20° "Porte de cellier"

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Maman : Tu es beau comme un ange, Livai.
Moi : Mais, maman... Les anges ont des cheveux clairs. Et je n'ai pas les cheveux clairs.
Moi : Comment puis-je être un ange si j'ai les cheveux sombres ?
Maman : Tu es un peu différent, certes, mais tu restes magnifique.
Moi : Comme le Vilain Petit Canard ?
Maman : Non, comme mon ange.

Toujours J-1 avant la fête,
Toujours Vendredi,
22 : 03
La pluie chute toujours ce qui empêche les papillons de nuit de torsader autour des lampadaires.

Nous sommes appuyés contre les barrières vertes du parc. Celles qui séparent le sol sableux de l'herbe.

Le feu tricolore continue de danser, lui aussi. Les feuilles des arbres sont agressées par les gouttes qui se font de plus en plus violentes à chaque minute qui s'écoule.

Eren : Je n'imaginais pas mon vendredi soir en bain de minuit.
Dit-il, trempé par la pluie.

Un éclair vient éblouir le ciel et je commence à compter les secondes dans ma tête.
Une.
Deux.
Trois.

Puis le ciel gronde.

Livai : Trois-cents mètres.
Eren : On est juste en dessous.

Nous ne pouvons pas être plus trempés qu'en ce moment même. J'ai l'impression que mes vêtements coulent eux aussi.

Une minute.

Eren : Dis, Livai. Pourquoi aimes-tu tant la pluie ?

Un énième éclair vient fendre les nuages et le ciel hurle de douleur presque automatiquement. C'est effrayant.

Livai : Les gens tristes aiment la pluie.
Eren : Simple comme réponse.
Livai : Tu t'attendais à quoi ? Une explication poétique à la Baudelaire ?
Eren : Pitié ne me parle pas de lui, je comprends jamais rien à ce qu'il raconte.

Deux minutes.

Les branches des arbres tanguent, bougent dans tous les sens. Et le bruit des gouttes sur les feuilles du buisson derrière nous se fait de plus en plus persistant.

Livai : Que penses-tu des portes de cellier ?

Des milliers de gouttes tombent sur le sol avant qu'il me réponde.

Eren : Hein ?
Il a tourné un peu sa tête vers moi mais ne me regarde pas. Il fixe un point invisible qui semble le passionner.

Livai : Que penses-tu des portes de cellier ? "Cellardoor".
Eren : Oui j'ai entendu, merci, mais c'est une question très étrange que tu me poses, là...

Je prends une inspiration avant de l'expirer, puis lève la tête vers le ciel qui vient une fois de plus de s'éclairer.

Trois minutes.

J'aime les orages. Ça montre que même le ciel crie, parfois.

C'est en gardant ma tête dans les nuages que je lui réponds.

Livai : Un célèbre linguiste a dit un jour que de toutes les phrases que la langue possède, de toutes les associations infinies de mots qu'il y ait eu dans l'histoire, "porte de cellier" est la plus admirable.

Il tourne complètement sa tête vers moi, maintenant.

Je descends mes yeux vers le sol boueux avant de les dériver vers les siens.

On se regarde longtemps avant que ses cordes vocales émettent une phrase.

Eren : T'es vraiment bizarre, Livai.
Livai : Désolé.
Eren : Nan, j'aime bien...

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