Docteur Diego

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Me dirigeant vers le salon pour prendre mon téléphone, je remarque une autre chose bizarre... Un berceau, un véritable berceau, trône devant la table. Et sur le peu de temps qu'il me faut pour faire un tour sur moi-même, il a disparu. Bon dieu ! Mais que se passe-t-il dans ma tête ?! Attrapant mon téléphone, je compose avec fébrilité le numéro du psychologue. Trois sonneries plus tard, c'est une voix de jeune femme qui me répond : « Allô..?

-          D... Docteur Diego ?

-          Désolée monsieur, vous devez faire erreur...

-          Oh... Heu... Excusez-moi, dans ce cas...

-          Pas de problème, au revoir monsieur »

Quel idiot je fais... Le docteur Diego n'a jamais eu de secrétaire... Mais... Il n'aurait tout de même pas changé de numéro..? Revérifiant le numéro que je venais de composer, je remarquai que dans mon empressement, j'avais remplacé un trois par un quatre... Et cette fois, avec un peu plus de calme, je recompose le numéro : 0.4.6.8. 9.2. 5.2. 9.1. Le docteur, comme à son habitude, décroche rapidement : « Oui allô ?

-          Docteur Diego ?

-          Lui-même.

-          Bonjour docteur, c'est Louis... Louis Gomes.

-          Monsieur Gomes ! Comment allez-vous, depuis tout ce temps ?

-          Ça ne va pas monsieur... Enfin... Ça ne va plus.

-          Comment cela ?! Que se passe-t-il ?

-          Je crois que je deviens fou, docteur... Serait-il possible de se voir..? Il faut que je vous parle, je pense que cela m'aiderait...

-          Mais bien sûr ! Je suis disponible ce soir et demain matin. Quand est-ce que cela vous arrange le mieux ?

-          Oh... le plus tôt sera le mieux, ce soir cela serait super... En plus, Gabrielle est en stage jusqu'à demain...

-          Pas de problème. Vers 17h ?

-          Impeccable.

-          Eh bien, à tout à l'heure alors M. Gomes !

-          A tout à l'heure docteur »

Le calvaire prendra bientôt fin. J'ai confiance en lui. Il va m'écouter, me prescrire je-ne-sais-quel médicament, me donnez je-ne-sais-quelles recommandations et tout redeviendra comme avant. Vivement ce soir.

Le reste de la journée se passa normalement, à mon plus grand soulagement. Le soir arriva, et avec lui une nouvelle péripétie : alors que je pensais que la poupée était sagement rangée dans la chambre de Gabrielle, étant donné qu'elle ne l'avait pas prise à son stage de danse, je ne m'attendais clairement pas à la retrouver assise dans le fauteuil. Décidément, je dois vraiment avoir un gros problème. L'heure tant attendue approchant enfin, je me dirige vers la porte, attrapant mes clefs et ma veste au passage, et, presque en courant, je rejoins ma voiture. Enfin loin de cette poupée maudite. Quelle idée saugrenue est donc passée dans la tête de cette institutrice lorsqu'elle a autorisé ma fille à la ramener à la maison ?!

J'arrive au cabinet du docteur Diego 5 minutes avant l'heure. Comme d'habitude, il me reçoit sans une seule minute de retard. Plus ponctuel que lui, vous ne trouverez pas. Dans son cabinet, presque rien n'a changé. Des deux années écoulées entre la disparition de ma femme et donc mes visites plus que courantes ici, et maintenant, seulement 2 choses sont différentes : un poster d'Oscar a été rajouté, et... sur son bureau repose une poupée. Une poupée en tous points semblable à celle qui me pourri la vie depuis un peu plus d'une semaine. Cette même poupée à laquelle j'espérais échapper en venant ici. Et si j'étais complètement fou, je dirais même que cette poupée renferme une partie de l'âme d'Azéa, qui, je vous le rappelle, n'est jamais née. De plus, une âme ne peut pas être enfermée dans un bout de tissu, si..? Chassant cette théorie absolument dingue de ma tête, je reprends mes esprits. Si cela se trouve, je l'ai tout simplement imaginée. Je cligne des yeux, et je remarque que le docteur m'observe. Perdu dans mes pensées, je ne l'avais pas vu. Je me décale légèrement sur la gauche, de manière à voir son bureau. La poupée est bien là, je ne l'ai pas inventée. Dans un sens, cela me réjouit, car cela signifie que je ne suis pas totalement fou, mais dans l'autre, cela me fait peur. Comment cela se fait-il que le docteur Diego ait une poupée comme celle de ma fille ? Et si C'ÉTAIT la poupée de ma fille, justement..? Est-ce qu'elle me poursuit..? Suis-je maudit..? Mais non, c'est impossible ! Enfin, Louis ! Reprends-toi ! Nouveau coup d'œil : il me fixe toujours. Sans avoir eu besoin de lui expliquer quoi que ce soit, il semble avoir compris que j'étais complètement fou... Voyant que j'étais de nouveau psychologiquement présent, il engagea la conversation : « M. Gomes ? De quoi vouliez-vous me parler ? Que se passe-t-il ?

-          Je... Docteur, désolé, mais où avez-vous eu cette poupée ?

-          Heu... C'est un cadeau... Je l'ai trouvée il y a environ ¼ d'heure devant ma porte ! Certainement un cadeau de l'un de mes patients ! Pourquoi cette question ?

-          Eh bien, Gabrielle est revenue de l'école il y a quelques jours avec une poupée identique à celle-ci... Et c'est à cause d'elle que je viens vous voir aujourd'hui...

-          A cause d'un morceau de chiffon ?! M. Gomes, s'il vous plait ! Un peu de sérieux ! Vous n'avez plus 10 ans et vous êtes un homme intelligent !

-          Je sais bien docteur, mais, j'ai vraiment l'impression qu'Azéa s'est réincarnée en elle...

-          Hum... Eh bien, cela a l'air sérieux... Expliquez-moi cela... »

Alors, je lui ai tout raconté... Il m'a écouté attentivement du début à la fin, mais plus j'avançais dans mon récit, plus il paraissait triste. Il m'a dit : « Louis... Vous ne vous êtes toujours pas remis de la disparition de votre femme, n'est-ce pas ?

-          Si, enfin... Non. Mais je ne pense pas que cela ait à voir avec cela...Si c'était cela, comment expliquez-vous que Gabrielle l'aie appelée Azéa ?!

-          M. Gomes, calmez-vous. Je suis sûr que vous manquez simplement de sommeil. Je vais vous mettre une semaine au repos, reposez-vous. Nous sommes début juillet, vous trouverez facilement un deuxième stage pour votre fille.

-          Eh bien... Cela me fera sûrement du bien, mais je doute que cela change quelque chose...

-          Dans ce cas débarrassez-vous de cette poupée !

-          Impossible, Gabrielle y est très attachée.

-          Soit ! Reposez-vous. Nous en reparlerons d'ici une semaine.

-          D'accord docteur...

-          Ne vous inquiétez-pas, mon cher... Lorsque l'on perd un être cher, même quand on s'en est remis, et on ne s'en remet jamais entièrement, on a toujours des périodes creuses... Cela passera.

-          On verra bien... Avouez tout de même que vous me prenez pour un fou...

-          Pas du tout, je vous prends pour ce que vous êtes : un homme qui a souffert, et qui reste fort pour ne pas en faire subir les conséquences à sa fille. Un homme très courageux mais qui, malheureusement, arrive au bout du rouleau. Un homme qui a besoin de se déconnecter du monde et de ses obligations pour repartir du bon pied.

-          C'est assez cohérent en effet... J'espère que vous avez raison.

-          Je vous fais un certificat.

-          Merci docteur »

Moins de cinq minutes plus tard, je ressortais de là, plein d'espoir. Mais ce n'est qu'arrivé chez moi que je remarque le bras de la poupée dépassant de ma poche. Mon Dieu mais j'avais raison. Elle m'a donc suivi. Une boule au ventre, je cours vérifier cette théorie au dernier endroit où je l'ai vue : dans le salon. Une fois arrivé, je constate avec stupéfaction qu'elle est toujours dans le fauteuil. Et dans ma poche, pas la moindre trace d'une quelconque poupée. Rien qu'un mouchoir usagé et une pièce de 5 centimes. Pris de vertige, je file me coucher. Après tout, peut-être que le docteur a raison...

Réincarnation [Terminé]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant