Gemma
La lumière du matin brûle mes mollets et me fait doucement émerger de ce sommeil profond dans lequel j'étais plongée. Plus de néons, sûrement éteins pendant la nuit, juste la lumière des rideaux mal fermés qui se reflète sur ta peau lisse et parfaite.
Je crois que je t'aime.
Mais je ne le dirai jamais à voix haute, parce que je préfère pouvoir te regarder des heures durant, parce que j'aime chercher ton regard fuyant, parce que j'aime te voir courir vainement et te redonner une goutte d'espoir à chaque fois que tu baisses les bras.
Un an que ça dure, un an que j'aime ça. Mais hier soir était presque une erreur; je n'étais sensée que te donner un souffreteux baiser, je t'ai offert mon corps dans son entièreté. Moi qui croyait pouvoir te résister, tes lèvres m'ont envoûtées, tes courbes m'ont subjuguées, et si ce n'était pas assez, tes mains et ta langue expertes m'ont coupées de toutes envie de m'en aller.
Pourtant j'aurais aimé jouer encore et encore, que tu me désires encore plus, qu'une seule de mes caresses suffisent à te faire jouir, tant tu aurais rêvé de mon corps sous tes mains frêlement douées.
Je ne me sent pas de jouer encore, plus après ce qui vient de se passer, plus après ce que nous avons vécu. J'aurais aimé en avoir encore vraiment envie, mais je ne peut m'empêcher de penser que t'aimer est encore plus plaisant. Et je te regarde dormir contre moi, tes lèvres qui ne cherchent qu'à être rejointes par les miennes, ton souffle paisible, tes beaux petits cils abaissés sur tes hautes pommettes colorées. Quiconque t'aurait trouvé d'une pureté innocente, à cet instant même, mais moi je te revoyais, les mains entortillées dans mes cheveux, les hanches ondulant au rythme de mes assauts, la tête rejetée en arrière sous le délice de l'extase charnelle.
Plus tôt j'ai cru t'aimer, mais rien n'est moins sûr. C'est pour ça que je tiens encore moins à te le dire, ne voulant pas te faire souffrir. Mais de quoi ai-je peur? Si emportée par les mouvances de ta silhouette et les battements de mon cœur, je n'ai su me poser la bonne question:
Et toi, m'aimes-tu?
Cela me paraît fou, mais tu ne me connais pas, attirée par mes formes, par mes jeux, tu n'as jamais su qui est la vraie moi. Et quand tu te rendras compte, et quand tu apprendras, tu me rejetteras. Si je n'étais pas celle que tu attendais? Et si tu n'avais même jamais pensé à faire plus que me baiser?
Lentement le plaisir serein de ton étreinte laisse vaquer milles questions incoercibles dans le fond de mon esprit torturé, et si je me laissais aller, je peux t'assurer que je sangloterais. Dans un mouvement onirique, ton bras se resserre autour de ma taille et ta tête plonge plus loin dans mes cheveux. Je me retrouve plus encore piégée contre toi, alors que je n'ai qu'un désir: fuir.
Déglutissant péniblement, je tente de me décrocher de tes serres, sans pour autant que tu ne te réveilles. Il faut que je fuie, il faut que je m'en aille. Une énième fuite dans notre histoire. J'espère ne pas trop te faire de peine; mais si tu ne m'aimes pas, je pense que tu t'en ficheras.
J'arrive enfin à me dégager complètement de tes bras, et, résistant à l'envie opprimante de déposer un ultime baiser sur le bout de ton nez rebondi, je me glisse hors du lit, à la recherche des mes habits. Quand je les ai enfin trouvé, après d'interminables fouilles, j'essaye de m'habiller, sans bruits, en te gardant bien à portée de vue.
Tu sembles si loin de toutes préoccupations, dans ton sommeil doux et profond. J'aurais aimé être restée un peu plus longtemps dans cet état, moi aussi, et me réveiller après toi, et que tu me dises que tu m'aimes, et que je te répondes que moi aussi, même si je ne suis pas sûre de le penser, pour voir tes yeux s'illuminer et tes joues se colorer.
Mais j'ai si peur, si peur, tu ne peux pas imaginer. Je ne peux t'attendre, la boule au ventre, pour finalement me rendre compte que tu ne cherchais que le plaisir dans le creux de mon corps. J'ai été si bête, je suis tellement désolée, je n'aurais jamais du te courir après cette nuit, je n'aurais jamais du répondre à te caresses à la lumière des néons.
J'esquisse un mouvement pour ouvrir la porte, persuadée que c'est la bonne solution; tu grognes dans ton sommeil, je me retourne, et repense à cette nuit d'effusions. Et je remonte un peu plus, comme tu remontais mon corps avec tes baisers, et j'arrive au début de cette nuit où nous nous sommes croisées.
C'est la déception dans tes yeux qui ne rencontrent pas les miens, que je revois, c'est ton absence qui me crève le coeur, c'est ta silhouette qui s'efface peu à peu à cause de ton malheur. Si tu ne m'avais pas aimée, serais-tu partie? Si tu avais voulu mon corps, tu aurais pu venir, les pousser, me prendre à ce moment précis.
Pourquoi avoir choisi de me laisser, comme si tu ne te considérais plus comme suffisante pour me poursuivre, comme si tu avais décidé d'abandonner? Je ne sais quoi en penser.
Je sort de la chambre, lentement, et cherche du regard ce qu'il me faut. Un morceau de papier, qui traîne, une vieille facture sur laquelle tu avais déjà gribouillé, un stylo, un peu plus loin; tout ce qu'il me fallait. Je m'empresse d'écrire une phrase, avant que tu ne puisses émerger, et précipitamment, je prends tes clés, ouvre la porte, et je m'en vais.
Le froid est mordant, mais ce n'est pas lui qui me fait me sentir si mal. Je jette un dernier regard, en espérant que tu me pardonneras, et que tu viendras à moi. Si tu ne viens pas, tu sais, je comprendrais. Mais je t'en supplie, viens..
Les tempes battantes, les mains tremblantes, je m'enfuis dans le brouillard matinal, laissant ton corps chaud à l'abandon, avec cette seule petite note, à ton intention:
'Come and get me tonight,
Under the rain and the neon light.
8,15, Gemma.'
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Neon
Short Story"Je veux goûter à l'infini dans le creux de ton corps, je veux sentir l'Univers dans le creux de tes reins, je veux devenir tienne par le bout de ta main." 'So come and get me tonight Under the rain and the neon light.' MAJKENxGEMMA short story