Ma respiration se faisait saccadée et mon cœur semblait vouloir sortir de ma poitrine. Le souffle tiède de mon agresseur se répandait sur ma nuque et provoquait chez moi une vague de frissons. Sa main moite se pressait contre ma bouche. Je tentais de le mordre pour qu'il me lâche mais en vain. Son autre bras m'empêchait quelque mouvement que ce soit en étreignant mon buste. J'agitais les jambes en espérant le faire desserrer son étreinte et ainsi avoir une chance de m'échapper. Mais cela n'eut pas l'effet escompté. Bien au contraire, il renforça son emprise sur moi. J'avais beau me débattre, me libérer et m'enfuir était impossible à la vue de la situation. Je commençais à avoir des difficultés à respirer. L'air se faisait rare. Mon agresseur semblait rester impassible, tout en scrutant les alentours. Je ne pouvais que l'entrapercevoir à cause de ma position et de ses bras qui entravaient mes mouvements, mais il paraissait grand et assez musclé si j'en croyais la force surhumaine qu'il employait pour me tenir immobile. Qu'attendait-il pour me broyer et me réduire à l'état de poussière ?
- Ne panique pas, ne gesticule pas, ne cris pas... Non, ne fait rien qui pourrait être susceptible de nous faire repérer, me dit-il alors sur un ton glacial, tout en retirant sa main de ma bouche.
Je me taisais. Je ne savais pas de quoi cet homme était capable. Et ... Se faire repérer ? Qu'entendait-il par là ? Il ne fait pas parti de la milice Impériale ? Je n'y comprenais vraiment plus rien. Il me prit sous son bras et commença à sauter contre les murs en brique des immeubles entre lesquels se trouvait la ruelle où l'on était caché. Malgré sa carrure imposante et son apparence de lourdaud, il était aussi agile qu'un singe et se mouvait sur les parois comme si il se trouvait au sol. Cette liberté de mouvement était incroyable. Ça me laissait sans voix. Je ne ressentais plus, ni le froid de la nuit qui mordait mes jambes et mon visage, ni le vent glacial qui éparpillait mes cheveux sur mon front. Mais cette fascination soudaine et inexpliquée pris fin lorsqu'il posa un pied sur le toit. Il me déposa à ses côtés.
-Suis moi !
- Oui ... lui dis-je docilement.
Les immenses cheminées en briques rouges crachaient une fumée opaque, qui rendait l'air irrespirable. Je sortis de ma poche un masque de cuir, destiné à filtrer les particules puis le mis sur mon nez et ma bouche. Les nuages denses , constamment présents au dessus de la ville, prenaient des tons de rouilles et d'ocre tirants sur le brun. En journée, ils ont des tonalités de doré et de blanc. Je crois bien qu'Ormonde n'a jamais connu et ne connaîtra jamais les Scintillantes, l'Astre Nocturne et le Grand Astre dont parlent les légendes anciennes, si ils existent bel et bien. Aussi selon elles, quand la terre fait naître des milliers de feux d'artifices aux couleurs innombrables dans ses étendues vertes et dans les arbres, des cieux d'un bleu sans pareille apparaissent et une chaleur doucereuse enveloppait le Monde dans ses bras. Puis quand les arbres perdaient leur parure et que les cieux saupoudraient le sol de coton, une vague de froid gelait ruisseaux, rivières, lacs, mers et océans. Ces temps anciens ne sont que rêves et souvenirs désormais.
- Bon, si tu pouvais te dépêcher et arrêter de rêvasser me dit-il alors froidement, me sortant de mes pensées.
Il se mit à courir et j'en fis de même, en me plaçant à ses côtés. Chacun de nos pas faisait trembler la toiture faites de ferraille rouillée et de bronze. Un son métallique et désagréable résonnait entre les immeubles dès que nous posions un pied et son écho nous revenait violemment dans les oreilles. Je lui jetais de temps à autre un coup d'œil et tout comme moi il grinçait des dents quand cet horrible son nous parvenait. Malgré le raffuts que l'on produisait, grâce au tumulte constant des rues, aux longs soupirs des usines et au vacarme dû aux nombreuses locomotives qui sillonnaient la capitale, notre escapade sur les toits passait inaperçue. Nous courions toujours côte à côte sans prononcer aucun mot. Je l'observais du coin de l'œil et pu ainsi mieux l'étudier. Sa peau était halée et ses cheveux, bien entretenus, étaient d'un beau noir de jais. Pourtant, ses iris était d'un bleu que je n'avais jamais vu auparavant, celui d'une eau limpide. Il ressemblait à un être surnaturel. Sa bouche et son nez étaient dissimulés par un masque à gaz, duquel sortaient des tuyaux en bronze reliés à une petite bouteille d'oxygène attachée à la hanche. Ses goggles pendaient autour de son cou et son visage était tâché par la suie, tout comme sa chemise blanche. Accrochée à son veston brun, une montre dont les engrenages étaient visibles, se balançait. À sa ceinture trônait un grand nombre de poignards légers et sur son dos, deux dagues menaçantes, dont les manches étaient incrustés de bronze. Ce n'était en aucun cas l'équipement d'un milicien, qui lui est composé d'une épée et d'armes à feu reconnaissables à leur manches incrusté d'or, dans lequel était gravé le seau de l'Empire. Alors qui était-il ? Pourquoi m'avoir « aidé » à échapper aux mercenaires de l'Empereur ? Soudain, il stoppa sa course mettant un terme par la même occasion à mes diverses réflexions. Devant nous, un espace gigantesque nous séparait de la toiture d'en face.
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Project White Wave
Science FictionDans un monde où la vapeur et la dictature guident la vie quotidienne, une jeune fille répondant au nom de Mary prépare la révolution...