Quand je suis née, on m'a mis un bonnet en laine rose sur la tête, et couverte d'une couverture violette à fleurs. Puis pleins de personnes que je ne connaissais pas m'ont encerclée, et m'ont fixées avec leurs grands yeux. Elles épiaient mes moindres faits et gestes. J'ai eu le droit à des compliments tels que « oh, le rose lui va si bien ! » ou « Elles a des oreilles légèrement décollées, elle pourra mettre de belles boucles d'oreilles comme ça », et même « avec ce grand cou elle pourra porter de jolis colliers ! ».
**
Quelques jours après, j'ai eu le droit de voir pour la première fois ma chambre. Elle me paraissait grande, mais je remarquais vite cette couleur que j'avais beaucoup trop vu jusqu'à présent : le rose. Tous les murs en étaient peints, et ornés de cœurs violets. Encore et toujours ces deux teintes. Mes géniteurs avaient l'air très fières d'eux en me présentant cette pièce de l'appartement. Moi je ne pouvais rien dire, alors je me contentais de regarder.
**
A mon troisième anniversaire, toute ma famille s'était réunie pour manger un gâteau et m'observer ouvrir mes cadeaux. Lorsque ce moment vint, j'étais toute excitées. Je déchirai le premier emballage à toute vitesse, et découvris une poupée Barbie, dans sa boite... rose. Elle portait des vêtements rose à paillette, elle était blonde aux yeux bleus, et elle avait un serre tête rose, qu'une fleur, rose elle aussi, surplombait. Mes parents m'ont raconté que j'avais jeté la poupée par terre avec le peu de force que j'avais. Tous les autres cadeaux étaient semblables. Tous sauf un. Arrivée au dernier emballage, je n'avais plus aucune hâte, et je m'attardais plus sur le scotch qui fermais le papier que sur autre chose. Je n'avais même pas envie de voir le présent, persuadée qu'il s'agirai d'une poupée rose ou violette. Je restais alors bouche-bée lorsque je vis à l'intérieur du paquet une voiture en bois. Je me tournais vers mes parents des étoiles dans les yeux, et ils ne comprirent pas. Puis je me précipitais vers mon oncle, qui m'avait fabriqué ce jouet, et le pris dans mes bras. Cette voiture devint mon jouet préféré.
**
Je me souviens encore du jour où, comme à chaque enfant, on m'avait demandé ce que je voudrais être plus tard. J'avais pris le temps de réfléchir car trop d'idées me venaient à l'esprit. Ma maîtresse m'avait proposé « infirmière, maîtresse, vétérinaire, princesse ? » fini-t-elle avec un petit sourire en quoi attendri. C'était les réponses qu'elle avait l'habitude de recevoir. Seulement moi, ce n'est pas du tout ce que je voulais faire plus tard. Je m'imaginais pilote d'avion de chasse ou de voiture de course, ou encore rugbywoman professionnelle ! Face à mon enthousiasme en disant cela, ma maîtresse ne savait plus quoi dire. Elle se contenta de sourire et de prendre mon carnet de liaison pour donner rendez-vous à mes parents le lendemain, puis elle se retourna vers ma voisine de classe et lui posa la même question. Cette dernière lui répondit ce à quoi l'adulte s'attendait : danseuse classique.
Le lendemain, lors du rendez-vous avec mes parents, la maitresse nous fit entrer dans la classe puis referma derrière nous avant de venir s'asseoir à son bureau et de nous inviter à faire de même en face d'elle. Mon père n'avait pas l'air de comprendre ce qu'il faisait ici et ma mère s'inquiétait un peu. J'étais plutôt bonne élève et j'avais presque les capacités pour passer au niveau supérieur. L'institutrice commença d'un air grave :
« - je ne vous cache pas que je vous ai fait venir aujourd'hui pour un problème important en rapport avec l'avenir professionnel de votre fille.
-mais madame, elle n'a que huit ans ! De quel problème peut-il bien s'agir ? Interrogea ma mère soudainement paniquée.
-hier, reprit la femme en face de nous, j'ai demandé aux élèves de sa classe ce qu'ils voudraient faire une fois grands. Je pose cette question chaque année à mes élèves, seulement, les jeunes filles répondent systématiquement de la même manière, et les garçons aussi. Elle marqua une pose durant laquelle elle se fit interroger du regard par ma mère. Les jeunes demoiselles me parlent de devenir des princesses, des infirmières, ou même des mamans, tandis que les jeunes hommes me proposent d'être footballeurs professionnels, médecins, ou encore diriger des entreprises comme leur papa ! Mais étrangement, votre petite fille ne m'a pas exposé des idées similaires autres filles de son âge. Elle m'a... elle m'a... La femme sembla émue ou paniquée un instant puis se ressaisie sous l'impatience de mon père qui me lançait de temps à autres des regards appuyés et lourds de sens. Elle m'a affirmé le regard plein de sincérité vouloir devenir pilote d'avion de chasse, de voiture, ou encore vouloir être rugbywoman professionnelle ! Je ne comprends pas son cas je vous assure ! Il doit y avoir un problème quelque part ! Quelque chose qui ne fonctionne pas correctement ! Je...
Mon père se le va alors d'un coup en frappant du poing sur le bureau.
-je vous interdit de dire que ma fille a un problème ! Si elle a ses idées, ce n'est surement pas de notre faute mais de la vôtre ! Nous l'avons mise dans votre classe pour qu'elle suive une éducation exemplaire, et voyez dans quel état elle est désormais ! Je devrais en parler à votre supérieur ! Vous êtes une incompétente ! Une incapable ! Plus jamais ma fille ne remettra les pieds dans cette école tant que vous y serez, est-ce claire ?
Il m'attrapa par le bras qu'il sera un peu trop fort dans un accès de rage et sorti de la salle, ma mère sur les talons. Dans les couloirs du bâtiment, on entendait les sanglots de ma maîtresse qui ne le serait bientôt plus. Durant la soirée le repas fût tendus, et ma mère tenta de raisonner mon père de laisser une seconde chance à cette jeune femme. L'homme pris en compte le point de vue de sa femme et n'alla pas se plaindre au directeur mais décida tout de même de me faire changer d'école. C'est ainsi que je me retrouvais dans une école privée extrêmement stricte ou l'on m'apprit les mathématique et le français, comme ailleurs, mais aussi la dance classique comme sport et la couture et le chant.
**
Je suivis un cursus identique durant toute mon enfance, et si mon oncle n'avait pas été là, je serais sûrement sorti de là lobotomisée. J'allais chez lui assez fréquemment. Il connaissait l'avis de mes parents, mais il n'en fit rien, et m'appris à jouer au rugby dans leur dos. Il ne savait pas jouer non plus, alors il prenait de cours essentiellement pour pouvoir m'apprendre. Puis petit à petit il se mit à apprécier ce sport presque autant que moi. Il m'invitait aussi pour voir des courses de voitures, en disant à mes parents qu'il s'agissait de ballets. Et on regardait des vidéos d'avions de chasse sur son ordinateur. Puis lorsque ma majorité arriva, et que j'obtins mon baccalauréat, je lui fis mes adieux et partie faire des études supérieures à l'étranger. Là-bas, je pu faire du rugby en club, et en parallèle, avoir une formation pour devenir pilote de chasse dans l'armée. Après ma formation en quatre ans je fus mutée dans mon pays natal. Mes parents n'avaient pas été fière de moi car je ne leur avais pas dit la vérité sur mes études, mais mon oncle avait pris ma défense. Ainsi, mes parents s'était un peu détendus et avaient accepté ma voie professionnelle.
Aujourd'hui, je vis près de chez mes parents, je travaille dans l'armée en tant que pilote de chasse, et je fais du rugby en tant que loisir. Mon oncle vient me voir à tous mes matchs sans exception et il arrive qu'à la fin, lorsque le terrain est vide nous jouions un peu. J'ai aussi deux filles et un garçon. La plus grande est devenue nageuse synchronisée professionnelle. Mon fils fait des études d'infirmier. Et ma dernière fille veut devenir pompier.
YOU ARE READING
Eux
Random"Ma maîtresse me proposa « infirmière, maîtresse, vétérinaire, princesse ? » fini-t-elle avec un petit sourire en quoi attendri. C'était les réponses qu'elle avait l'habitude de recevoir. Seulement moi, ce n'est pas du tout ce que je voulais faire p...