Chapitre 5

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"36 rue de la paix." Une maison. Une simple maison comme toutes les autres. Je ne sais même pas vraiment pourquoi cela me gêne tant que cela. Je m'attendais sûrement à quelque chose qui me ferait faire demi tour. Mais non. C'est une maison qui ressemble à toutes les autres. Façade blanche, porte et volets bleus.

Je souffle un bon coup. Et puis j'attends. J'attends qu'on m'ouvre, mais personne ne vient. Pourtant, il y a l'air d'y avoir de la lumière à l'intèrieur. J'émets un petit rire lorsque je comprend que j'ai oublié de toquer. Le stress peut me faire devenir complètement stupide.

Je toque donc trois coups, comme il en est d'usage. Il est strictement interdis de frapper à une porte plus de trois coups de suite, sinon cela est pris pour une agression. La porte ne tarde pas à s'ouvrir de moitié, sur une jeune fille un peu plus jeune que moi de deux ou trois années.

- Bonjour, je suis bien chez les Hinterhill ?

La jeune fille ouvre grand ses yeux. J'ai l'impression d'être un monstre et je me passe la main sur le visage.

- Vous... Vous êtes venu pour moi ? finit-elle par dire d'une voix presque inaudible, en me regardant à peine.

Je ne comprend pas sur le coup. Et c'est à ce moment que je remarque les cheveux noirs de la fille. Noirs, comme l'ébène. C'est elle que j'ai bousculé chez le primeur. Elle était plus grande dans mon souvenir, mais elle est très belle, avec ses grand yeux couleur émeraude et ses lèvres roses. Ses cheveux entourent son visage à la perfection, mettant en valeur ces deux pierres précieuse qui lui servent à voir. Et ses courbes sont très bien dessinées. Maintenant que je l'ai bien vu, je lui mettrais quinze ans.

- Je ne comprend pas, finis-je par répondre. Comment ça, je suis venu pour vous?

Elle n'a pas le temps de me répondre car une femme, sa mère je pense, arrive.

- Alice, à qui parles tu ? Oh, bonjour jeune homme. Alice, tu le connais ?

- Non, non, je réponds, on s'est juste croisé chez le primeur.

La femme reste perplexe, et ses sourcils forment des accents circonflexes. Elle ressemble beaucoup à sa fille, enfin, c'est plutôt sa fille qui lui ressemble beaucoup. Les mêmes cheveux noirs, et les mêmes grand yeux, marrons chez elle.

- Et puis-je savoir ce qui t'ammène chez nous ? rétorque-t-elle d'un ton sec.

Apparemment, je ne suis pas le bienvenu ici. Je sors l'enveloppe marron de mon sac et la lui montre.

- J'ai une lettre de la part de Marise. Elle travaille au Centre des Lettres. Elle m'a demandé de vous l'apporter en main propre.

La femme me dévisage pendant quelques secondes qui me paraissent être d'interminables minutes, tout en gardant un oeil sur sa fille et l'enveloppe. J'ose un coup d'oeil vers Alice. Ses traits se sont détendus, mais elle a toujours l'air prête à s'enfuir à tout moment. Puis, sans un mot, toutes deux libèrent l'entrée et me font signe de rentrer en silence.

Je les suis dans un court couloir pour déboucher dans un petit salon meublé simplement. Deux canapés. Une table basse. Et rien d'autre. Ce qui m'a le plus choqué, c'est qu'il n'y a aucune touche personnelle. Pas une seule photo sur les murs blancs aux bandes bleues. Mais ce n'est pas une maison comme les autres. Il devrait au moins y avoir un écran pour pouvoir lire ou regarder les informations. Je regrette de plus en plus d'être venu ici. Je sens déjà les avertissements pour avoir désobéi aux lois arriver dans mon dossier.

- Installe toi, fini par me dire l'une de mes hôte.

Je m'assied sur un des deux canapés, alors qu'Alice et sa mère prennent place sur l'autre. Je pose finalement l'enveloppe devant elles, sur la table. Alice se tient droite comme un i, les mains sur les genoux et les yeux baissés, tandis que sa mère prend possession de son courrier. Elle ouvre avec précaution le fragile papier, et en sors un gros paquet de feuilles. Elle les parcours rapidement du regard, hoche la tête de satisfaction. Cependant, son regard montre son inquiétude. Je sens que je l'observe trop lorsqu'elle lève la tête et croise mon regard. Elle pose alors toute sa paperasse sur la table, et se dirige vers la cuisine. Un silence gêné s'installe jusqu'à ce qu'elle revienne avec un plateau, trois tasses et une théière posées dessus, qu'elle place sur la table.

- Un peu de thé ? demande-t-elle.

- Avec plaisir. Merci.

Je bois quelques gorgées de ce thé, afin de trouver quelque chose à dire. C'est un thé sucré, avec un arrière goût à la menthe. Mon préféré. Je cherchais toujours quelque chose à dire, lorsque la mère d'Alice brisa le silence.

- Alors c'est donc toi, le fameux Théo ? Marise m'a beaucoup parlé de toi après ta Journée de Découverte. Je t'imaginais un peu plus... musclé.

Je sens le feu me monter aux joues, et un petit rire nerveux m'échappe. Je m'apprête à lui répondre que je suis flatté que Marise lui ait parlé de moi, mais elle ne m'en laisse pas l'occasion.

- Tu souhaites donc devenir Exterminateur, comme ton père ?

- En effet. C'est un rêve de petit garçon, en plus d'être une tradition familiale. Selon moi, notre île ne pourrait survivre son eux, et je souhaite à mon tour protéger Elaxia, comme elle l'a fait pour moi.

- Hm, je vois. Ce sont de grandes ambitions. Et de sincères et altruistes raisons, pour une fois. Quel gâchis...

Elle dit cette dernière phrase si bas que j'ai peine à l'entendre. Je cache mon étonnement. Si j'en faisais référence, cela pourrait être vu comme violation de la vie privée puisqu'elle ne l'a pas dit haut et fort, de façon à ce que je ne l'entende pas. Quelques questions font leur chemin dans ma tête, cependant, et je ne peux pas m'empêcher de commencer à en poser une.

- Quel âge as tu, Alice ? Je ne crois pas t'avoir déjà croisée à l'école.

Cette dernière sursaute alors, et lèvre brusquement sa tête vers moi. Ses yeux sont grands ouverts, montrant encore plus l'éclat du vert de ses yeux grâce à la lumière qui pénètre par la fenêtre. Elle jette un regard inquiet à sa mère, qui lui répond par un sourire rassurant et un petit hochement de tête.

- 15 ans. (Elle jette un nouveau regard à sa mère.) Mais je ne vais pas à l'école.

Elle s'accorde une pause, mais, voyant mon air surpris, elle reprend afin de répondre à ma question muette.

- Mais maman me fait cours à la maison. Elle... elle a une autorisation spéciale du Grand Sage en personne.

- Oh, je comprend. Mais je peux te demander autre chose ? Pourquoi est-ce que tu as dit "Vous êtes venu pour moi" ? Je ne comprend pas. On ne s'est qu'à peine croisés la dernière fois, chez le primeur.

Alice et sa mère se regardent alors. Alice, inquiète et désolée, sa mère, troublée et un peu en colère. Vu leurs réactions, je pense que j'ai posé la mauvaise question. J'ai touché un sujet sensible. A cet instant, j'aimerais pouvoir remonter le temps, ou au moins disparaître six pieds sous terre.  Mais cela ne dure qu'un instant, car la mère d'Alice regarde rapidement la montre accrochée à son poignet, et, sur un ton angoissé, mais déterminé, s'adresse à moi en se levant.

- Mais c'est qu'il est tard ! On parle, on parle, mais tu as bientôt ton rendez-vous mensuel chez le médecin Alice !

- Oh, oui, c'est vrai ! répond l'intéressée, en hésitant cependant quelques secondes.

- Excuse-nous Théo, reprend la mère tout en m'escortant vers la sortie. Ce fut un plaisir de te rencontrer. Au revoir !

- Au re... je marmonne, mais elle m'a déjà claqué la porte au nez.

Je ne sais pas pendant combien de temps je reste à fixer la porte, mais lorsque je reprend la route pour rentrer chez moi, ma tête est sur le point d'exploser. Trop de pensées et de questions se bousculent. Et quelques hypothèses font aussi leur chemin.

1 : Où est Monsieur Hinterhill ? Je n'ai vu aucune photo de lui, ou de famille.

2 : Elles ne sont pas sorties pour le rendez-vous mensuel chez le médecin d'Alice. Elles m'ont donc forcément menti, à moins qu'il n'y est une autre issue dans leur maison, chose très peu probable.

3 : L'école à la maison n'est accordée que très rarement, et seuls les plus hauts placés y ont le droit. La famille Hinterhill n'occupe pas de rang élevé, que je sache. Ils sont dans l'illégalité.

Et autour de toutes ces réflexions, une seule conclusion logique, mais effrayante, m'apparaît :

Alice est une Malformée.

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⏰ Dernière mise à jour : Aug 31, 2015 ⏰

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