Alice, répondit-il.
La jeune femme soupire et se glissa derrière le matelot. Elle l'aida à se déplacer lentement et l'obligea à s'asseoir sur le trottoir. Il replia les genoux contre son torse et croisa les bras. Le voyant ainsi posté, les souvenirs de son enfance aux côtés du jeune homme vinrent à elle.

Riant aux éclats, Alice tentait d'échapper aux mains et aux chatouilles de Luke. Elle courrait tout le long de la plage où ils s'étaient rencontré bien des années en arrière.
- Alice, attend ! cria-t-il. J'en peux plus, j'suis essoufflé.
Il s'écroula dans le sable humide complètement à bout de souffle. Il vit son amie s'approcher au pas de course et s'accroupir devant son visage. Le jeune adolescent était corporellement bien développé pour son âge. Être pirate avait finalement bien des avantages ! Les yeux bleus de la jeune fille brillaient de malice.
- T'es pas un peu jeune pour être capitaine ? demanda innocemment le garçon - sachant bien que ce sujet avait le don de mettre Alice en rogne.
- Quoi ? s'indigna Alice. Mais j'ai 12 ans !
Elle ne lui laissa pas le temps de répliquer qu'elle lui jeta du sable à la figure et s'en alla en direction du navire que son père lui avait légué.

Le cachot. La voix. La lumière. La cour. Le parchemin.
- Alice Hook. La cour proclame que vous êtes jugées pour avoir sciemment commis des crimes contre la couronne. Les dits crimes étant divers et variés, et de sinistres natures, seront cités ci-après : piraterie, vol, contrebande, pillage, sabotage ... Ainsi, pour ces crimes vous avez été condamné à être pendu haut et court jusqu'à ce que mort s'en suive. Puisse Dieu avoir pitié de votre âme !
Un roulement de tambours suivit la déclaration de l'homme. Le bourreau, présent depuis le début du discours, s'approcha d'Alice et lui mit la corde au cou.
- Alors, c'est ainsi, hein ?! ironisa la condamnée à mort. Je vais mourir devant de nobles gens qui n'ont rien vécu dans leur vie mis à part leurs petits tracas quotidien et leurs soirée mondaines ?
- Vous avez mal choisi votre modèle à suivre, mademoiselle. Jack Sparrow est tout sauf un modèle à suivre ! dit l'homme au parchemin.
Les tambours s'arrêtèrent. Le bourreau s'approcha de la manivelle et tira un coup sec dessus. La trappe s'ouvrit et la corde se resserra immédiatement autour du cou d'Alice. Tout se passa extrêmement vite. La jeune fille senti un appui tangible à ses pieds et en profita pour se libérer de la suffocation naissante. Les fers qui entravaient ses poignets l'empêchaient de manœuvrer correctement pour respirer à nouveau. L'air se faisait rare dans ses poumons et la panique la gagna. L'instinct de survie s'empara de son âme et de son corps. Elle se débattit comme elle pût. Elle accrocha, sans grand espoir de réussite, la corde qui la privait instantanément de sa vie. Elle s'agrippa de toutes des forces à sa vie. Elle pensa à son père, disparu ; à Luke Johnson avec qui elle avait vécu de magnifiques années. Elle pensa à toutes les choses qu'elle avait accomplit et toutes celles qu'elle devait encore faire. Elle trouva au fond d'elle-même la force de se battre contre la mort.
Dans un grognement de colère et de désespoir, Alice libéra sa gorge de la souffrance que la corde lui infligeait. Elle s'écroula au fond de la trappe, épuisée par les efforts fournis. Pourtant, l'adrénaline de sa mort imminente lui permit de se relever et de sortir de sa cachette. Elle courrait aussi vite que ses jambes le lui permettaient. Elle rejoignit l'équipage qui se battait contre les gardes de la couronne. Elle croisa le regard de Luke à l'instant même où il empala de son épée le dernier garde.
- Franchement les garçons ! Faut vraiment que je vous apprenne à vous battre proprement !
- Dit celle qui coupe des têtes et des hommes en deux en faisant simplement un tour sur elle-même, répondit Luke, amusé.






Ce souvenir la fit sourire et la rendit néanmoins nostalgique. Beaucoup d'eau avait coulé sous les ponts depuis cette époque. Beaucoup de choses avaient changé depuis sa mise à mort.
- Je suis désolée.
Elle avait murmuré cette phrase. Il n'en revenait pas que la fierté en personne sache s'excuser.
- Pour quoi exactement ?
Le regard noir qu'il lui lança, lui glaça le sang. Elle frissonna dans la fraîcheur du soir.
- Pour tout, répondit-elle en s'asseyant à ses côtés. Tu m'as sauvé la vie, j'aurai dû te remercier et au lieu de ça, je te traite comme un moins que rien. Je me suis comporter comme une garce avec toi et je comprends tout à fait que tu m'en veuilles.
Elle s'arrêta quelques instants pour trouver les bons mots. Les mots qu'elle n'arrivait pas à dire.
- Tu m'as sauvé la vie, Luke, et je t'en serai éternellement reconnaissante. Même si je ne te le montre pas, reprit-elle.
Le regard émeraude que lui jetait Luke était emprunt de stupeur. Il se surprit même à penser que malgré la force indéniable d'Alice, au fond d'elle, elle restera à jamais cette petite brune recroquevillée sur le sable d'une plage déserte avec cette peur au ventre que son père ne revienne jamais la chercher.
- Je sais que je ne suis pas la meilleure des amies. Je sais aussi que je n'aurais jamais dû jouer de toi. Au fond, t'aurais peut-être dû me laisser pendre au bout de cette corde. Ça aurait été mieux pour toi. Pour moi. Pour nous, acheva-t-elle en entortillant sa mèche violette autour de son index.
Les yeux écarquillés, Luke se saisit du menton de la femme assise à ses côtés et approcha ses lèvres des siennes. Elle n'opposa aucune résistance et il posa d'abord chastement ses lèvres, comme pour lui demander l'accord. Puis il sentit les mains d'Alice dans ses cheveux et le baiser s'intensifia et devint passionné. Quand la langue d'Alice entra en contact avec celle de Luke, le corps de chacun d'eux s'électrifia et la boule de désir, nichée au creux de l'estomac du jeune homme, explosa en un millier de papillons.
A contre-cœur, il brisa leur étreinte. Il savait comment ces moments se finissaient, et ce n'était ni le moment, ni l'endroit. Pas maintenant. Il ne pouvait pas se montrer faible. Parce que c'était ce qu'elle était, Alice, pour lui : sa faiblesse.
- Pourquoi t'as fait ça ? demanda Alice.
- Parce que je t'aime.

Vous avez atteint le dernier des chapitres publiés.

⏰ Dernière mise à jour : Apr 20, 2014 ⏰

Ajoutez cette histoire à votre Bibliothèque pour être informé des nouveaux chapitres !

Born To be a pirateOù les histoires vivent. Découvrez maintenant