Trouvailles sur la plage

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"J'ai toujours bien aimé aller sur la plage, quand la mer est calme. J'y allais beaucoup avec mon frère avant, quand on était encore jeunes ; j'avais 16 ans, et lui 12. Je me souviens qu'on empruntait toujours le même chemin, un peu raide mais plutôt agréable, il fallait juste faire bien attention où on mettait les pieds. On avait vite fait de se coincer le talon entre deux rochers, ou de glisser sur un morceau de terre humide ; la seule fois où ça m'est arrivé n'a pas été un de mes souvenirs les plus glorieux, même si désormais, j'en rigole. J'ai fini couvert de bleus, mais heureusement, je n'avais rien de cassé. C'était quand même un sacré coup de chance quand j'y repense.
Enfin bref. On passait pas mal de temps à explorer les recoins cachés de la plage; il y avait des toutes petites cavernes creusées dans la roche par la pluie, tous juste assez larges pour qu'on s'y faufile ; on y trouvait rien d'intéressant, à part quelques jolis coquillages parfois.
On avait déjà entendu des histoires concernant la plage, mais à vrai dire on y avait jamais vraiment cru et on pensait que c'était des légendes pour éloigner les enfants, ce qui était en partie vrai. Les gens parlaient souvent d'une certaine malédiction, mais les légendes variaient selon les versions de chacun et on ne pouvait jamais savoir s'il y avait une quelque once de vérité dans leurs histoires.
C'était un après-midi plutôt banal, il faisait frais et le ciel était un peu couvert. La brume gagnait lentement la côte, mais le temps restait agréable, pour ici. Mon frère s'est  précipité sur la plage, sa pelle à la main, car il espérait toujours trouver quelque chose d'intéressant caché dans le sable. Je le trouvais un peu naïf de penser ça, mais tant qu'il ne se mettait pas en danger...
Je me suis installé de mon côté pour lire et me reposer un petit peu, adossé contre un rocher, le bruit des vagues en fond sonore. Mon frère se dirigeait vers une petit caverne qui s'était récemment agrandie, à cause du vent et des intempéries. Je ne l'ai plus vu pendant un moment. J'entendais juste son sifflotement, rythmé par ses coups de pelle dans le sable. Il a dû creuser pendant une vingtaine de minutes -tandis que j'étais absorbé par ma lecture- , avant de s'écrier :
"Hé! Qu'est-ce que c'est que ce truc?"*
Je n'y ai pas vraiment porté attention, mon frère réagissait souvent de cette façon, et la plupart du temps il s'extasiait juste sur des déchets qui semblaient vaguement intéressants, mais qui s'avéraient sans intérêt après examination. Il suffisait que les rayons du soleil fassent briller un vieux morceau de verre et on croyait avoir trouvé un joyau inestimable.
J'ai donc lancé à mon frère, un petit sourire moqueur sur le visage :
"Qu'est-ce qu'il y a? T'as encore trouvé un trésor incroyable, c'est ça?
- Ludwig, arrête de te moquer de moi, je suis sûr que cette fois j'ai trouvé quelque chose d'intéressant!
- Allons bon... Y'a intérêt, j'ai pas envie que tu m'aies encore fait venir voir pour rien..."
Je me suis levé en soupirant et ai rejoint mon frère, qui brandissait fièrement une sorte de petite boîte en bois, le pied posé sur un tas de sable.
"Alors ça, c'est nul, peut-être ?"
Je soupirai à nouveau. La boîte semblait un peu pourrie par l'humidité, et la petite serrure qui retenait le couvercle qui devait jadis être dorée était complètement oxydée.
"C'est juste une vieillerie que quelqu'un a jeté là, tu t'excites pour rien mon vieux..."
Il m'a regardé comme si il me lançait un défi, et s'est mis à secouer la boîte dans tous les sens près de son oreille.
"N'importe quoi! Il y a quelque chose à l'intérieur, je l'entends! Mais la boîte est fermée...
- Donne-moi ça, je vais l'ouvrir puisque tu y tiens!"
Je lui ai pris l'objet des mains, et tout de suite, une étrange sensation m'a saisi. Comme si la boîte renfermait quelque chose qui avait une conscience, et qui attendait d'être délivrée...
Je comprenais maintenant l'agitation de mon frère, et son empressement à ouvrir cette étrange boîte. Pourtant, c'était une boîte somme toute classique, qui ressemblait à celles que les dames utilisaient pour placer leurs bijoux en sûreté. Le bois sombre de l'objet semblait avoir été autrefois verni, mais il n'en restait que quelques traces ici et là. Elle était plutôt sobre, pas d'ornement ou de décoration particulière, ou du moins s'il y en avait eu elle n'avaient pas subsisté à l'usure du temps.
J'ai donc tenté de casser la serrure avec un petit galet que j'avais ramassé auparavant. Bien que le métal oxydé semblait fragile, cette serrure était particulièrement résistante. J'ai dû forcer pendant quelques longues minutes avant de parvenir enfin à briser le seul lien qui retenait encore le couvercle.
Mon frère à mes côtés, j'ai ouvert lentement l'objet de nos convoitises. Et là, toujours la même sensation, comme si quelque chose de vivant venait de s'échapper de la boîte et avait attendu tout ce temps qu'on la libère ; mais rien, elle ne contenait rien. Nous nous sommes regardés, mon frère et moi, comme pour nous dire :
"Toi aussi tu l'as senti? "



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Chroniques de Lance-L'EstuaireOù les histoires vivent. Découvrez maintenant