Chapitre I

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CHAPITRE I

« Cloé ? Est-ce que tout va bien ? » demandai-je depuis le couloir. « Cloé, réponds-moi, tu m'entends ? ».

Ma sœur est enfermée dans la salle de bain depuis presque vingt minutes, ce qui commence à m'inquiéter. Je pose mon oreille contre la porte mais je n'entends que les bruits de vaisselle provenant de la cuisine, au bout du couloir. Nous venions tout juste de terminer le dessert lorsque Cloé a quitté la table, a sorti un test de grossesse de son sac à main et s'est dirigée vers la salle de bain pour s'y enfermer sans prononcer un mot. J'ai vécu cette situation beaucoup trop de fois et connaissant ma sœur, ce silence ne pouvait signifier rien de bon.

En tournant la tête, j'aperçois Jenny, les assiettes propres à la main. Elle me regarde et lève un sourcil d'un air interrogateur, auquel je réponds d'un haussement d'épaule. Nous nous regardons un moment. Je voyais dans ses yeux qu'elle était inquiète : nous l'étions toutes les deux. Après une grande inspiration, je recommence à essayer d'ouvrir cette maudite porte.

« Cloé si tu ne me réponds pas dans la minute qui suit je vais être obligée de forcer la porte. Je ne plaisante pas ».

Toujours pas de réponse.

Je commence alors à enfoncer la poignée et à pousser la porte avec mon épaule quand soudain j'entends un cri de l'intérieur.

« Cloé ?! » m'écriai-je en tambourinant.

La porte s'ouvre violemment. Cloé, hystérique, le visage humide de larmes, me montre fièrement son test de grossesse.

« Je suis enceinte Vicky, je suis enceinte !! Tu vas être tatie et je vais être maman d'une magnifique petite fille ! C'est le plus beau jour de ma vie ! Dis moi tu préfères quoi comme prénom, j'ai déjà pensé à Rose ou Lili, mais sinon Lucie me plaisait bien aussi... Je sais qu'il ne faut pas que je m'affole, mais je suis toute excitée ! Une petite fille Vicky, tu réalise ?! Je le répète, ce jour est le plus beau jour de ma vie ! »

C'est le moins qu'on puisse dire. Cela fait déjà un an et demi que Cloé tente de tomber enceinte, et après deux fécondations sans succès et une fausse couche, les médecins ne croyaient plus trop à ce quatrième essai, qui relève du miracle.

« Je suis très heureuse pour toi » dis-je à Cloé en la prenant dans mes bras.

Elle me sourit et posa sa tête sur ma poitrine. Bien que Cloé soit ma grande sœur, elle est beaucoup plus petite que moi. Je passe ma main derrière sa tête et caresse ses cheveux pour essayer de la calmer. Elle me serre très fort et nous restâmes enlacées un moment.

Je suis réellement contente pour elle. Je sais que ce bébé représente beaucoup à ses yeux. Cloé est le genre de femme qui a besoin de construire une famille pour être totalement accomplie, ce que je respecte. Institutrice en école maternelle, elle a toujours eu énormément d'affection pour les enfants : elle est douce, patiente, affectueuse... toutes les qualités de la mère parfaite. Ses fécondations ratées et sa fausse couche ont été de véritables chocs pour elle. Très émotive et sensible, la perte de son bébé après quatre mois de grossesse l'a pratiquement détruite. Jenny et moi l'avons durement épaulée pendant cette épreuve. Je n'ose pas imaginer quelle aurait été la situation si la fécondation avait encore échouée. Autant dire que la présence de cet embryon là, dans son ventre, est un soulagement pour nous toutes.

Après quelques minutes, Jenny nous avait rejoint. Cloé s'écarta de moi et pris Jenny dans ses bras à son tour.

« Merci Jenny, si cette petit fille est là dans mon ventre, c'est grâce à toi ».

Jenny, ma petite amie, est médecin. Après sa fausse couche, Cloé a supplié Jenny de l'aider. Jenny a longtemps hésité ; vu ses antécédents, beaucoup de preuves menaient a pensé que Cloé était probablement stérile et un quatrième échec pouvait l'anéantir psychologiquement. Cloé a insisté jusqu'à s'en rendre malade. Jenny n'a pas eu la force de refuser et a demandé à la meilleure gynécologue qu'elle connaissait de s'occuper du cas de Cloé, afin qu'elle bénéficie du meilleur processus de reproduction possible pour que ce bébé ait toutes ses chances de voir le jour.

« Ce n'est rien, cette enfant a tout gagné à être ta fille » déclara Jenny tout en enlaçant ma sœur.

Même si Cloé n'était probablement enceinte que de quelques semaines, nous savions déjà avec certitude que l'enfant serait une fille. En effet, depuis la grande Grande Révolution Féministe, l'espèce humaine est composée exclusivement de femmes, la Femme étant le seul des deux genres à être réellement utile pour la reproduction. Grâce au progrès de la science et à la recherche médicinale, nous avons créer un moyen de reproduction qui permet à la Femme d'assurer seule sa descendance.

La reproduction humaine se fait par insémination artificielle. Lorsqu'une femme désire avoir un enfant, on place dans son utérus un échantillon de spermatozoïdes, provenant de la Banque de Sperme qui contient des milliers d'éprouvettes que nous avons conservées du temps où les hommes existaient encore, et reproduit à l'identique afin que notre réserve soit infinie. Afin d'assurer le sexe féminin du bébé, étant donné que des bébés garçons seraient utiles à l'espèce humaine, les médecins ont décidé de trier les spermatozoïdes de la Banque de Sperme pour ne conserver que ceux qui pouvaient, une fois fécondés à un ovule, donner naissance à une fille. La grossesse se déroule ensuite de la manière la plus naturelle qui soit, jusqu'à l'accouchement.

Nous n'avons plus besoin des Hommes pour assurer la reconduction ; en réalité, nous n'avons plus besoin des Hommes du tout.

« J'espère qu'elle aura mes yeux verts et mes cheveux blonds » étouffa Cloé dans un sanglot, en caressant sa belle chevelure dorée.

Au cours de sa vie, une femme ne peut recevoir les spermatozoïdes d'un seul et même patrimoine génétique, d'un seul et même donneur, afin que ses filles soient de véritables sœurs. De plus, elle ne peut choisir le patrimoine génétique de l'éprouvette qui lui est attribuée, autrement dit l'origine ethnique du donneur, afin de conserver tous les phénotypes humains existants.

« Si ça se trouve, le donneur était âgé de quatre-vingt ans. Ta petite naîtra avec des rides » blagua Jenny, afin que Cloé arrête ses pleurs.

Effet contraire, elle repartit de plus belle. Nous restâmes longtemps toutes les trois, debout dans ce couloir, à rire et à profiter de ce moment de joie partagée.

Nous ignorions alors que la naissance de bébé allait bouleverser nos vies.

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⏰ Dernière mise à jour : Aug 10, 2017 ⏰

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