1 : Journée ensoleillée et porte-feuilles égaré

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- Un café s'il vous plaît.


J'offris mon plus beau sourire à la jeune serveuse dont l'âge devait être similaire au mien.


- Ce sera tout ?



Cette question était insensée. Si j'avais désiré plus j'aurais pris la peine de le préciser dès le début. Néanmoins, je ne pouvais pas blâmer cette jeune fille de vouloir augmenter le chiffre d'affaire de son patron.


- Oui ce sera tout.


J'avais commencé à consommer du café à l'âge de treize ans, plus précisément lorsque je m'étais mise à assimiler l'odeur du chocolat chaud à celle du deuil. Pour beaucoup, ce breuvage est celui de l'enfance, ou encore, celui qui nous accompagne le dimanche devant le dernier Captain America avec Chris Evans en tête d'affiche. Pour ma part, le chocolat chaud était significatif de mort. J'étais en train d'en boire quand ce matin-là ma mère avait reçu un coup de file, et que son visage s'était décomposé en un instant. Puis, la nouvelle était tombée à la manière d'une massue dans un lieu paisible et silencieux. Sur le coup, je pensais être victime d'un mauvais cauchemar, je m'étais même pincé le bras pour vérifier.

Mais non, ce matin-là tout était bel et bien réel.

Ce matin-là, j'avais perdu ma meilleure amie dans un accident de voiture.

La mort de Nora m'avait affectée d'une manière assez particulière. J'avais à peine treize ans quand j'avais appris que la vie avait une date d'expiration. Cette prise de conscience m'avait poussée à arborer constamment le sourire, même quand je ne le désirais pas, je m'obligeais à être heureuse. J'étais persuadée qu'au fil du temps ceci allait devenir une habitude.

Aujourd'hui, du haut de mes dix-neuf ans, je constatais que je n'avais pas perdu mon habitude à tout relativiser. Pourquoi ? Parce que dans la vie rien ne saura s'illustrer pire que la mort.


En deux minutes, mon café se présenta en face de moi. Après lui avoir injecté ma dose de sucre habituelle, je l'avais ingurgité en savourant ce goût de caféine. Il était quatorze heures, et d'ici quelques minutes j'allais filer à la bibliothèque pour commencer à étudier le droit. Les vacances commençaient à fuir et s'écouler aussi rapidement qu'une eau de source, réviser était devenu une nécessité pour moi qui allait intégrer une fac d'ici quelques temps.


J'étais absorbée par la lecture d'un article affiché sur mon téléphone lorsqu'un homme passant près de moi laissa tomber son porte-feuilles. Ma première réaction fut de l'interpeller, mais apparemment ma petite voix de fillette n'était pas assez forte pour le pousser à se retourner. Je ne pouvais pas me permettre de garder avec moi ce porte-feuilles, alors que j'avais vu devant mes yeux qui en était le propriétaire.

Alors, ma bonté prit le dessus sur mon amour pour le café. J'empoignai l'objet égaré, tout en agrippant mon sac d'une manière assez maladroite. Ce type n'était pas sympa : il me faisait courir alors que pour la première fois depuis dix ans, je m'étais enfin décidée à porter une jupe.

Je courais comme une pauvre folle dans les rues de Paris, et heureusement que j'avais réussi à rattraper ce jeune homme qui me regarda d'un œil interloqué en me voyant essoufflée en face de lui.

LUX ET NOXOù les histoires vivent. Découvrez maintenant