Chapitre 1 : Isolement

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  Les histoires. Beaucoup de personnes racontent des histoires. Les personnes âgées vous racontent des histoires, mais aussi vos propres parents, vos frères et sœurs, vos amis. Il y a celles qui sont magnifiques, les vrais contes de fées, les "il était une fois" comme je les appelle. Celles d'un prince charmant et la fameuse princesse. Toutefois, il y a celles qui vous font peur, qui vous font frissonner de terreur. Celles des dragons mangeurs d'Hommes, les vampires buveurs de sang, les loups-garous... Il y en a tellement, cependant, ils sont tous des mythes, mais aussi de purs légendes. Faut-il croire à tout ceci ? Je préfère dire : croyez en ce que vous voulez. Tout pourrait très bien exister. Les sorcières, les magiciens, qu'ils soient maléfiques ou non. Le diable en personne. L'ange en lui-même. Tout ceci est de la magie. Pensez-vous à de la magie noir ou blanche ? Pensez-vous que les personnes ayant des pouvoirs les souhaitent vraiment ? La normalité est tellement à envier dans mon cas. Depuis ma tendre enfance, mon père a peur de moi. Il me fuit. Quand je n'étais qu'un simple bébé, on me touchait avec très grande prudence. Toutes les personnes qui m'entouraient avaient déjà très peur de moi. Il était horrifié à l'idée de me voir. Mes parents, enfin surtout mon père a décidé de me laisser dans ma chambre, sans la moindre possibilité de sortir. Aucune fenêtre, une simple porte où on me donnait à manger et à boire. Cette période dure depuis des années. De très longues années. On me laissait sortir une heure par jour pour prendre une douche et faire mes besoins. Il a été très difficile de se retenir lorsque j'étais un peu plus jeune. Je ne sais pas si on peut me comparer à un monstre. Je n'ai jamais voulu faire du mal à qui que ce soit. Ma mère le sait. Elle m'aime plus que tout au monde. Elle sait ce que je peux faire, toutefois elle dit que je suis son enfant et qu'elle m'aimera, même avec la différence. N'étant jamais allée à l'école, j'ai dû me débrouiller afin d'apprendre à lire et à écrire. C'est à ce moment-là que ma mère m'a beaucoup aidée en me donnant des livres. Elle ne m'a pas touché depuis tellement d'années. Je n'en ai aucun souvenir d'ailleurs. Pour une enfant comme moi, qui ne connaît pas l'amour qu'une personne peut donner à l'autre c'est facile sans vraiment l'être. Je ne me suis jamais sentie aussi seule. Je vois sur ces images une mère et son enfant qui s'enlace avec amour, une chose que je pourrai jamais avoir ni savoir. Je n'ai jamais vu le monde extérieur. Je sais juste que le ciel est bleu clair quand il fait beau, qu'un soleil brille, il y aurait même de l'eau qui tombe par gouttes.

Je suis assise sur mon lit, regardant un livre avec des images d'une mer. L'eau formant des vagues plus haute qu'une maison. Des petits frappements se font entendre dans ce silence. J'éteins la lumière et la porte s'entrouvre. Je m'assois confortablement à côté de la porte.

- Bonjour Haley. Comment vas-tu ma chérie ?  

  Une fois que mon père dort profondément, ma mère vient me parler et passer un petit moment avec moi. Toutefois, elle n'entre pas. Je n'ai jamais vu son visage. Nous sommes toujours restés ici dans le noir. Nos voix ne sont qu'un murmure pour ne pas réveiller mon père. Jamais il n'accepterait qu'on est une quelconque discussion. Il m'a toujours vu comme un monstre et cela ne changera pas.

- Je t'ai apporté un gâteau. Aujourd'hui est un grand jour pour toi.

- Pour moi ? Pourquoi un grand jour maman ?

Elle rigole dans un murmure et me dit :

- Aujourd'hui, tu as dix-sept ans. Nous sommes le vingts-sept septembre, le jour de ton anniversaire, de ta naissance. J'aimerais tellement te serrer dans mes bras...

Depuis toujours, je sais qu'on a peur de moi. Qu'on a peur de me toucher, mais je n'ai jamais su pourquoi ils avaient aussi peur. Je ne sais pas du tout ce que ma peau fait au contact d'une autre personne.

- Maman ?

- Oui ma chérie ?

- Pourquoi ne pourrais-tu pas le faire ?

- Nous en avons déjà parlé. Si ton père apprend que je te parle et que je te dis pourquoi tu es ici, il risquerait de m'arriver malheur. Tu ne souhaites pas qu'il m'arrive malheur n'est-ce pas ?

Je secoue la tête afin de dire non, mais je sais qu'elle ne peut pas me voir, alors je lui murmure qu'un simple "non". Je n'ai jamais voulu de tout ça. Je ne peux voir personne alors qu'il y a tant de choses à découvrir à l'extérieur que je ne connais pas. Je voudrais la toucher. Sentir le contact d'une peau sur la mienne. Je lève une main en direction d'elle, mais c'est alors que je sens le bois de la porte toucher ma main. Le petit grincement de celle-ci se fait entendre. Je me raidis d'un coup.

- Mais que fais-tu ? Me dit-elle effrayé.

- Je... Rien...

La porte se referme et je me retrouve une nouvelle fois seule.

- Maman ? Maman !!!

Plus personne. Elle n'est plus là. J'allume la lumière afin de voir le gâteau qu'elle m'a ramené. Il a la taille d'un point, couvert de rose avec écrit "Haley" en noir. Je le monte à mes yeux, puis le descends à ma bouche. Le goût sucré, la pâte et la crème à l'intérieur est un réel délice. Jamais elle ne m'avait offert un tel gâteau. Je me souviendrai à jamais de ce goût.

*

Mes yeux s'ouvrent au fracas. Les cadenas de ma porte s'ouvrent jusqu'à ce qu'il n'y est plus personne derrière celle-ci. Je peux enfin sortir. J'ouvre la porte et vérifie qu'il n'y a plus personne dans le couloir. Je fais quelques pas et ouvre la porte de la salle de bains. La seule porte qui est ouverte. Je ferme après y être entrée et commence à me déshabiller. L'eau coule dans la baignoire tandis que je détache mes cheveux. Je ne sais pas du tout de quelle couleur sont mes yeux, ni si mon nez est fin, ni long. Il n'y a jamais eu de miroir. Quelque chose qu'on me refuse depuis toujours. Mes cheveux descendent le long de ma légère poitrine. Leur couleur est d'un marron très foncé, parfois, je me dis même qu'ils sont noirs. J'entre un pied dans l'eau puis l'autre. La chaleur monte en moi ce qui me fait un bien fou.

Les bulles volent dans tous les sens, jusqu'à atterrir au sol et éclater, ce qui laisse une fine trace par terre. Ma peau commence à se friper par le temps que j'ai mis dans l'eau. Je sors, me sèche à toute vitesse et mets des vêtements posés au sol. Je démêle mes longs cheveux et repars dans ma chambre. Je frappe deux coups à la porte et mon père vient remettre les cadenas en place. Voici ma vie, mon quotidien. Il n'est pas des plus merveilleux, mais il est ainsi, et rien ne changera.

Une Douleur éphémère (EN PAUSE)Where stories live. Discover now