Chapitre 8

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Je marchais à présent dans une rue sombre, les lumières pâles des réverbères dessinant des ombres vacillantes autour de moi. L'air frais de la nuit m'aidait à rassembler mes pensées, mais une seule idée tournait en boucle dans mon esprit : Louise.

L'espace de quelques minutes, le rapport de force entre nous avait changé. Elle, toujours si fière et impérieuse, m'avait demandé de rester. Pas avec un grand éclat, pas en s'effondrant dans des excuses, mais avec ses mots, à elle, empreints de contrôle et de retenue.

Elle avait argumenté sur la logique, bien sûr. Que je faisais « plutôt du bon travail » – une concession qui, je le savais, avait dû lui arracher la langue. Que les travaux étaient déjà bien engagés et qu'un changement de prestataire aurait été une perte de temps. Mais au-delà de ces justifications rationnelles, il y avait eu un moment de vulnérabilité. Je l'avais vu dans son regard, ce bref éclat de peur qu'elle avait tenté de masquer. Peur que je parte.

Et puis, il y avait eu ses excuses. Des excuses maladroites, imparfaites, mais authentiques. Elle avait admis, à demi-mot, qu'elle avait été dure, qu'elle n'avait pas été correcte avec moi après une journée qu'elle qualifiait elle-même de « difficile ». Pour une femme comme elle, si habituée à maîtriser son environnement et ses relations, c'était déjà énorme.

Et j'étais restée.

Pourquoi ? Pas seulement pour le chantier, bien qu'il soit crucial pour notre jeune société. Pas seulement parce que sa requête flattait mon ego ou parce que j'avais voulu la pousser dans ses retranchements. Non, il y avait autre chose. Une tension, une fascination étrange qui m'irritait autant qu'elle m'attirait.

Cette femme me faisait sortir de mes gonds, m'irritait profondément avec ses piques et son ton autoritaire. Mais en même temps, elle me captivait. Ses yeux, lorsqu'ils s'étaient fixés dans les miens ce soir-là, avaient allumé quelque chose en moi, une envie de comprendre ce qu'elle cachait derrière ses murs, derrière son masque.

Je souriais à présent, presque malgré moi.

Je voulais jouer. Tester ses limites, inverser les rôles, provoquer ce dragon qu'elle cachait si mal sous ses airs de contrôle absolu. Et peut-être, quelque part au fond de moi, je voulais voir jusqu'où cette étrange dynamique pouvait nous mener.

La nuit était calme, seulement troublée par le bruit de mes pas qui résonnaient sur le trottoir. Une partie de moi savait que je jouais avec le feu. Mais n'est-ce pas ce qui rendait tout cela si terriblement excitant ?

Bonjour Louise,

Le rendez-vous de ce soir tient toujours ?
J'ai les trois tapis à vous présenter.

Bonne journée.
Emma.

Un mois s'était écoulé depuis l'incident. Un mois durant lequel Louise et moi avions repris nos rendez-vous, succincts et strictement professionnels. Une ou deux fois par semaine, tout au plus. Elle était plongée dans la préparation du budget annuel de la mairie, une tâche qui semblait l'absorber entièrement, laissant peu de place à des échanges autres que pratiques. Pourtant, un détail m'avait frappée : elle m'avait demandé de l'appeler Louise. Plus de « Madame Duglery ». C'était subtil, presque anodin, mais cela signifiait quelque chose.

Malgré cette nouvelle familiarité, elle conservait une certaine distance, comme une barrière qu'elle refusait de faire tomber complètement. Je respectais cela, tout en me demandant si ce mur finirait par céder, ou si c'était moi qui finirais par me lasser de vouloir le franchir.

J'étais assise à mon bureau, concentrée sur un nouveau chantier, lorsque Mathilde, depuis son poste, rompit le silence avec une exclamation typique.

« C'est terrible d'être enceinte ! Ma nouvelle lubie, ce sont les cookies aux pépites de chocolat blanc. Je vais finir à cent kilos, c'est sûr ! »

Madame la Maire [Réécriture]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant