2 ● Foule névrosée

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A deux doigts d'escalader les grilles du centre de loisirs pour m'enfuir le plus rapidement possible de cet endroit aspirateur d'âme et d'énergie physique, je m'aventure dans la cour où les enfants s'amusent, tenant fermement mon sac en tissu trempé. Malgré tous mes efforts pour leur expliquer que je ne peux plus jouer avec eux et que ce n'est pas loyal d'arroser une animatrice qui n'est pas armée d'un pistolet à eau, les enfants aux regards malicieux se jettent sur moi. Je subis l'eau froide qui vient injustement se plaquer sur mes bras nus pendant quelques secondes, puis décide de tout plaquer et de fuir. Je me précipite sur la grille et m'échappe de cette cour à l'allure d'arène. Tant pis si je ne serais jamais plus prise au sérieux. Une fois la vie sauve, je m'éponge le front, trempé d'humidité. Il me suffit de ne rester qu'à peine 1 minute sans bouger, que le soleil vient m'aider à sécher l'eau qui me recouvre. Ils n'auront pas ma peau, je me souffle à moi même en pensant à ces petits êtres vivants remplis d'énergie. Comme des petits Fley métamorphosés en humains. Bien sûr, malgré que je sois épuisée par ces journées d'animatrice, je suis très contente et très fière d'avoir harcelé le responsable du service enfance de la municipalité pour obtenir ce travail et passer du temps avec les enfants cet été. Bien que je passe une bonne partie de mon temps avec des enfants puisque je suis en pleine formation d'éducateur de jeunes enfants. Et oui ! j'ai bien fait d'investir dans des cuillères froides, hein !

Je regarde autour de moi et saute sur le trottoir pour ne pas me faire écraser par la voiture énervée derrière moi. Je trottine jusqu'à mon arrêt de bus, ne sachant pas si le chauffeur est déjà passé. Mais je ne le saurai sans doute jamais puisque les horaires ne sont plus affichées. Prise par une soudaine inspiration, je me mets à marcher en direction de chez moi. "Il est surement passé, je vais m'avancer un peu". C'est étrange parce que c'est toujours quand je me dis ça et que je m'éloigne de l'arrêt de bus, que le bus arrive. Evidemment je n'ai pas le temps de le voir s'arrêter qu'il me montre déjà ses fesses carrées. Je finis par me dire que marcher permet de prendre l'air. Même si l'air en question est aussi sec que celui d'un sauna !

 Je marche tranquillement, un pas après l'autre, lorsque dans mes pensées, je suis propulsée dans la réalité. Percutée par une foule névrosée, je lève les yeux et regarde ce qu'il se passe dans la rue. J'essaye d'abord de me faufiler entre les personnes qui crient à tue-tête, mais finalement compressée entre deux jeunes filles à la voix cassante, je retourne tant bien que mal sur mes pas et m'éloigne de cette rue parisienne. Je regarde alors la foule, attristée. Je vais devoir prendre le racourlong qui rallonge mon chemin de 10 bonnes minutes. Ce qui veut dire passer devant l'épicerie de Roger. Roger qui cherche à m'embêter en me parlant, lui aussi, pendant 10 bonnes minutes, sans même se rendre compte que je deviens muette lorsque je suis avec lui. 

- AHH, MAEVA, IL EST LA ! JE LE VOIS, JE LE VOIS ! 

La jeune fille qui est à côté de moi attrape soudainement ma main. 

- Oh, excusez moi ! 

Confuse, elle se tourne vers sa copine et attrape la bonne main. Ensemble, elles se mettent à courir et disparaissent dans la masse. Curieuse, je lève les talons. Mais je maudis ma petite taille de ne rien me laisser voir. Il y a peut être Brad Pitt qui se trouve à quelques mètres de moi, mais moi, je suis là, et je ne le saurai jamais. Puis je reprends mes esprits et en me disant que malgré tous mes efforts, n'aurais jamais pu communiquer avec lui, puisqu'il parle anglais. Hello, my favorite subject is music, my favorite colour is blue... Mommy, Mommy, my favorite personne is you, is... 

- Brad Pitt ! 

Il faut que je sache. Alors je me précipite sur la première personne que je croise. La pauvre dame, je crois qu'elle aurait pu faire une attaque. 

Tom Holland - Partie 1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant