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« Eh mec, est-ce que ça va ? »

Aurel ne releva pas la tête.

Déjà parce qu'il n'était pas sûr que la question lui soit adressée, et surtout parce que la réponse était plus qu'évidence. Qu'est-ce qu'il ferrait recroquevillé sur un vieux banc  dans parc paumé s'il allait bien ?

« Tu sais, c'est pas super sûr par ici, tu devrais faire gaffe. »

Cette fois pas de doute, c'était à lui qu'on parlait. Agacé d'être dérangé dans sa déprime, Aurel leva la tête de ses genoux où il s'était caché pour pleurer. Il fut surprit par la pénombre que les rares lampadaires oranges qui bordaient l'allée avaient du mal à disperser. Il n'avait même pas remarqué que la nuit était tombée.

Devant lui se tenait un type maigre emmitouflé dans une veste en cuir et une large écharpe brune qui n'allait pas du tout avec, un sourire aux lèvres et un sourcil haussé avec exagération. Il avait l'air grand, Aurel ne savait pas si c'était parce qu'il se sentait misérablement petit sur son banc ou si le type était vraiment immense. Ses cheveux plus longs sur le dessus de sa tête paraissaient argentés sous la lumière de la lune.

Ridicule. Ce fut le premier mot qui vient à l'esprit d'Aurel pour le qualifier.

Ridicule et bizarre. Quelle genre de personne se teignait les cheveux en gris ?

« Laisses moi tranquille. » Croassa Aurel, la voix rauque d'avoir pleuré pendant ce qui devait être des heures.

« Ouuh, ça ne va pas toi. » Releva le type, son deuxième sourcil rejoignant le premier au milieu de son front.

Et c'était encore plus ridicule parce que même ses sourcils étaient blancs.

Le type s'avança vers lui et s'installa sur le banc à ses côtés. Aurel lui jeta un regard noir à travers les mèches sombres qui lui tombaient devant les yeux, espérant le dissuader de s'asseoir, mais la noirceur devait être diluée par les larmes qui perlaient à ses yeux car le type bizarre lui adressa un sourire.

« Aller, raconte moi tout. Qu'est-ce qui peut bien faire pleurer un gars comme toi ? »

« Laisses moi. » Souffla Aurel, mais il avait l'impression que le gars n'allait pas le lâcher de sitôt.

« Attends, laisse moi deviner ! »Lança-t-il avec bien trop d'enthousiasme.

Il posa son menton contre son poing, le regard dans le vide tel le penseur de Rodin, il garda la pause quelques secondes – ce qui devait être son temps de concentration maximum, puis, sans bouger la tête, lança à Aurel une œillade amusée un sourire en coin s'étirant sur ses lèvres.

« Tu t'es fait plaquer par ta copine ? » Proposa-t-il d'un ton badin, toujours en souriant.

Aurel grogna, en plus d'être collant ce gars n'avait aucun tact.

« Et si c'était le cas ? Tu cherche à faire quoi, m'enfoncer encore plus ? Ça te plais de voir le malheur des autres ?! » Siffla-t-il, se redressant légèrement pour paraître plus menaçant.

Mais ça ne devait pas trop marcher puisque le type ne se départit pas de son sourire.

« Je suis sûr que ce n'est pas ça. Ça doit être plus profond, une peine de cœur c'est trop superficielle. »

Il se tourna à demi vers lui, un sourcil haussé dans l'attente d'une confirmation. Aurel le dévisagea, sa colère retombant tout aussi vite qu'elle était apparue. C'était impossible pour lui de rester énervé contre quelqu'un d'aussi calme. Il laissa retomber son menton contre ses genoux, les bras serrés autour de ses jambes pour se tenir chaud et ne pas glisser du banc. Ses cheveux d'un brun sombre lui tombaient encore dans les yeux mais il avait les bras trop engourdit pour vouloir bouger et les rabattre en arrière.

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⏰ Last updated: Nov 26, 2017 ⏰

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Malédiction  [BL]Where stories live. Discover now