<< Prologue >>

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Nous habitions une jolie maison, dans le seizième arrondissement de Paris. Mon Père, enfant unique, avait hérité de ce logement et s'y était installé avec ma mère. Ma grand-mère paternelle vivait également avec nous.
Mon père était directeur d'une banque et avait repris la fonction de son père, à la mort de celui-ci. Il s'absentait des journées entières.

Ma mère le mettait souvent en garde sur les longues heures de travail qu'il effectuait. Elle était toujours inquiète pour sa santé. De son côté, elle s'occupait de préparer toutes les festivités qui se déroulaient à la maison. Les mondanités se succédaient à un rythme effréné.

Mon enfance fut tout de même heureuse. Je restais avec ma gouvernante, quand ma mère ne se chargeait pas elle-même de mon éducation. Il était important que j'apprenne à me tenir correctement en société. Mais j'étais espiègle. Et en grandissant, je ressemblais de plus en plus à ma mère : de longs cheveux blonds foncés, une silhouette fine, de taille moyenne et des yeux de couleur ambre. Malgré une forte ressemblance, j'avais, selon elle, les même expressions que mon père : tantôt sévères, tantôt rieuses, tantôt tristes, tantôt rêveuses.

Mes parents s'aimaient tendrement et ils me transmettaient cet amour. Vers l'âge de douze ans, ce bonheur prit une autre tournure. Les fêtes et autres frivolités s'arrêtèrent. Je ne voyais plus que très rarement ma mère. J'étais inquiète et ma meilleure amie, Elisabeth, m'avait confié que certains hommes perdaient leur activité et cela affectait leur vie de famille. J'étais terrifiée à cette idée. Mais j'étais loin de la vérité. Les finances de mon père étaient toujours florissantes.
La santé de ma mère, en revanche, déclinait de jour en jour. Elle était prise de quintes de toux si violentes que cela l'épuisait. Je n'avais pas le droit de m'approcher trop près d'elle.
« La période des câlins était finie » se justifiait mon père. J'étais devenue trop grande pour que ma mère me cajole.
Nous l'enterrâmes sans que je puisse lui dire adieu. Je l'avais vu quelques jours auparavant, avant sa mort. Elle m'avait envoyé un baiser et je le lui avais rendu. Sa chambre m'avait été interdite. Au moment de son décès, j'étais chez Elisabeth. Je ne compris que plus tard, que c'était pour me préserver que l'on m'avait tenu à l'écart. Mais ma mère avait laissé un grand vide dans la maison. Elle, qui était si joyeuse, emplissait la maison de gaieté, de parfum et d'amour.

Ma mère avait entretenu notre foyer et avait toujours veillé à ce que la décoration soit parfaite et toujours en accord avec les dernières tendances. Elle aimait les belles choses. C'était un élément de sa personnalité que j'avais hérité d'elle.
Tout mon côté distingué et apprêté, je le tenais également d'elle. Elle m'avait enseigné, depuis ma tendre enfance, la façon de se maquiller, très légèrement, pour ne pas paraître trop fardée, mais juste assez pour avoir un teint clair et lumineux. Nous avions la chance d'avoir un teint très pâle. Elle m'avait montré très jeune, comment mettre en valeur mes yeux, le plus naturellement possible en rajoutant un peu de noir autour des cils.
Les vêtements, le maquillage et le parfum étaient autant d'éléments que nous partagions, elle et moi, toujours dans la bonne humeur.
Tout était agréable avec elle. Elle avait toujours eu une vision positive de la vie. Son optimisme me manquait terriblement, autant que son rire et sa belle voix chantante qui raisonnaient dans la maison.

Tout s'arrêta si brusquement. J'avais mis du temps à admettre qu'elle ne franchirait plus le seuil de l'entrée. C'était inconcevable de voir la vie sans elle. C'était comme si le néant s'était insinué dans mon cœur. Je ne voyais pas ce qui allait pouvoir le combler.

Durant les dix années qui suivirent, le silence régna dans notre demeure. Mais je m'y sentais pourtant en sécurité. Tout me rappelait ma mère. En revanche pour mon père, cela devenait un supplice de rester plus longtemps sous ce toit. Il avait décidé de confier la direction de la banque à un de ses amis. Il avait acheté un petit château à rénover à deux cent kilomètres, au sud de Paris. Il me l'avait caché, dans un premier temps, s'absentant des semaines entières sans préciser les raisons de ses voyages. Il avait proposé ses services au maire de la petite bourgade qui se trouvait juste à côté, pour la gestion des finances de la ville.

Le maire s'était empressé d'accepter. Mon père disait vouloir se reposer au calme. L'agitation de la ville l'irritait profondément. Ma grand-mère était hostile à ce départ. Elle ne voyait pas l'intérêt de quitter la capitale. Elle était également très inquiète quant à mon avenir.
Pour mon père, l'installation dans le manoir ne serait que provisoire pour moi. Il ne tarderait pas le jour où je trouverais un mari. Notre nouveau foyer n'était pas si éloigné de Paris. Cela nous permettrait de garder un contact avec le monde. De mon côté, je partageais le même ressentiment que ma grand-mère pour ce déménagement. Je ne voulais pas quitter notre maison.

C'était chez moi, ici, et l'endroit était chargé de souvenirs. Ils étaient liés pour beaucoup à ma mère. Régulièrement, je fermai les yeux et essayai de revivre certains épisodes que ma mémoire avait conservés. Une simple retraite de quelques mois à la campagne aurait été suffisante. Mais mon père ne l'entendait pas ainsi. Il voulait que nous allions de l'avant. Le passé était derrière nous. Il fallait ouvrir de nouvelles portes pour nous construire un avenir meilleur.

--Annaa-

love does not know deathOù les histoires vivent. Découvrez maintenant