Et maintenant ?

Prologue

Le mardi 12 avril 2022, année de Terminale. 17 h 00.

- Phi ! Grouilles-toi ! Je pense pas que Morin accepte un retard de plus.

Samantha faisait des sortes de moulinets avec ses bras comme si cela allait m'aider à comprendre qu'il fallait que je me dépêche.

- Oui oui, j'arrive !

Je rangeai rapidement cahiers et stylos en vrac dans mon sac et accélérai vers la sortie du lycée. Nous nous dirigions toutes les deux vers l'arrêt de tram le plus proche. Je trouvai rapidement des places assises (ce qui était plutôt rare à cette heure de la journée) et les indiquai d'un mouvement de tête à Sam qui se laissa tomber disgracieusement sur le siège le plus proche de nous.

Enfin quelques minutes de répit ! Je soufflai bruyamment, enfonçai rapidement mes écouteurs dans mes oreilles, mis une musique douce et montait le son au maximum. La musique faisait partie de ses rares choses qui arrivaient à me détendre, tout comme la lecture d'ailleurs. Pendant que je laissai mes pensées divaguer, j'observai ma meilleure amie en train de pianoter sur son téléphone dernier cris.

Sam était tout ce que, moi, je n'étais pas : ces cheveux étaient blonds et lui arrivaient au milieu du dos, ce qui lui permettait de se faire régulièrement une longue tresse qu'elle entortillait sur elle-même pour se faire une espèce de chignon, qui mettait en valeur ses traits fin, ses grands yeux noisettes et sa jolie bouche bien dessinée avec ses lèvres pleines. Et je suppose qu'il est inutile de préciser qu'elle mesure dans le mètre soixante-dix et qu'elle s'habille en taille 34. Oui, totalement inutile. Mais on lui pardonnait rapidement son physique de déesse grecque pour voir en elle une amie dévouée, toujours fidèle à ses principes ou à ses amis, toujours là quand on a besoin d'elle, munie d'un caractère bien trempé, d'un humour bien à elle et d'une répartie sans borne.

Je souriais distraitement, me demandant encore comment une fille comme elle pouvait être amie avec quelqu'un comme moi. Moi j'étais Philéa Collins, 17 ans, réservée et peu sûre d'elle. Cheveux bruns coupés au carré, visage rond, le nez en trompette, petite bouche et lèvres fines voir inexistantes. Le seul truc à peu près potable chez moi était mes yeux, assez grands, avec des cils fournis et leurs iris de couleur plutôt indéfinissable, entre le vert et le marron en fonction de la luminosité, ils n'avaient jamais deux fois la même couleur. Et pourtant, on ne peut pas dire que du haut de mon mètre soixante-trois beaucoup de gens les aient déjà remarqués. J'avais des formes (un peu trop à mon goût), des hanches et des fesses qui m'obligeaient parfois à aller jusqu'à la taille 40 dans certaines marques de fringues, et des seins qui pourraient être remplacés par trois pamplemousses (chacun !) je devais y réfléchir à deux fois avant de décider d'enfiler un chemisier pour la journée.

J'étais tirée de ma rêverie par Sam qui agitait sa main devant mes yeux et je retirai une de mes oreillettes.

- Qu'est-ce qu'il y a ? lui demandais-je.

- J'en étais sûre, soupira-t-elle. Tu n'as rien entendu de ce que je viens de dire, pas vrai ?

Je secouai la tête de droite à gauche dans un signe de négation.

- Non mais je sens que je ne vais pas tarder à le savoir, lui dis-je.