Lundi, début de soirée. J'étais encore à l'office, mais mes dossiers gisaient sur un coin de mon bureau, oubliés. Mon esprit, quant à lui, était ailleurs, tournant en boucle autour d'une seule question : devais-je lui envoyer un mail ?
Elle m'avait dit ça sous l'effet de l'alcool, n'est-ce pas ? Et nos moments de complicité... ils avaient tous été accompagnés d'un ou plusieurs verres. Cela ne pouvait pas devenir une habitude. Imaginez : boire à chaque rendez-vous ? Non seulement ce serait impraticable, mais je finirais par développer un problème d'alcool.
Pourtant, quelque chose me poussait à saisir mon clavier.
Louise,
Lundi, je viens de valider vos choix de tables basses.
Pour le moment, le manque ne m'est pas insupportable 😉
J'espère que votre séjour se passe bien.Emma.
J'appuyai sur envoyer et, instantanément, le regret m'envahit. Un smiley ? Sérieusement ? Elle était maire et, plus important encore, ma cliente. Utiliser un smiley dans une correspondance avec elle ? Quelle erreur. Je me trouvais ridicule.
Le lendemain matin, en allumant mon ordinateur, un message m'attendait. De Louise. Une pointe de nervosité me traversa alors que je cliquais pour l'ouvrir.
Bonjour,
Parfait pour les tables basses.
C'est que le début de semaine, vous verrez, je deviens très vite indispensable. 😉Louise.
Elle se moquait ouvertement de moi avec ce smiley, n'est-ce pas ? Pourtant, je souris. Cela signifiait qu'elle avait pris le temps de répondre, même depuis sa Bretagne ensoleillée.
Le soir, je pris mon courage à deux mains et lui renvoyai un mail :
Bonsoir,
Le smiley était ridicule, je l'avoue ;) :p
Par ailleurs, pouvez vous nous rendre le soleil qui a disparu depuis trois jours ?
Un 3 Août, 15 degrès, de la pluie.
Merci par avanceEmma.
Sa réponse, le lendemain matin, ne se fit pas attendre.
Bonjour Emma,
Le smiley me rappelle que vous être une petite jeune, dans la trentaine, vieille que je suis. 😉
En effet, je l'ai gardé avec moi, temps radieux.
Comment se passe votre semaine, sans rendez vous sur mon chantier ? Heureuse ?Louise.
Un sourire étira mes lèvres. Elle jouait à ce petit jeu avec plaisir, et cela me réchauffait le cœur plus que je ne voulais l'admettre. Ainsi, chaque soir, je lui écrivais. Et chaque matin, une réponse m'attendait.
Mercredi soir, je lui écrivis :
35 ans tout de même, plus si jeune.
Ma semaine est un havre de paix, sans votre chantier. Ne voulez vous pas prolonger la Bretagne ?Emma.
Ps : Pour éteindre toutes inquiétudes, j'étais il y a deux heures à peines sur votre chantier, la cuisine avance bien !
Le jeudi matin, elle répondit :
J'ai presque eu peur, presque.
Je ne vous croyais pas.
Pour votre plus grand bonheur, j'en suis certaine, je rentre ce week end.
Je vais chiner demain, je vais peut être rammener de la déco.
Je vous averti, des changements seront peut être à prévoir.
Éternelle insatisfaite que je suis.Louise.
« Et chieuse, par la même occasion », pensai-je en souriant.
Ce mail contenait une promesse implicite de complications supplémentaires pour moi, mais je ne pouvais m'empêcher de me réjouir. Son retour signifiait la fin de cette étrange semaine de mails nocturnes et matinaux. J'allais retrouver cette femme énigmatique en personne.
Le vendredi soir, j'envoyai un dernier message :
Je vous attends Louise, prête à affronter vos demandes les plus extravagantes.
Je souris en écrivant cette phrase. Un peu osée, certes, mais pourquoi pas ? Elle-même aimait jouer sur cette corde.
Mais cette fois-ci, aucune réponse ne vint. Ni le vendredi, ni le samedi.

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Madame la Maire [Réécriture]
RomanceDeux femmes. Un désir. Un jeu. Une frénésie passionnelle.