Le crépuscule s'annonçait sur le bleu grisonnant d'un ciel d'automne, dégradant quelques nuances orangées contre les nuages effilés. Le jour laissait doucement place à la nuit, éveillant les attentions presque paranoïaques des fermiers alentour. Entre les prédateurs nocturnes dérobant volailles ou bovidés et les pillards attaquant les fermes endormis, l'activité nocturne pouvait se trouver particulièrement agités et dangereuse. Se fut persuadé de cette idée qu'Izzy Graham empoigna sa vieille carabine planquée dans le coffre de la cuisine alors qu'un capharnaüm étrange résonnait de la propriété voisine. Il l'avait eu à une tombola trois mois plus tôt, remplaçant la Winchester de son père et il espérait que l'arme fonctionnait correctement. Son habilité au tir ne faisait serte pas de lui le meilleur tireur des environs, mais il en avait assez pour faire fuir la racaille qui tenterait de voler sur ses terres.
Au bout d'une bonne heure, le silence pris possession des alentours. Un silence qu'aucune nature n'aurait permis, parfait, oppressant, mirifique. Installé à la table de sa cuisine Izzy avala une gorgée de whisky au goût âcre, une main fébrile posée sur la Baïkal à ses côtés. Dans ce calme surnaturel, sa propre respiration le rassurait. Un bruit sec et sourd, comme un corps frappant les murs, retentit soudainement et une partie du liquide ocre quitta le verre pour souiller le pantalon du vieil éleveur. Grommelant, il resserra sa prise sur son fusil, alerte, ses petits yeux sombres tentant de percer l'obscurité naissante au travers des carreaux gras de la pièce. Un nouveau choc raisonna à l'autre bout de la maison, suivi de quelques raclements dont il s'aperçut avec angoisse qu'il ne pouvait en expliquer l'origine humaine malgré son esprit des plus cartésiens. Peut-être ses voyous était-il accompagné de chiens... Sa large mâchoire se tendit au son du bêlement de son troupeau et il termina son verre cul-sec puis souleva son énorme masse jusqu'à l'entrée, le canon de son arme reposant contre son épaule. Personne ne touchait à ses bêtes et il allait le rappeler à ses invités impromptus quels qu'ils soient.
Posté sur le pas de la porte, dans l'ombre d'un crépuscule avancé, les yeux plissés, il distingua difficilement une silhouette courbe au milieu de ses moutons. Humanoïde, visiblement rachitique et à l'allure dégingandée. La présence tourna brusquement le regard vers lui de ses petits yeux fixes, luisant, et Izzy douta un instant qu'il s'agisse bien d'un homme et non d'une bête. Les deux ? Improbable. Il y eut deux autres billes luminescentes dans l'obscurité puis encore d'autres, des pas précipités, des grattements, grognements, et le fermier fit un pas inconscient vers l'abri presque sûr que constituait sa maison. Mais lorsque qu'une main glacée et décharnée lui déchira la chair de l'épaule, il n'eut le temps que de voir le visage affreux de la mort et de renifler l'odeur pestilentielle de la décomposition avant que les dents acérées de cet être cauchemardesque n'entame son visage boursouflé pour étouffer son hurlement de terreur.
***
Il y avait ces voix. Deux. Un homme et une femme. Une dispute. Loin ou étouffée, comme dans un bocal bien fermé. Une explosion. Des cris. Des centaines de cris. Un bourdonnement terrible pour les couvrir. Et puis plus rien.
Ses yeux s'ouvrirent sur le plafond miteux d'une pièce plongée dans un calme assourdissant. Son crâne vibrait encore de ce son vrillant qui avait suivi la déflagration. À cette époque, son ouïe avait eu du mal à regagner son acuité et elle avait bien failli se faire prendre par l'ennemi. Aujourd'hui, elle était parvenue à faire abstraction de cet évènement sinistre, mais son inconscient la rappelait à l'ordre de quelques rêves hachés, brefs, incohérents. Elle tenta de se redresser, mais fut rapidement gagnée par une vive douleur lui brûlant la gorge et les entrailles comme le plus vivace des incendies. Elle se rallongea dans une exclamation frustrée et tourna la tête vers son acolyte négligemment appuyé contre la commode près de la fenêtre. Grande stature faussement grêle sous une tignasse charbonnée toujours soigneusement peignée – curieux contraste avec de grands yeux sombres aux sempiternels lueurs farouches - Lee avait détourné son attention des carreaux poussiéreux pour observer sa vaine tentative. Il soupira, posant le papier à rouler chargé de tabac sur le meuble dans son dos, et se redressa.
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Dusk War
ParanormalUne Reine. Après des siècles entre les mains d'un consulat tyrannique, son peuple pouvait enfin aspirer au couronnement d'une nouvelle Reine. Une page se tournait vers un avenir incertain et pourtant, c'est de l'obscurité du passé que grondait la p...