1.
Combien d'années s'étaient écoulées ? William Durand avait été tellement longtemps en prison qu'il avait perdu le fil des étés et des hivers. Beaucoup d'étés et beaucoup d'hivers en tout cas.
De longues années où il avait passé le plus clair de ses journées entre ces mêmes murs bétonnés où seule la lumière de quelques néons grésillants venait le réconforter. Jamais de soleil.
C'était une petite pièce de quatre mètres carrés à tout claquer avec, dans un angle, deux couchettes superposées à côté d'un minuscule lavabo aux relents de vomis et d'égout, le trou obstrué par des poils, et d'une toilette sans cuvette placée juste en face des barreaux de la cellule, cela permettait aux gardiens de surveiller – ou bien de reluquer, William doutait selon les tours de garde – les détenues pendant qu'ils faisaient leur affaire sur le trône, comme s'ils allaient s'échapper par les canalisations et nageaient dans la merde avec un espoir puant la pisse de s'en sortir indemne. Et puis il y avait ces foutus murs gris, gravés de petites inscriptions, et complètement vierges à l'exception d'un poster de Betty Boop, comme s'il s'agissait d'un sex-symbol béni.
William l'emmerdait la Betty en robe courte.Et tout ça pour quoi ?
Pour un meurtre dont il ne se souvenait même pas.Non pas que la mémoire lui jouait des tours avec le temps, il avait pris de l'âge mais n'était pas non plus gâteux. Le lendemain du jour où ça s'était passé, il ne s'en souvenait déjà pas. Simplement parce que cela s'était déroulé lorsqu'il avait trop bu et il arrivait fréquemment que, avec une bière de trop, William se retrouve avec de gros trous dans la mémoire.
Depuis ses vingt ans, il avait la bouteille facile, il ne le cachait pas. Souvent, même s'il ne s'en souvenait pas, il faisait quelques conneries une fois bourré. Mais le plus grave qu'il est pu faire fut de pisser sur la boîte aux lettres du maire, puis sur son chat. Il passait au moins une nuit par semaine dans la cellule de dégrisement de sa ville. Le lendemain, il payait une amende puis se barrait. Il n'y eut aucun problème sérieux pendant sept ans.Jusqu'à cette nuit-là.
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William Durand
Short StoryUn soir de solitude banal, un trou noir et puis un réveil dans une cellule. William Durand avait vingt-sept ans lorsqu'il se retrouva en prison.