Chapitre 1 : In Extremis

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Il fait nuit dans la cité de Mehdi. Voilà enfin le calme de retour, le bruit des armes, le cri des femmes, tout s'est arrêté pour le calme apaisant de la nuit sombre. Mehdi Cheyah était un jeune homme de 20 ans, intelligent et gentil, il était passionné par la politique et rêvait un jour de pouvoir contribuer à la paix dans son pays. Il avait bien essayé de se présenter comme candidat pour les élections de 2022, seulement, malgré son éloquence et son charisme certain, il n'a pas su obtenir le nombre de signature nécessaire pour se présenter, en réalité, il n'en a même pas obtenu la moitié. Il s'est pendant longtemps interrogé sur ce sujet-là, a-t-il fait quelque chose de mal ? Il a fini par penser que c'était lié à ses origines, Mehdi est fils d'un immigré algérien, dans cette période où l'arabophobie était plus qu'extrême, il commençait à comprendre au fond.

Il était là, allongé calmement sur son lit, il fixait le plafond et méditait sur son avenir. Il vivait encore avec ses parents car il n'avait pas assez d'argent pour s'acheter son propre appartement. Malgré l'obtention de son bac ES avec mention bien, il était vraiment impossible pour lui de trouver du travail, enfin, depuis les élections il se contentait de rester cacher et de sortir un minimum pour éviter de se faire attraper par la milice frontiste. Les heures passèrent lentement, le voilà rêveur, perdu dans l'horizon de son esprit, le seul endroit où il était encore parfaitement libre. La nuit passa.

Le lendemain, la mère de Mehdi lui demanda d'aller faire les courses pour acheter à manger, après tout il était l'ainé, c'était à lui de prendre des risques pour la famille, d'autant plus que son père avait disparu, certainement à cause de la milice. Sa mère savait bien que son fils était intelligent et prudent, elle n'avait généralement pas d'inquiétudes quand elle le laissait sortir, même en pleine journée.
Mehdi lui aussi était confiant, il gardait toujours un couteau dissimulé dans sa poche arrière, à portée de main, mais c'était par simple précaution, il n'a jamais eu besoin de l'utiliser.

Le voilà sorti de son appartement, comme d'habitude dans cette cité depuis les élections, tout est calme et déserté. Les habitants les plus « bruyants » ont soit été tués, soit exportés on ne sait où. Il marchait tranquillement sur le trottoir, profitant de sa solitude et sa liberté. Après avoir battifolé seul pendant une dizaine de minutes, il réalisa que tout cela était étrange. D'habitude le quartier était calme, mais il y avait tout de même 2 ou 3 courageux qui se baladaient librement. Là, il était seul, même pas un chat ni même un pigeon. Mehdi finit donc par trouver cela étrange et hâta le pas pour rentrer chez lui. Dès qu'il a fait attention à ce détail, au fait qu'il soit totalement seul, Mehdi se dépêcha de rentrer chez lui, il se disait que si le quartier était déserté, il y avait certainement une raison...Il avait même totalement oublié d'acheter ce que sa mère lui avait demandé.

Soudain, il entendit un lourd bruit. Il était aussi désagréable que pesant, il réalisa alors que c'était le bruit d'un char de la milice. Il ne savait pas quoi faire, il n'y avait pas de cachette crédible autour de lui et il était encore trop loin de son chez soi pour espérer s'y dissimuler. Il était fait comme un rat, il commença alors à trembler, il suait, ses yeux devenaient humides, il avait peur que ce soit la dernière fois qu'il puisse voir son quartier, peut-être même la dernière fois qu'il puisse voir le monde.

Le bruit se rapprochait rapidement, Mehdi était tétanisé de peur de n'osait même plus bouger. Le char apparu enfin au bout de la rue, un homme grand au crâne rasé se mit à crier « J'en ai un ! » dans toute la cité. Mehdi comprit qu'il parlait de lui...
Une fois face au char, il réalisa qu'un vrai danger se tramait, par instinct, il se mit alors à courir dans le sens opposé, dans l'espoir de changer de rue et de pouvoir se cacher. Il n'était pas très sportif, il ne courait pas très vite, bien heureusement pour lui, les chars de la milice n'étaient pas équipés de canons, il était justes blindés et assez rapides. Mehdi fuya alors sous la pression de cet homme qui criait tout ce qui lui passait par la tête « Je vais t'écraser sale bougnoule » ou encore « Je vais te charcuter et ça sera pas halal ! », le fuyard ne répondait rien, il économisait son énergie et se concentrait dans sa course.

Il parvenait enfin à voir le bout de la rue, il s'apprêtait alors à changer de rue et à passer dans l'angle mort du char quand deux autres chars ont fait leurs apparitions.
Mehdi était bloqué, il était dans une intersection entre 3 rues seulement chaque rue était occupée par un char qui avançait progressivement jusqu'à l'écraser.
Les chars se rapprochaient simultanément de Mehdi, il ne savait plus quoi faire, son cœur battait la chamade, il revoyait l'image de sa mère et de ses frères et sœurs, il s'excusait de ne pas avoir assez fait attention, il s'en voulait de laisser sa mère seule avec 4 enfants à gérer.

Les chars n'étaient plus qu'à dix mètres, la fin était toute proche pour Mehdi qui ne pouvait plus contenir ses larmes face à ce tragique destin...
Tout était devenu noir autour de lui quand il entendit soudainement une voix qui venait de la bouche d'égouts juste en dessous de lui : « Si tu veux survivre, prends ma main petit !"

L'Enfant du PeupleOù les histoires vivent. Découvrez maintenant