Jaune

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Où suis-je ? Ou plutôt : où suis-je cette fois ? La lumière du jour éclaire ce nouvel environnement, c'est la première chose qui m'a frappé car, il y a quelques instants, je me trouvais dans un endroit sombre et froid. D'ailleurs, la fraîcheur n'a cessé de me suivre au cours de mes nombreux déplacements. Il y a bien eu certains moments où je l'avais déjà vu cette lumière apaisante, ces rayons de soleil qui se posèrent sur moi pour me réchauffer. Mais jusqu'à maintenant, j'ai été emmené dans des lieux me privant de cette agréable sensation. En tout cas, les diverses sources lumineuses que j'avais pu côtoyer n'était pas naturelles.

Au moins, je n'étais pas seul ici : nous étions 6 dans la même situation depuis un bon moment et sans doute que mes camarades n'en savaient pas plus que moi sur ce qui nous attendait. Ce que l'on savait, en revanche, c'est que nous avons été conduits jusqu'à ce terrain plat, propre et en hauteur. Quoique, en y repensant, nous avions toujours remarqué qu'il y avait un sol plus bas que là nous nous situions, alors être en hauteur n'avait rien d'inédit. Autre chose qui n'était pas nouveau, c'était les individus qui se chargeaient de nous. Ils avaient tous une figure différente, mais leur façon qu'ils avaient de nous traiter était sensiblement identique : ils nous déplaçaient de manière rapide et parfois brusque. Plusieurs fois j'ai craint pour ma vie et je souhaitais m'enfuir ; mes 5 compagnons devaient sûrement songer la même chose eux aussi, avoir les mêmes frayeurs. Hélas, nous étions restés prisonniers, et ce, encore en ce moment même. Comment une telle impuissance pouvait-elle exister ? Je me persuadais qu'il devait y avoir un moyen de changer cela, puisque c'était clairement intolérable de n'avoir aucun contrôle. Néanmoins, mes acolytes semblaient ne pas être aussi secoués que moi par cette réalité.

- Les gars, leur lançai-je tout à coup comme pour me délivrer de toutes mes pensées, il n'y a personne autour de nous, n'est-ce pas ? On pourrait s'échapper !

Je n'obtins pas de réaction de leur part pendant quelques secondes jusqu'à ce que celui juste à côté de moi, à ma droite, se décidât à me donner une réponse.

- C'est impossible. Ne comprends-tu pas que c'est notre destinée ?

En plus de ne pas me rassurer, ses mots me paraissaient révoltants. La destinée ? C'est une plaisanterie ? Comment une impuissance pareille peut-elle marquer notre histoire et notre avenir ? C'est tout bonnement absurde ! Pendant que je me perdais dans mes réflexions, les autres persistaient à garder le silence. Certains s'étaient brièvement tournés vers moi, munis d'un regard désagréable, comme pour me signifier que ma proposition était stupide au plus haut point. Ou comme pour me faire comprendre que j'étais vraiment bête.

Soudain, je remarquai que mon compagnon de devant – et qui a toujours été devant moi au cours de nos déplacements – était blessé. Elle n'était, certes, pas très imposante, mais cette marque était suffisamment visible pour que j'aie eu la surprise de ne pas l'avoir aperçue plus tôt.

- Hey, camarade, fis-je pas trop fort dans l'intention d'éviter d'être entendu par les 4 autres, que s'est-il passé ?

Le concerné comprit à quoi je faisais allusion et me répondit sur le même ton que moi.

- C'était juste avant que nous allions dans cet endroit sombre et froid d'où nous venons de partir. Ceux qui s'occupent de nous sont parfois...rudes.

- Et...tu n'as pas mal ?, continuai-je la voix hésitante.

- Non, me répliqua-t-il après un bref moment, mais j'ai eu très peur...

Cette révélation faillit me faire réitérer mon incitation à la fuite puisqu'elle apportait du poids à cette situation parfaitement injuste. De plus, j'avais la confirmation de ne pas être le seul à être effrayé, ce qui implique que j'ai encore toute ma tête. Ce furent les regards que m'avaient adressés mes acolytes qui me dissuadèrent expressément de reparler ; ils m'avaient indiqué que cette solution de fuite était au moins très risquée. Scrutant à nouveau les alentours, je me rendis compte que la hauteur de notre emplacement devait être la principale cause de refus de mes compagnons car il s'avérait exact que nous pourrions ne pas nous remettre d'une telle chute. Toutefois, il y avait non loin sur ma gauche, une grosse boîte en carton fermée qui réduisait cette altitude gênante. Il nous suffirait donc de descendre grâce à elle, puis de chercher la sortie afin d'échapper à ces personnes qui nous tenaient et à cette fameuse destinée. Et puis après tout...pourquoi ne pas tenter ma chance ? Bien sûr, cette idée me parut réellement odieuse vis-à-vis de mes compagnons que je les laisserais derrière moi, mais j'avais tout de même annoncé mon ambition de m'enfuir tout à l'heure et c'est ma vie qui était en jeu ! Si ça se trouve, mes 5 compagnons étaient peut-être tellement apeurés et désespérés qu'ils avaient renoncé à se battre. Ce ne serait pas étonnant au vu de ces multiples environnements et individus complexes. Cependant, je n'osais pas leur poser la question, il valait mieux se concentrer sur notre futur et, si j'étais le seul d'entre nous à contester ce qui nous arrivait et entretenir l'espoir d'une meilleure existence, qu'à cela ne tienne ! Je reportai mon attention sur la boîte en carton repérée et m'apprêtai à m'y diriger. Que ce soit une tentative idiote ou non, je montrerai l'exemple à mes camarades dans le pire des cas.

JauneWhere stories live. Discover now