Chapitre 1 : Parure de larme

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La pluie, ce rideau argenté, aux reflets ténébreux. Les rues s'encadraient de petits ruisseaux, gouttière pour lit, dans laquelle s'écoulaient les larmes que les dieux faisaient pleuvoir sur Terre. Que pleuraient ils ? Ils pleuraient ce que le pays entier pleurait ce jour funeste. Hommes et Dieux pleuraient ensembles. Seigneurs et paysans, Rois et Reines se laissaient aller aux larmes pour la même raison.

Dans la brune de ce matin bercé par le deuil, la capitale s'était effacée, comme si toute la ville, trop accablée par le malheur, avait choisie de disparaître, ensevelit par ce brouillard humide, le fils de la pluie. Ismer, le palais royal, n'avait pas éteint ses feux ce matin-là. L'on avait veillé toute la nuit, et l'obscurité du jour couvert avait fait que l'on avait changé les torchères au lever du soleil, et décidé que la lumière demeurerait. Une petite lueur, un éclat, brillait à chacune des fenêtres, bais et meurtrières. Candélabres, torches, chandeliers, veilleuses, tous étaient couronnés de douces petites flammes, qui diffusaient dans la fraîcheur du deuil, une clarté réconfortante. Le palais tout entier brillait de millier de feux, chancelant derrière les panneaux de verre. Les immenses vitraux de la salle du trône diffusaient sur les jardins et les remparts, des ombres lumineuses de toutes couleurs. Ce grand hall, aux murs hérissés de tourelles au toit pointu, s'avançait sur le fleuve. La salle du trône D'Ismer était une merveille d'architecture Lancélionne, avec son plafond voûté, ses longues galeries aux arcs brisés et ses imposants piliers de marbre beige. C'était ici, au sommet des marches, devant le Trône, sous le vitrail circulaire central, que l'on avait déposé le corps de l'enfant. Il reposait depuis l'aube. Froid et pâle. La reine avait refusé qu'il soit maquillé, rosir ses joues, rafraîchir son teint avec de faible artifice. Comme si de la poudre avait le pouvoir de battre la mort. Non, pas de poudre, pas de dissimulation. Son fils était mort, son petit garçon avait quitté ce monde tôt ce matin, et il n'était plus question d'artifice. Le corps de l'enfant, qui n'avait pas achevé son sixième printemps était enroulé dans un large linceul de satin noir, aux broderies argentées. Souple et fluide, les pans ondulants le long de l'autel de pierre qui avait été dressé la, pour rendre une dernière fois hommage à ce tendre cœur qui avait cessé de battre. Les mains sur le ventre, les yeux fermés, les lèvres à peine décollée. « L'on pourrait penser qu'il dort » avait murmurer son père. Mais il ne dormait pas, il ne dormait plus, il ne dormirait plus jamais. Il ne se réveillera plus. Jamais plus il ne respira, jamais plus il ne pourrait sentir la chaleur du soleil parcourir sa jeune peau. Il ne pourra plus rire, il ne pourra plus chanter ni danser et jamais plus sa mère ne pourra le prendre à nouveau dans ses bras.

La reine demeurait silencieuse, les yeux baissés sur le cadavre glacial de ce qui avait été son fils, son petit garçon, son soleil. Un océan de larme avait noyé ses joues, et elle demeurait immobile, depuis deux heures maintenant elle se tenait debout sur cette estrade, en face du roi son maris, et les deux parents pleuraient en silence le petit être, qui les avait quittés. Derrière elle, se tenait ses deux sœurs, et son frère, tous venus embrasser une dernière fois leur neveux.



En face d'elle, autour du roi, le baron Rival Jacsberg, froid et solennelle comme à son habitude. Il était de ceux qui ne pleurait pas, il regardait de corps avec empathie, et serrais la main de son épouse Myliana, qui elle, pleurait silencieuse.
Pas une âme présente n'avait osé bouger depuis l'aube. L'annonce du décès avait rassemblé des centaines de ducs, duchesses, barons, notables et seigneurs. A présents tous demeuraient silencieux. Debout au bas des marches, recouvrant toute la surface de la grande salle. D'autre s'étaient entassés dans les galeries qui encadraient la large allée centrale. Ils étaient au moins un millier de noble à être venus offrir leur soutien à la famille royal, présenter leurs respects et rendre un ultime hommage à leur jeune prince. Trop jeune pour mourir, si vite, si tôt. De longue bannières noires, sobre et unis, sans dorures ni fioritures avaient été suspendu le long des murs et des colonnes.

A l'extérieur, la pluie avait cessé, les dieux ne pleuraient plus. Les noirs nuages qui avaient prolongé jusqu'alors la nuit, déversant ces funestes ténèbres sur ce pays en deuil, avaient choisie de se retirer. La mort était venue et avait emporté en enfant, mais elle était a présent repartie, dans un sillage de chagrin. Le soleil, timide des jours de pluie, emmitoufla alors le palais, les maisons, les manoirs et les remparts, dans un chaleureux manteau de lumière, chaud et réconfortant. Il illumina les vitraux d'Ismer, qui diffusèrent alors leur éventail de couleur sur les nobles vêtus de noir qui priaient en silence. Le vitrail central, un immense cercle aux teintes azurs et dorées, s'illumina à son tour. Alors, un rayon turquoise enroba le corps du Dauphin, et l'on sut que les dieux l'avaient pris en leur Seins.

Mais parmi la cour se diffusait déjà un murmure, une pensée, une idée. Le trône était alors sans héritier, et cette disparition tragique était une porte ouverte et tentatrice, sur l'antichambre du pouvoir.

La Dynastie des SouriresOù les histoires vivent. Découvrez maintenant