Encore. Ça fait presque cinq fois en une semaine. Encore cette salle blanche. Encore les pieds enchaînés. Encore cette sensation d'étouffement. Encore.
Chaque fois que je ferme les yeux, je me retrouve là, dans cet endroit sordide, digne d'une salle de torture. Alors le mieux que j'ai à faire c'est d'attendre, de m'efforcer à respirer convenablement et de prendre sur moi.
Du blanc. Que du blanc. Tout autour de moi : du blanc. Du blanc étouffant. Pas le blanc de la soie des robes des petites filles dans l'église le dimanche. Pas le blanc des joues des femmes ou des cravates des gentleman. Non. Juste du blanc qui enchaîne, ensorcèle et emprisonne.
Je ne peux toujours pas bouger, comme écrasé par cette couleur et par l'air lourd qui pèse sur mes épaules. Mes poumons sont contractés dans ma poitrine. J'ai de plus en plus de mal à respirer. Je suffoque. Il faut que je sorte à tout prix d'ici, même si je dois y laisser ma peau.
J'ai vu plusieurs docteurs et psychiatres. Ils m'ont tous donné des saloperies à avaler. Au debut, désespéré, j'y croyais à ce genre de médocs. Mais tu parles ! Ça me faisait dormir ou dégueuler. Ou pire, ca me mettait dans une transe entre le sommeil et la fièvre, où les rêves étaient pires que tout.Tout tourne autour de moi. Pourtant, ce blanc n'a pas l'air de bouger. Encore cette maudite nausée. Je suis à la fois accroupie et debout. Je ne sens plus mes membres, mais je sais que je suis écrasé. Juste cet acide qui me remonte dans la gorge.
J'avais plusieurs fois essayé de mettre fin à ma vie, espérant ne plus jamais revivre ce que je vis chaques putain de nuits.
Toutes les fois, on m'avais rattrapé à la dernière minute. C'est pour ça que je me suis si souvent retrouvé aux urgences. On m'a pris pour un fou.Cet endroit devient un vrai tourniquet. Ma respiration, sifflante et lourde, pèse sur mes poumons. On aurai dit que j'avais couru un marathon de douze kilomètres, ou que j'avais respiré du gaz lacrymogène.
Sans espoir et terrifié, j'étais même allé voir des voyantes, qui m'avaient donné des "portes-bonheur", m'avaient "bénis" ou même ensorcelé par des formules bizarres. Rien a changé.
Je sais maintenant que je suis allongé sur un sol dur et froid. Je m'étais comme effondré. J'ai l'impression qu'une plaque de gaz m'écrase. Je suffoque, je n'arrive pas à ouvrir les yeux mais je sais que je suis toujours dans cette salle blanche. Je ne PEUX pas bouger. Ma bouche s'ouvre à intervalles réguliers, pour laisser passer le peu d'air qui est présent. Un filet de bave coule entre mes lèvres jusqu'à venir dégouliner sur ce par-terre.
Quand soudain mes yeux s'ouvrent d'un coup, et me voilà dans le noir désormais. Je reprends lentement le contrôle de mes bras, puis de mes jambes. La nausée disparaît doucement. Je me redresse tant bien que mal et soulève cette couche meletonneuse et découvre la lumière. "Suis-je enfin mort ?" Mais non. Je me reveille juste. C'est ce que j'avais pensé la première fois que j'étais tombé dans ce rêve.
Difficilement, je me redresse et redécouvre ma chambre, baigné dans une lumière douce, matinal. J'entends les bruits de la ville à travers les vitres de ma chambre. Un voiture passe, puis une autre. Un enfant pleure dans une poussette. Un cri perçant et triste.
J'aimerai tellement faire comme lui : pleurer. Mais je ne peux pas. Je ne pleure pas.