Sombre Science

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— Maman ! Maman ! hurla le jeune garçon. Me laisse pas maman... M'abandonne pas s'il te plaît... Continua-t-il en pleurant.

— Oh mon petit Élio, je suis tellement désolée... Gémit la jeune mère, les larmes aux yeux. Je tenterai tout pour revenir le plus vite possible, ne m'oublie pas mon Élio. Et ne doute jamais que je t'aime ! Termina-t-elle la voix brisée par l'émotion.

Le père qui jusque là était resté en retrait s'avança rapidement. Il enlaça sa femme dans une dernière étreinte. Le nez dans ses cheveux, il lui murmura pour la centième fois :

— Es-tu sûre de ton choix Karmen ? Tu sais qu'il est encore temps de revenir en arrière...

— Tu sais tout aussi bien que moi qu'il le faut, que je ne peux pas laisser passer ma famille et mon bonheur personnel devant ça... Je m'excuse Étienne, j'espère qu'un jour tu me comprendras et que tu me pardonneras.

Karmen s'essuya les yeux d'un revers de manche et embrassa Étienne doucement. Un baiser au goût d'adieux. Elle se détourna, la tête haute, et se dirigea vers la porte d'entrée. La main sur la poignée, elle se retourna une ultime fois et chuchota à son mari :

— Si... Si ça ne se passe pas comme prévu, je te fais confiance pour être heureux avec Élio. Peu importe ce que ça prend. Occupe-toi bien de notre petit ange. Au revoir Étienne.

Sans un regard de plus en arrière la jeune femme sortit de son vieil immeuble datant du 24ème siècle. Elle imagina les deux visages des hommes qui comptaient le plus pour elle, mais déjà ils disparaissaient. Ce grain de beauté, était-il à gauche ou à droite ? Laquelle de ses canines était tombée la semaine précédente ? Tandis que les courbes de leurs yeux s'effaçaient, Karmen songea à l'avenir. Il lui faudrait être forte, elle allait devoir convaincre ceux qu'elle considérait comme les plus grands cerveaux du continent  pour que son sacrifice ne soit pas vain.

***

Karmen arriva dans la salle de conférence avec plusieurs dizaines de minutes d'avance. Le trajet de six heures l'avait éreintée cependant elle savait qu'il lui faudrait donner le meilleur d'elle-même.

Aujourd'hui était un grand jour, elle abandonnait sa famille pour leur sécurité tandis qu'elle mettait sa vie en danger en révélant les travaux qu'elle effectuait depuis quatre longues années. Elle répéta son discours dans sa tête encore une fois et vérifia son écran pour se certifier qu'il n'y aurait pas de problèmes techniques.

La Conférence des Découvertes Scientifiques était décisive. Elle DEVAIT réussir. Elle se rappela également ce qu'était sa vie, officiellement : une femme divorcée qui avait été mère-porteuse pour sa meilleure amie stérile et qui avait été mariée à Étienne Devallo ; l'enfant qu'elle avait porté dans son ventre étant à présent sous la garde de son ex-mari et de sa meilleure amie, qui s'étaient mariés par la suite. Elle se le répétait : elle n'avait pas d'attaches.

Pas d'attaches, pas de liens, pas de chantage possible.

***

— Nous allons à présent accueillir Mademoiselle Karmen Thaefa, descendante de la célèbre présidente brésilienne Margareth Thaefa, qui va nous parler de l'ambre.

— Bonjour à tous. Étant donné que les quinze minutes me limitent beaucoup, je vais commencer directement par un court rappel historique.

Karmen inspira profondément.

— Il y a 75 années, les Mouvements ont débutés. Les Grands Séismes, Tsunamis et Volcans ont mis les villes à feu et à sang. Onze années plus tard, en 2421, la planète s'est stabilisée et de nombreuses expéditions ont été menées pour découvrir ce qu'il restait des décombres de nos civilisations. C'est pourquoi en 2422, d'importants gisements d'ambre furent mis à jour dans la forêt amazonienne du côté brésilien. Ces derniers permirent, par le biais des technologies de l'époque, de faire face au manque d'électricité, l'ambre étant une résine particulièrement électrostatique. Ma grand-mère, pour assurer la survie d'une majorité d'hommes, décida de livrer à chaque continent la même quantité d'ambre sans rien demander en échange. À cette époque, la Famine faisait rage et cette électricité nous donna la chance de contrecarrer la mort qui s'abattait sur chacun d'entre nous. Ainsi de nombreux ouvriers descendirent dans les gisements d'ambre et prélevèrent la résine.

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