Silence

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Assis tous les deux contre un arbre de l'immense forêt sur la colline où est située la classe de 3-E, tu observes dans un silence pesant Nagisa. Ses cheveux sont pour une fois détachés. Quelques mèches volantes tombent sur son visage, le reste n'étant qu'une cascade qui finit sa course au niveau de ses épaules frêles. Une myriade de différents bleus,  tantôt clairs, tantôt sombres, là où les rayons du soleil ont du mal à pénétrer. La couleur te fait penser à celui d'un ciel calme, sans nuage, jour d'été apaisant. Comme lui finalement. Tu souris à cette pensée et tu remarques que ses grand yeux de la même couleur que ses cheveux, te scrutent sans aucune gêne. Mais ça ne te dérange pas. Tu les aimes bien de toute façon.  Tu es fasciné par cette étrange lueur qui brille dans son regard. Un mélange de sérénité, mais aussi d'un désespoir qui te semble si grand, presque sans fin. Accompagné d'une tristesse si profonde, si puissante qu'elle te cloue sur place. Comme si,  en lui il se déroulait un combat silencieux, mais d'une extrême violence. Tu peux presque sentir ses cris de rage qu'il tente de contenir en lui. Tu te dis que ce n'est pas bon. Qu'il ne devrait pas tout garder pour lui. Parce qu'un jour il ne pourra plus. Un jour tout explosera, et il sera emporté par tout ce qu'il avait tenté de contenir. Tu ne souhaite pas  ça. Tu ne veux pas le voir dépérir.  Et ça te fait mal. Tu souffres de le voir ainsi, muré dans un silence où résonne l'écho de son malheur. Mais tu as beau réfléchir, te creuser les méninges dont on t'a fait si souvent les éloges, tu ne sais pas quoi faire. Alors tu restes là, impuissant, assis à côté de lui, sans rien dire.

Tu sais que c'est encore plus dure pour lui que vous tous réunis. Tu sais qu'aucun de vous n'a voulu ça. Pourtant vous le saviez. Depuis le début, vous étiez au courant qu'un jour, vous devriez le tuer. Parce que c'est ainsi. Parce que même si, il n'y avait qu'un pourcent de risque, cela restait trop élevé. Vous vous en doutiez tous. Mais une partie de vous espérait. Elle hurlait ses espoirs, vos espoirs et vous a fait oublier. Oublier, que le monde n'est pas ce qu'il veut montrer être. Il n'est pas doux et ne nous prévient pas quand la peine arrive. Il n'a rien dit quand ce que vous redoutiez tous est arrivé. Vous vous êtes pris de plein fouet cette douleur immense, de la perte d'un être cher. Elle s'est insinuée en chacun de vous, comme un poison dévastateur. Personne ne l'avait vu venir. C'est arrivé, c'est tout. Alors tu te dis que cette peine si destructrice est due au fait qu'aucun n'avait réalisé à quel point vous l'aimiez, et Nagisa plus que tout autre. Peut être que finalement, il est vrai que l'on se rend compte de notre attachement à quelqu'un seulement après l'avoir perdu. Malgré ça, tu arrives presque à entendre la voix de votre ancien professeur te murmurer qu'il ne faut pas laisser tomber. Même si sa perte vous semble impossible à surmonter. Tout ira bien. Avec le temps tout se passera bien. Qu'il est l'heure pour vous de grandir et devenir ce à quoi vous aspirez à être. Des élèves qui ont réussis malgré toutes les épreuves, tous les doutes et toutes les peines.  Et surtout, tu l'entends te dire que tu dois rester auprès de Nagisa. Il ne faut pas qu'il se retrouve seul face à ses sentiment qui l'envahissent tel un ras de marée. Ses émotions qu'il a encore du mal à apprivoiser, à comprendre. La blessure est trop récente pour qu'il ne puisse la supporter sans personne à ses côtés. Tu imagines clairement un de ses tentacules jaunes te tapoter le tête avec affection. Un sourire se dessine sur tes lèvres sans même que tu ne t'en rendes compte, tandis que Nagisa reste là, sans bouger, le regard au loin, perdu dans ses pensées, certainement douloureuses.

Tu passes une main dans ta tignasse écarlate, lasse. Lasse de voir dépérir, lasse d'être impuissant face à tout ça. Tu serres les poings frustré. Tout d'un coup, sans vraiment savoir pourquoi, tu es saisi d'une folle envie de le secouer pour qu'il se réveille, qu'il sorte de sa torpeur. Tu as envie de lui gueuler dessus, de lui dire de se ressaisir, pour toi, pour lui, pour tout le monde.  Mais rien ne sort. Tout reste bloqué dans ta gorge, sans que tu ne puisses rien y faire. Alors, discrètement, furtivement, tel un assassin, tu t'approches de lui pour le soutenir par ta présence.  Pour lui faire comprendre que tu es là,  sans paroles. Parce que tu n'es pas doué avec ça. Il y a trop de mots, trop de tournures de phrases qui peuvent prêter à confusion. Et puis aussi, parce que dans le fond elles ne sont pas nécessaires.

Karmagisa OSOù les histoires vivent. Découvrez maintenant