Angoisses d'une nuit d'été.

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Le garçon ferma les yeux pour la troisième fois. Quelques secondes plus tard, il les rouvrit. Il s'enfouit sous sa couette, s'enroula dans sa couverture, se recroquevilla dans son lit et réessaya. En vain. Morphée devait bien se rire de lui, lui qui luttait pour s'endormir, lui que le sommeil fuyait inlassablement ! Son visage se crispa dans la pénombre, il pinça les lèvres, et tenta d'éloigner de son esprit les pensées négatives qui l'assaillaient de toute part. Mais la peur continuait de lui glacer les veines, de lui tordre le ventre et de souffler dans son cou tel une armée de joncheruine. Cette peur qui s'intensifiait de minute en minute, de seconde en seconde depuis qu'il s'était rendue avec sa maman sur le chemin de traverse. Cette peur qui lui rappelait que plus le temps s'écoulait plus le moment était imminent. Qu'allait-il se passer ? Il ne savait pas. Allait-on lui faire une réflexion sur son père ? Il n'espérait pas. Allait-il se faire des amis, des vrais amis, de ceux qui restent toujours à ses côtés ? Il le souhaitait du plus profond de son coeur, de son âme.

Le garçon soupira. Il faisait trop chaud sous les draps, l'été n'était même pas fini. De toutes façon il avait compris à présent; il ne réussirait pas à dormir de sitôt. Il se déballa alors et s'assit sur son lit. Il leva la tête vers l'heure, curieux de savoir combien de temps il restait avant LE moment. 00h12, il restait donc 10h et 48m. 10h47.10h46. 10h45. Le garçon savait qu'il pourrait rester toute la nuit ainsi à regarder les heures le séparant de l'instant fatidique s'écouler, alors il détourna les yeux.

Il se pencha sur sa table de chevet et alluma sa lampe.

Une douce lueur se répandit dans la pièce, ainsi qu'une très légère odeur d'encens. La lumière éclaira le garçon et la chaleur réchauffa son visage. Visage qui s'étira sous le magnifique sourire du garçon. Faute de ne pas avoir d'éclairage moderne, il aimait les bougies, leur lueur rassurante, leur chaleur réconfortante. Il aimait leur force de se répandre partout, et leur fragilité, un souffle et elle mourrait. Il n'avait pas le droit d'allumer de bougie sans adulte, mais il se sentait tellement seul, la flamme était comme une présence qui le rassurait et apaisait ses angoisses.

Mais elles revinrent au galop l'instant d'après, alors que le garçon perçu le bruit des cent pas que son père avait l'habitude de faire à minuit. Son père, angoisse personnifiée. Sa notoriété, son nom était détestable aux yeux de son fils. C'était un père très peu présent, rentrant tard du travail, ne passant pas beaucoup de temps avec ses enfants. Son fils ne lui en tenait pas rigueur, il savait que le travail de son paternel était très important, mais parfois il se demandait ce que cela faisait d'avoir un papa à temps plein.

Au contraire, il était très proche de sa mère, il avait une relation particulière avec elle, celle que seul peut avoir un fils avec sa maman. Elle était le plus possible présente pour son enfant, et lui donnait tout l'amour qu'une mère puisse donner a son petit. Mais si grand était cet amour, il ne pouvait remplacer la fierté d'un père. Le coeur du garçon possédait donc ce petit creux bien particulier, qui peut rendre extraordinairement fort ou extraordinairement triste.

Le garçon était toujours dans ses pensées lorsque l'on toqua à la porte.

-Entrez ? Dit le garçon d'une petite voix.

La porte s'ouvrit sur une femme élancée d'une trentaine d'année.

-Tu ne dors pas, mon poussin ?

Le garçon secoua la tête.

-Non... Je suis désolé, je n'y arrive pas.

-Je me disait bien.. J'ai senti la bougie.

-Je suis désolé maman, je ne voulais pas te réveiller, et je n'avais pas à allumer cette bougie seul...

La femme secoua la tête, souriante. Elle était toujours très belle, malgré la fatigue. Son fils avait très largement hérité de son sourire, mais c'était la seule chose qu'il tenait d'elle; tout le reste venait de son père, notamment ses yeux, et ses cheveux.

-Ne t'en fais pas, mon poussin, je ne t'en tiens pas rigueur. Dis moi, pourquoi ne dors-tu pas ?

-Je... J'ai peur maman... La rentrée, la nouvelle école, j'ai peur... Et si les autres ne m'aimaient pas ? Et si je ne me faisait pas d'amis ? Et si on me regardait différemment des autres ?

La femme ouvrit les bras et serra son enfant dans ses bras.

-Tu n'a pas a t'en faire mon poussin. Peu importe ce qu'il va arriver dans quelques heures, tu trouvera le moyen de t'en sortir, car tu es plus fort que les regards de travers et les chuchotement sur ton passage. Et tu verras, ça ira. Tu seras là où tu dois être, avec les personnes avec lesquelles tu dois être. Tout a sa place et toi aussi tu va trouver la tienne. Laisse toi surprendre par la vie.

Le garçon se blottit dans les bras de sa maman, son odeur et sa chaleur était encore plus rassurante que la flamme de sa bougie. Et à cet instant préci une évidence se faufila jusqu'à son âme, le temps d'une seconde. Tant qu'il y aurait quelque part sur Terre les bras de sa maman pour le serrer, tout irait bien.

Angoisses d'une nuit d'étéWhere stories live. Discover now