Prologue : Éclore

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Dans les rues de ma ville, j'imaginais des tonnes d'histoires. Allant de la retraitée qui gagne au loto, passant par le facteur fatigué de porter des colis énormes aux jeunes du troisième. Mais j'étais loin d'imaginer la mienne. Les mains dans les poches, le casque sur les oreilles, je ne faisais qu'écouter une chanson de Stevie Wonder. Je vous l'accorde, c'est un peu dépassé, mais ça garde toujours de son charme. Je balançais ma tête sur le rythme entraînant de "Superstition", alors je n'ai pas pu les entendre m'avertir quand je traversai la route pour rejoindre mon lycée. Une ombre difforme s'avançait vers moi, à toute vitesse. Une douleur vive parcourait mon corps tout entier, alors que mon casque vola à quelques mètres de moi. Je gardais les yeux fixés sur celui-ci, il était un peu cassé, comme moi. J'essayais de compter jusqu'à dix. C'était une méthode qu'une amie m'avait appris : "Si un jour tout va mal, respire et compte jusqu'à dix". Mais je sentais que quelque chose n'allait pas, ma respiration n'était pas comme je l'ordonnais. Alors que je commençais à voir flou, une masse de lycéens m'encercla, rapidement séparée par ce que je crus deviner le directeur. Il portait toujours sa cravate rose, je l'avais toujours vu avec. Et c'est avec cette pensée que mon esprit s'endormit.

Sans cesse sous surveillance, je sens une défaillance.

Ce soir encore sous substance, mais il n'y aura pas de condoléances.

Pour une dernière danse,  s'ouvre une nouvelle séance.

J'étais vivante. Par Dieu seulement sait par quel miracle, j'étais vivante. Et je n'étais pas croyante. Je ne sais pas qui je dois remercier pour être encore de ce monde. Bouddha, Allah, l'Éternel ou encore Zeus, merci. J'avais le droit à une seconde chance, et je comptais bien en profiter une fois sortie d'ici. Enfin, ça c'est les plans que j'avais. J'étais vivante mais encore inconsciente, j'entendais mes parents discuter à côté de moi. Le médecin venait de leur raconter l'histoire. Même moi je n'en revenais pas. J'étais une survivante, d'un accident de la route que j'avais plus ou moins provoqué. Mais mon état était catastrophique, le véhicule qui m'a percuté ne m'a visiblement laissé aucune pitié. J'avais l'impression que quelqu'un appuyait sur la touche "avance rapide" de ma vie, me laissant dans ce foutu état durant trois ans.

J'étais seule à mon réveil et j'avais froid. Ce fut la seule pensée correcte que j'arrivais à formuler. Je tournai ma tête sur le côté, fixant ma seule source de lumière. Un large halo de lumière pénétrait dans cette pièce grâce à cette fenêtre. D'où j'étais, je ne pouvais voir que le haut des arbres nus. Visiblement, l'hiver était déjà là mais je n'avais encore fais aucun cadeau de noël. J'espérai sincèrement qu'il n'était pas trop tard pour que je fasse les boutiques à la recherche du cadeau idéal pour... Pour qui, au juste ? Je tournai tant bien que mal ma tête de l'autre côté et je vis une montagne de bouquets de fleurs, avec des petits mots parsemés un peu partout. J'esquissai un sourire à la vue de tant de couleurs, et tendis ma main pour attraper un des innombrables mots. J'avais énormément mal, mais je ne m'en souciais pas plus que ça, je me disais que ce n'était rien, que ça allait passer. Sur ce petit bout de papier de couleur jaune, je pouvais déchiffrer : "Rétablis-toi vite ma Manon", signé d'un certain Brieuc. Je n'avais aucune idée de qui était cette personne, mais visiblement ce n'était pas quelqu'un de bien méchant. Même si je trouvais ça étonnant qu'il écrive "Ma". Je lisais quelques autres papiers ou du moins, ceux qui étaient à ma portée. Plus je lisais, plus je me rendais compte que quelque chose clochait. Aucun de ces prénoms ne me disaient quelque chose, pourtant la plupart m'appelait avec des surnoms affectueux. Je commençais à angoisser, cette salle commençait à m'étouffer par sa chaleur. La douleur dans ma poitrine se faisait de plus en plus vive, j'essayais d'appeler à l'aide mais aucun mot ne sortait de ma gorge. Je voulu me lever mais je remarqua les tuyaux partout autour de moi. Je ne sais pas comment j'ai pu faire pour ne pas les remarquer... Je voulais faire abstraction de tout ceci, et pris ma tête entre mes deux mains. Je pensais que j'allais finir par imploser, à cause du bip incessant qui commençait à jouer, mais rien de tout ça. Des personnes en blouses blanches finirent par faire irruption dans ma chambre, il bidouillait toutes les choses que je ne pourrais nommer autour de moi. Quelque chose pénétra mon corps, probablement de la morphine. Je sentis cette substance se répartir dans tout mon être et aussitôt, la douleur s'atténua. J'étais complètement déconnectée du monde, je les regardais avec mes yeux vitreux, ils discutaient entre eux et certains semblaient surpris. La seule chose à laquelle j'étais encore connectée, c'était ces foutus machines...




Passé(e) par làWhere stories live. Discover now