Chapitre 2

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Les jours qui suivirent furent un étrange mélange d'appréhension et de préparation. Comme promis, Mathilde organisa une réunion téléphonique avec Mme la Maire pour lui annoncer que je reprendrais son projet. La conversation se déroula sans accroc apparent, mais je ne pouvais m'empêcher d'imaginer l'autre femme fronçant les sourcils à l'autre bout du fil.

« Tu vois, comme sur des roulettes », m'avait lancé Mathilde avec un sourire confiant après l'appel.

Facile à dire pour elle. Moi, je ne pouvais m'empêcher de ruminer. Mon nom avait-il réveillé de vieux souvenirs ? M'avait-elle reconnue comme cette « Emma quelque chose » qui avait soutenu une liste rivale ? À mesure que la date du rendez-vous approchait, mon anxiété grandissait.

Et puis, à la dernière minute, Mathilde m'annonça qu'elle ne pourrait pas m'accompagner. Un imprévu sur un autre chantier l'obligeait à revoir ses priorités. 

« Ne t'inquiète pas, Emma. Elle est déjà au courant, et tout est cadré. Tu as juste à lui montrer ton professionnalisme. »

Facile à dire, encore une fois. Je passai la soirée précédente à revoir les plans, alignant mentalement les arguments pour justifier chaque choix et espérant secrètement que l'entretien serait court et efficace. Pourtant, une petite voix au fond de moi murmurait qu'il ne le serait pas.

Le lendemain matin, sous une pluie battante, je marchais le long du trottoir, en direction de l'appartement temporaire de Mme la Maire. Les gouttes froides dégringolaient sur mon imperméable, et chaque pas semblait m'alourdir un peu plus. Les plans roulés sous le bras et mon cœur battant plus vite que je ne voulais l'admettre, j'étais nerveuse. Ce premier rendez-vous, seul avec elle, me semblait être un véritable test.

La rue déserte résonnait du bruit de mes pas. Je repassais encore une fois dans ma tête les détails du projet, mais mon esprit ne cessait de divaguer. Pourquoi cette mission m'affectait-elle autant ? Et pourquoi avais-je l'impression que ce n'était pas seulement son jugement professionnel qui me préoccupait ?

Arrivée devant un très bel immeuble en pierre, je levai les yeux vers les hautes fenêtres. La façade imposante, ornée de balcons élégants, semblait refléter la personnalité de sa propriétaire : froide, intimidante, et indéniablement impressionnante.

Je repérai rapidement le nom sur l'interphone : Marc et Louise Duglery. Inspirant profondément, je sonnai. Mon doigt tremblait légèrement, mais je refusais de laisser cette nervosité m'envahir. Une voix sèche, sans la moindre trace de chaleur, répondit presque aussitôt.

« Cinquième étage, à gauche. »

Ni bonjour, ni rien. Cela commençait bien.

Devant la porte, j'hésitai un instant avant d'appuyer sur la sonnette. Mon doigt restait suspendu dans l'air, comme si cette pression symbolique représentait un saut dans l'inconnu. L'idée de tourner les talons et de prétexter un contretemps me traversa brièvement l'esprit, mais je savais que c'était hors de question. Mes pensées tournaient à toute allure : avais-je tout mémorisé ? Avais-je l'air suffisamment professionnelle ?

La sonnette résonna dans le silence du couloir, et presque immédiatement, la porte s'ouvrit. Une grande silhouette familière apparut.

Mme la Maire se tenait là, droite et imposante, le regard perçant. Son aura dégageait une autorité naturelle, une assurance presque déconcertante. Elle portait un tailleur sombre impeccable, qui accentuait sa stature déjà impressionnante. Ses longs cheveux bruns, légèrement ondulés, encadraient un visage ferme et inébranlable.

Je ne savais pas si elle se souvenait de moi. Après tout, je n'avais été qu'un soutien sur la liste d'opposition, sans position éligible. Je n'avais participé qu'à quelques réunions et débats face à son équipe. Pourtant,son regard évaluateur me donnait l'impression qu'elle lisait en moi comme dans un livre ouvert. Sa posture, légèrement inclinée en avant, traduisait une méfiance polie.

Madame la Maire [Réécriture]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant