(PHOTO / DARIUS)
Un regard bleu pétillant de joie, des cheveux bruns bouclés, un bronzage de cabine UV, il doit avoir dans les 35 ans, un homme dans la fleur de l'âge. Voilà à quoi ressemble ma prochaine victime. Je le vois rire à une blague minable, de son collège de travail. Je secoue la tête, ce type est un minable.
Cela fait trois jours que je le suis, il n'a absolument rien pour lui. Je ne le supporte pas. Je l'ai croisé au marché du coin dimanche matin. J'étais tranquillement assis à la terrasse d'un café, face au stand de la petite vendeuse de fromage de chèvre, quand il est apparu dans toute sa splendeur ridicule. Survêtement blanc, lunette solaire sur le nez, sourire ultrabright, dégaine typique du loseur. Il s'est mis à faire du gringue à la petite vendeuse, toute menu, brune aux yeux verts, le teint pâle. Aussi lourd que lui tu meurs. La pauvre fille le fixait d'un regard las et légèrement agacé. Je suis sûr, que s'ils avaient été dans un autre endroit, il se serait pris une gifle. Mais je la sentais tout en retenue, le sourire crispé, le regard ennuyé, les mâchoires serrées, prête à répliquer au moindre dépassement. C'est là que je me suis décidé. Celui-là je vais me le faire. Je n'ai pas encore trouvé de quelle façon je vais m'en débarrasser. Mais celui-là, j'ai envie de le faire souffrir. Un petit cancer de la peau, un joli mélanome, je pense que cela lui ira comme un gant. Voyons combien de temps je vais lui accorder ? Un an, deux ans je dois encore réfléchir.
Après le marché, je l'ai suivi jusqu'à la salle de sport et ses regards salaces sur le derrière des femmes, m'a convaincu de la nécessité de l'éliminer. Il dégouline de ringardise.
Voyons, question toujours très compliquée, combien de temps dois-je lui accorder ? Un an, deux ou bien plus, j'hésite.
Je le vois se pencher en avant pour prendre une feuille, au-dessus du décolleté de sa collègue. C'est à ce moment précis que je me lève et me dirige vers lui. Je passe doucement et le frôle de ma main.
Un petit courant électrique passe entre nous. J'aime cette impression, cette sensation de plénitude qui m'envahit quand je sens la mort passer de moi à eux. J'ai l'impression de recharger mes batteries à fond, quand je donne la mort. Certains appellent cela le baiser de la mort, mais moi j'appelle cela la délivrance. Qui a-t-il de beau dans la vie ? Je ne m'explique pas les gens heureux, donc pour moi vieux, jeune, femme, homme, tout y passe, je ne suis pas exclusif.
Je n'aime pas voir les gens heureux, mielleux, hypocrite. Plus ils sourient ou sont en apparence heureux et plus j'ai envie de les éliminer.
La vie n'a rien de merveilleux, la souffrance, la maladie, les ennuies financiers, les peines de cœur, la guerre, la famine. La vie est une suite de déceptions et de malheurs. Le stress et l'angoisse sont des amies de vies que l'on veut éviter, que l'on ne montre surtout pas, mais qui nous pourrissent la vie petit à petit. Alors quand j'en vois un qui fait comme si tout été normal, j'ai envie de le sacrifier, de lui montrer ce qu'est vraiment la vie.
Voilà je viens de sceller son sort. Je lui laisse deux ans et mon ami la faucheuse viendra le chercher. Je souris en le dépassant. Rigole mon pauvre petit gigolo de pacotilles, tu vas bientôt comprendre combien ta vie est minable et que tu viens de la perdre en un frôlement de main, doux comme une plume et amer comme de l'acide.
Je souris, fier du travail accompli. Je n'ai pas de quota exact à remplir, mais une activité régulière doit être exercée, pour justifier ma présence sur terre. Je pratique depuis quelques siècles déjà, et ce travail m'amuse toujours autant.
En sortant du bâtiment je croise un de mes collègues de travail. Nous nous saluons de loin, je le vois suivre une femme d'une cinquantaine d'années, la frôler, puis continuer son chemin comme si de rien n'était. C'est ma vie à moi aussi, suivre les gens, les toucher, les comprendre et pour finir les délivrer de cette vie insipide.
Pour chaque client, je choisis la façon de mourir et la durée de son calvaire. La plupart du temps je choisi les plus heureux, les amoureux transis, les souriants, les énervés de la rigolade.
Je ne suis pas un rigolo, je suis quelqu'un de sérieux, dans la vie et dans mon travail. Les sourires, les yeux qui pétillent me hérissent le poil. Je suis qualifié par mes collègues de travail de grincheux, soupe au lait, je m'énerve facilement après tout le monde. Mais ce qui m'énerve le plus ce sont les anges de l'amour, les cupidons.
Souvent lors de nos réunions mensuelles, j'en croise quelques-uns. Je ne veux rien avoir à faire avec eux. Ce sont des êtres abjects, ils dégoulinent de bonheur, de bontés et de toutes ces choses que l'on apparente à l'amour. Une en particulier me hérisse le poil. Blonde aux yeux noirs, un sourire permanent sur ces lèvres. Il faut toujours, qu'elle intervienne lors de nos réunions. Si elle était mortelle je lui donnerais le baiser de la mort, pour ne plus avoir le plaisir d'entendre son doux rire. Elle est belle, et elle le sait. Mes collègues de travail, on lancé des paries, à celui qui la mettrait dans son lit avant la fin de l'année. Laissez-moi rire, cette fille est un glaçon ambulant. Chris a essayé, il s'y est cassé les dents, une vraie pimbêche. Moi, je préfère les filles des rues, les filles sans illusion, une nuit, une heure et rien de plus. Je n'aime pas les hypocrites, les amoureuses, les baisers dans le cou, et tous ces trucs dégoulinant de niaiserie. En bref je suis un connard grincheux et mal embouché, et fier de l'être.
Bon passons au suivant, mais avant j'ai besoin d'un bon café bien serré. Je tourne la tête dans tous les sens pour repairer mon endroit préféré. Je le vois qui fait le coin de la rue. Je traverse la rue et pousse la porte. Une odeur de café fraîchement moulu me saute au nez. Petit instant de bonheur fugace, j'aime cette odeur. Je repaire une table de libre et m'y vautre. Je fais le tour de la pièce du regard et tombe comme par hasard sur un jeune couple, les regards sont timides, presque hésitants. Je sens la tension sexuelle qui émane d'eux. Je dirais premier rencard. Le début des emmerdements. La serveuse m'interrompt, je lui commande mon fameux sésame puis reporte mon attention sur ce couple. Jeune et beau tous les deux. La fille à l'air un peu peureuse, et le type timide comme pas deux. Deux andouilles.
La fille sourit timidement, et lui, ces yeux s'illuminent comme s'il venait de trouver le saint Graal.
Je viens de trouver mes prochaines victimes.
Au fait, je m'appelle Darius et je suis un ange de la mort.
VOUS LISEZ
AMOR A MORT
Roman d'amourJe suis un ange de la mort, elle un ange de l'amour, nous nous croisons de temps en temps, mais ce qu'il c'est passé aujourd'hui, n'aurais jamais dû arriver. C'est de sa faute à elle, vouloir m'empêcher de faire mon travail, une folle furieuse. Main...