Chapitre 3 : Le Destin sur un cheval à bascule

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L'été. Une saison chaude et pleine d'émotions. Surtout pour une jolie nana. Elle était magnifique, Anna, des jolis yeux bleus, et une crinière blonde comme les prés. Elle était parfaite, tous les garçons étaient amoureux d'elle, Anna*. Anna était juste... Magique. Dès qu'elle apparaissait, on ressentait une présence féerique. Elle était grande, des jolies jambes fuselées, peu de hanches, mais une poitrine douce et ronde, comme une pomme. Ses yeux d'un bleu électrique vous trouaient sur place. Elle avait déménagé dans le quartier, disait-on.

Les rumeurs allaient bon train, il s'agissait sûrement d'une meuf qui avait changé de maison à cause du travail, très important, de son père. Anna était une gentille fille, un cœur d'or. Partout où elle passait, les gens respiraient. Fille à papa, elle n'en profitait que très peu. Son regard, mon dieu, son regard, pur et clair, vous envoyait au septième ciel. Tout son corps se mouvait avec grâce, et ses lèvres étaient semblables à deux pétales de roses, ses dents, des perles blanches.
Anna avait un secret. Un vrai de vrai. Parfois, son papa rentrait dans sa chambre, et ils faisaient des choses. Si elle protestait, son père la giflait. Elle ne savait pas quoi faire, sauf cacher tout ça. Ça la rendait folle. Cacher, ne pas en parler, ne rien dire. Depuis que sa mère était morte, elle servait de jouet à son père. Elle détestait son père, mais devait l'aimer. Elle n'avait pas le choix. C'était comme ça, et les saisons passaient peu à peu, sans que personne le remarque. Elle mentait à ses amies inquiètes, mais son regard ne trompait pas. Un regard refroidi par tout ça. Elle maudissait sa mère pour avoir succombé à la falaise. Sa maman s'était jeté dans le vide, un soir de décembre. Il me semble que la mère d'Anna était maniaco-dépressive.
Donc, c'était en été. La ville était agitée, la fête foraine venait de s'installer le long de la baie, et les marchands vendaient des crèmes glacées qui fondaient peu à peu sous le soleil brûlant. Ryuta et ses amis marchaient le long de la jetée. Tanaka avait balancé ses chaussures par la fenêtre dès le 21 juin pour les remplacer par des tongs. Ils cherchaient un job d'été, et Kuon avait trouvé le premier un boulot de baby-sitter, ce qui a fait grincer les dents de Mina, la brunette, qui voulait gagner le pari. Mina était la petite amie de Kuon en ce temps là, et ils riaient souvent ensemble. Ryuta rit lorsque Kuon fit tomber sa glace pile entre la poitrine de Mina, mais fut moins amusé quand Mina surprise, sursauta et sa glace atterrit sur sa tête :
« - Oups, désolée, Ryu ! S'excusa une Mina confuse
- C'est rien, mes cheveux sont tous poisseux maintenant ! Grogna Ryuta
- Bah, c'est cool ! Ça fait une bonne excuse pour se baigner ! S'écriait Tanaka l'optimiste en se ruant vers la plage. »
Kuon s'esclaffait pendant ce temps. Ryuta leva les yeux au ciel, et poursuivit Mina partie à la suite de la blonde en hurlant qu'il allait se venger. Il récupéra un seau du sac de Tanaka pendant que cette dernière sortait la crème solaire, et couru remplir son récipient d'eau de mer, et revint à la charge, aspergeant Mina en riant. Mina se leva, et couru derrière le grand gamin de 14 ans en gueulant des choses charmantes. S'ensuivit une bataille dans le sable, soulevant des nuages beiges qui pique les yeux. Lorsqu'ils eurent fini de chahuter tels des gamins, ils se précipitèrent vers Tanaka pour qu'elle leur donne le tube de crème. Ryuta avec sa peau pâle venait de se prendre un vilain coup de soleil sur le dos et sur les bras. Mina eut de la chance avec sa peau mâte. Kuon se précipitait vers la mer en narguant tout le monde.
Ryuta prit le tube de crème solaire et commença à s'en tartiner, en regardant le ciel. Il n'y avait aucun nuage et les vagues étaient calmes. L'écume lui chatouillait les pieds au fur et à mesure qu'il marchait vers la mer. Il fit la planche, et se mit à réfléchir à ce rêve étrange qui le hantait depuis quelques semaines. Ses yeux se fermèrent, ne remarquant pas qu'il s'éloignait du bord, de la plage, de la vie. Tout à coup, les vagues se firent plus grosses, plus violentes. Ryuta chercha à revenir vers le bord, mais il n'y arrivait pas. Il se débattit, paniquant comme jamais. Une vague l'emporta vers le néant aquatique, il sombrait dans les abîmes d'une mer profonde, il ne savait plus quoi faire, il voulait vivre ! Ses yeux se fermèrent, vaincu. Plus jamais il n'aurait la chance d'avoir une vie normale. Il aimait même mieux mourir ainsi, perdu dans les fins fonds de l'océan. Il se demanda si sentir une telle chaleur dans son corps au fond d'un océan glacé. Il ferma les yeux, se disant que la mort l'attendait sans doute.
Quelle ne fut pas sa surprise lorsqu'il rouvrit les yeux, et qu'une sirène le fixait de son regard écailleux. Soudain, il se rendit compte qu'il respirait ! Sous l'eau ! Il se dit que c'était le paradis, ou quelque hallucination, mais non, il respirait l'eau ! Il pouvait bouger. Pas mort, donc. C'était étrange, si étrange qu'il ne songea même pas à s'en étonner. Le plus étrange dans tout ça, c'était le calme. La tempête avait disparu. Comme par magie. La sirène s'approcha, et murmura doucement :
« - Qui est-tu, petit être ?
- E-Euh ? Bafouilla Ryuta, l'air timide et déconcerté par tout ça.
- Non, plutôt... Qu'est-tu ?
- Un... Un humain ? Où suis-je ? Qu'est-ce que je fais ici ?
- Tu es au Wyrd*. Chantonna la sirène
- Gneh ? Lâcha très élégamment l'''homme''. Le Wyrd ? Le Destin ?
- C'est un peu compliqué. Pourtant, si tu es là, c'est pour une bonne raison, poursuivit la femme-poisson
- Je ne vois pas... »
Puis, paraissant se rendre compte de la situation incongrue, il questionna :
« - Mais alors, où sont mes amis ? Tanaka, et les autres ? Ils doivent être inquiets !
- ...Ici, c'est le Wyrd. Tes amis sont au Mortys. Le royaume des mortels. Ton corps est dans le Mortys, et ton esprit est ici. Au Wyrd. Je vais t'expliquer ce que c'est que ce monde en allant vers là où tu dois aller, Ryuta. »
Ryuta, d'abord surpris qu'elle connaisse son nom, accepta l'aide de la sirène et l'explication de la jeune femme-poisson. Elle nagea avec lui vers une plage blanche. Du sable aussi blanc que la neige était étalé là, comme un rêve. Ryuta haussa les sourcils, son esprit rationnel lui fournissant un tas d'explications rationnelles. La femme aux yeux d'écailles se débarrassa de sa queue, dévoilant ainsi une paire de jambes fines. Sa peau était transparente. Les cheveux étaient blancs. Ils marchèrent assez longtemps ainsi, les vêtements que la sirène avait prêté étaient peu trempés malgré le fait qu'il avait été sous l'eau.
Une sorte de cristal s'élevait dans l'horizon, une tour sculptée de verre. Ryuta trembla, fasciné par la minutie des sculpteurs ; çà et là des spirales, et des motifs merveilleux, compliqués, et doux à voir. Tina, la sirène, ouvrit en grand une des portes du palais, car c'était un palais. L'or et l'argent se côtoyaient admirablement, les roses des sables se mariaient avec les coquelicots d'un bleu ensoleillé. Une chose assez bizarre était l'absence de servants dans ce palais, mais Tina lui apprit qu'il n'y avait pas de servants puisque ce n'était pas un palais à proprement parler. C'était un centre de dieux, si on voulait. Ce n'étaient pas des dieux, mais des personnes avec des caractéristiques divines et donc des attributions à des choses. En passant, ils virent donc deux dieux de la musique, quatre dieux de la danse, sept des arbres, trois ou cinq des animaux. Chacun de ces ''dieux'' s'occupaient de plusieurs choses et vivaient dans le Mortys des existences banales. Aucune des actions divines ne pouvaient s'appliquer à eux-même, et ils ne pouvaient se relever comme ce qu'ils étaient dans le Wyrd dans le Mortys pendant les fêtes que les humains organisaient pour eux. Si les dieux en question étaient ''morts'' dans le Mortys, ils devaient ne pas se faire remarquer. Tina était, par exemple, l'un des dieux de l'océan. Chaque humain pouvaient devenir des dieux, à condition de rêver et de réaliser les rêves faits. Ainsi, chaque dessinateur étaient des dieux dans le Wyrd. Tina était donc une navigatrice. Elle l'amenait voir les créateurs du Wyrd, les rêveurs originels*.
Ils étaient sept, et ils rêvaient en permanence. Ils étaient vieux, et morts depuis des temps infinis. Tina s'approcha d'eux et présenta Ryuta. Ryuta, gêné et un peu apeuré, n'osait pas s'approcher plus d'eux. Il ne savait pas ce qu'ils voulaient, ainsi assis à même le sol, presque poussiéreux à force d'être rester dans cette position. Mais lorsqu'ils s'animèrent, parlèrent, il se produisit un singulier changement. Ils rajeunissaient. Le plus âgé des sept prit la parole :
« - Bienvenue dans le Wyrd, enfant-rêveur. Nous sentons une personnalité qui ne demande qu'à se développer. Cependant, nous savons que tu auras une vie bien chargée., la face du rêveur se fit triste, Une vie de malheur t'attends, mon enfant. Pour atteindre ton bonheur, tu devras non seulement tout perdre, et te perdre, mais ne t'inquiète pas, ce que tu perdras, tu le retrouvera. »
Le quatrième prit la parole en levant la main :
« -Dieu de la vie*, tu devras être le pardon, la dureté, la paix, la guerre, la vie, la mort, la colère, les larmes, le bonheur, les fêtes, les enfants, les adultes... Tu devras tout comprendre, tout savoir. C'est pourquoi nous t'avions donné l'hypermnésie* comme don et malédiction. Nous sommes désolés pour ce qui t'arrivera. Nous t'avons aussi donné un pouvoir extraordinaire, la régénération*. Lente, mais efficace. »
Le septième se leva à son tour, déclarant :
« - La cruauté de ce monde ne sera que chimères à tes trente-cinq ans, et tu auras la présence de ta soeur*, morte, à tes cotés. Elle te conseillera, et se présentera sous le physique d'une poupée. Il se pourrait bien que tu créée un village entier d'''humains'' à toi seul. Cependant, ils seront tes créations à part entière. Ne regrette rien. Si tu vis, bien sûr. »
Ryuta bascula au ''sûr'', il lui sembla que des points noirs et blancs s'élançaient contre son visage, obstruant son champ de vision, une mèche de ses cheveux s'enflammant* et il s'évanouit. Comme le Wyrd.
Pendant ce temps, Anna venait de se déshabiller contre l'avis général. Elle plongea dans la tempête. Anna avait vu un jeune homme (?) se noyer plus loin que raisonnable. Elle allait réussir à sauver quelqu'un, hein ?! Elle nageait vite, très vite, essayant d'aller contre le courant des vagues énormes. On ne la vit plus quand elle fut submergée par une grosse vague très froide. Sa peau était devenue un glaçon, pourtant, elle refusait. Elle refusait de voir cet homme se noyer, il était magnifique quand elle l'a vu, de dos. Ses cheveux noirs étaient si beaux, sa posture si jolie, et surtout, elle voulait le connaître. Lui ! Qui l'avait fait renaître, dont elle savait tellement de choses et si peu ! Son regard fut attiré par une lueur bleutée au fond de l'océan, elle s'y dirigea, comme un serpent de mer se déplace sur le sable, et Le vit, vêtu d'une drôle de robe. Elle attrapa le poignet si fin, il était brûlant, mais elle tira le corps de son cœur vers le haut.
L'eau se déversa soudain sur le haut de son buste, elle avisa une planche, mais cette dernière repartait dans la direction opposée. Anna cria de désespoir, son amour, dont elle ne savait rien, était trop lourd pour elle. Mais elle tint bon, et nagea avec rage. Elle y arriverait ! Enfin, le canot de sauvetage s'approcha des deux adolescents. Les sauveteurs hissèrent l'étrange couple qui venait de se former. Anna se précipita vers Ryuta, lui faisant un bouche-à-bouche, trop terrorisée encore par la perceptive de la mort. Ryuta ouvrit les yeux, choqué, comme s'il avait dormi depuis trop longtemps et qu'on le sortait d'un cauchemar. Il se mit à cracher toute l'eau qu'il avait avalée, et vomit par dessus bord. Il vit Anna, et ce fut d'abord de l'étonnement quand elle l'embrassa, puis un choc physique, comme une vague de reconnaissance profonde qui allait de lui à elle. Il était redevable à Anna. Il joua avec sa nouvelle mèche bleue encore chaude, signe qu'il n'avait pas rêvé. Pourtant un grand froid intérieur l'envahit, comme si, à partir de maintenant, il allait être traqué*...

Ryuta Yamada - La vie bleutéeWhere stories live. Discover now