Chapitre 5

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La lumière filtrant par les stores m'arracha un soupir. Je me levai en silence, laissant Lucie profondément endormie, son souffle paisible contrastant avec la tourmente de mes pensées. Ses draps, encore imprégnés de son odeur, semblaient vouloir me retenir, mais je devais partir.

Une fois chez moi, la routine me rattrapa, rassurante dans son immuabilité. Assise à mon bureau, un café tiède à la main, je feuilletais un magazine de tapis, cherchant celui qui pourrait convaincre Madame Duglery lors de notre rendez-vous prévu une heure plus tard.

Le design d'un tapis attira mon attention. Je me penchai pour noter ses références quand une voix joyeuse me fit sursauter.

« Classe ! Elle va adorer, j'en suis certaine ! »

Mathilde venait d'apparaître derrière moi, un sourire éclatant au visage. Ses cheveux attachés en un chignon désordonné trahissaient un matin mouvementé.

« Oui, si c'est toi qui lui proposes, » rétorquai-je, sans me retourner. « Moi, je vais juste me prendre une réflexion bien cinglante dans la tronche. »

Elle éclata de rire. « Oh, arrête, t'exagères ! Elle n'est pas si terrible. Enfin... pas tout le temps. »

Je reposai mon stylo et pivotai vers elle, une lueur de supplication dans les yeux.

« Allez, Mathilde, sauve-moi ! Je repasse tes fringues pour le mois entier si tu prends ce rendez-vous à ma place. »

Elle plissa les yeux, faussement sérieuse, comme si elle pesait le pour et le contre. « Hmm... tentant, mais non. Je suis incorruptible, ma chère. »

« Incorruptible, vraiment ? Même contre une semaine de café préparé à la perfection chaque matin ? »

Elle croisa les bras, feignant une moue réfléchie. « Pas mal, mais... non. C'est toi qui dois affronter Madame Duglery, et tu sais quoi ? Je parie même qu'elle va adorer ce tapis. »

Je levai les yeux au ciel, mais un sourire finit par s'étirer sur mes lèvres. Mathilde avait ce don de désamorcer mes angoisses avec sa légèreté contagieuse.

Alors que je rangeais le magazine dans ma sacoche, mes pensées dérivèrent malgré moi vers Lucie. La douceur de sa peau, ses rires étouffés dans la nuit, et ce sentiment d'abandon total entre ses bras. Je secouai la tête pour me recentrer. L'heure était au travail. Mais, au fond, une question restait en suspens : combien de temps encore allais-je pouvoir jongler entre ces deux mondes si différents, sans me perdre complètement ?

Malheureusement.

Quinze jours s'étaient écoulés depuis ma dernière entrevue avec Louise. Les gros travaux de rénovation étaient terminés. Nous entamions désormais les finitions : la pose des sols, les papiers peints, et bientôt viendraient les meubles, les aménagements intérieurs, la décoration... Tout un programme, ponctué de rendez-vous obligatoires avec le Dragon. Madame Duglery avait exigé une présence sur place tous les deux ou trois jours. Un régal en perspective.

Mathilde me tira de mes pensées en surgissant de nulle part, comme elle en avait l'habitude.

« N'oublie pas de lui donner le carton d'invitation ! »

Le carton d'invitation... Ah oui, j'avais presque oublié. Une invitation pour célébrer le premier anniversaire de notre étude. À son ouverture, nous n'avions rien organisé par manque de temps et de moyens, mais cette fois, nous voulions marquer le coup. Nos partenaires, nos clients, nos amis : tout le monde y serait convié.

« Sérieusement, Emma, c'est important ! Si on peut convaincre la maire de venir, ce serait le top. Imagine : ça attirerait la presse locale, c'est sûr ! »

Madame la Maire [Réécriture]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant