« Regarde le bon côté des choses : cela aurait pu être un verre de Cuba Libre ou, pire, de vin rouge. Ça tache beaucoup moins, le Mojito ! »
La remarque de Lucie m'arracha un sourire malgré moi. Allongée dans son lit, lovée dans ses bras, je laissais sa chaleur et son humour tenter de chasser les ombres de cette soirée désastreuse. La catastrophe tournait en boucle dans ma tête, chaque détail revenant m'assaillir comme pour me rappeler mon échec.
« Quel cauchemar... Pourquoi a-t-il bu comme ça ? Il allait très bien une heure avant ! »
Lucie, toujours légère, haussa les épaules avec un petit rire.
« Apparemment, il a retrouvé un vieil ami, et ils ont dû évoquer leurs souvenirs glorieux au milieu de noooombreux cocktails. »
Son rire cristallin résonna doucement dans la pièce, brisant un instant la tension qui s'accrochait à mes épaules. J'aimais ce rire, sa spontanéité, mais ce soir, il me paraissait un peu hors de propos.
« Tu sais que ce n'est pas drôle... » soupirai-je en me redressant légèrement. « Ce qui m'arrive, ce n'est pas juste un petit malentendu. Demain – enfin, non, aujourd'hui, vu qu'il est déjà deux heures –, je suis censée la voir. Il va falloir que je m'excuse, que je lui lèche les bottes, et rien que d'y penser, j'ai envie de pleurer. »
Je fis la moue, exagérant mon désespoir pour dissimuler la vraie anxiété qui grondait en moi.
Lucie esquissa un sourire, doux et rassurant. Elle caressa ma joue du bout des doigts avant de me tirer doucement vers elle.
« Tu verras, ça ira. Tu trouveras les mots. Et puis, si elle est aussi intelligente qu'elle en a l'air – même si c'est une Maire un peu dragon sur les bords –, elle comprendra que ce n'était pas de ta faute. »
Je levai les yeux vers elle, cherchant à me raccrocher à cette idée, mais l'image de Louise, trempée et furieuse, quittant la salle d'un pas décidé continuait de me hanter. Je savais qu'elle n'était pas du genre à pardonner facilement, et encore moins à oublier.
« Et si elle décide de me détester à vie ? » murmurai-je.
Lucie rit de nouveau et m'embrassa tendrement.
« Alors, au moins, tu sauras que tu as essayé. Mais ce soir... ou plutôt ce matin... tu n'as pas à penser à elle. »
Elle se rapprocha encore, son souffle effleurant ma peau. Doucement, elle entreprit de me distraire, usant de son charme et de son affection pour faire disparaître, ne serait-ce qu'un instant, le poids de cette soirée.
Dans ses bras, je me laissai enfin aller, m'accrochant à ce refuge qu'elle m'offrait, loin des regards glacés, des excuses à préparer, et des fantômes de mojitos renversés.
Le lendemain matin, j'arrivai à l'office à 10 heures tapantes, lunettes de soleil sur le nez pour tenter de dissimuler ma mine fatiguée. La mission de la matinée était claire : ranger le chaos de la soirée de la veille. Une autre mission, officieuse celle-là, consistait à survivre à cette gueule de bois carabinée et au mal de tête qui refusait obstinément de me lâcher.
Les deux stagiaires, déjà à pied d'œuvre, s'affairaient à empiler des cartons et trier les restes de la décoration. L'odeur persistante des cocktails flottait encore légèrement dans l'air, me rappelant douloureusement la scène de la veille.
Mathilde arriva juste après moi, débordant d'énergie – comme toujours –, un sac de viennoiseries et un exemplaire du journal local sous le bras.
« Bonjour, tout le monde ! Allez, pour ceux qui ont faim, c'est cadeau ! » s'exclama-t-elle, déposant les pains au chocolat sur la table. Elle brandit ensuite le journal d'un air triomphant. « Et devinez quoi ? On parle de nous dans Le Petit Écho Local ! »

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Madame la Maire [Réécriture]
RomanceDeux femmes. Un désir. Un jeu. Une frénésie passionnelle.