Chapitre 1

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Alduro commençait à en avoir assez : c'était la fin de la semaine, et il ne sentait presque plus les muscles de ses membres supérieurs. Les coups de bêche, de louchet, de fourche et de croc, ajoutés aux tâches nécessitant dextérité, comme l'émiettage, avaient eu raison de de son anatomie, pourtant avantageuse, forgée par les années écoulées à aider ses parents dans leur activité agricole. Leur exploitation n'était pas de taille colossale, mais il voulait absolument s'occuper d'un maximum de besognes, afin d'épargner la santé de ses géniteurs, qui avaient bien mérité une retraite anticipée, après trois décennies passées à travailler la terre. D'autant plus que le lundi suivant, il ne serait certainement plus là pour les assister.

Il devait, en plus, économiser des forces pour son dernier entraînement hebdomadaire, mais surtout pour le tournoi auquel il prendrait part ce dimanche. Alduro était l'un des meilleurs tireurs au lance-pierre du village, et il avait bien l'intention de le prouver à tous ses gentilés. Pour cela, il comptait sur son arme fétiche, imaginée, taillée dans du granit rose, et construite par ses soins. En effet, ses parents n'avaient pas vraiment les moyens de lui offrir un modèle de lance-pierre conçu par un spécialiste de la discipline, et même s'ils l'avaient pu, les échoppes situées aux abords de la place centrale de Kerne ne proposaient pas ce genre de produits. Les commerçants ambulants, quant à eux, étaient plus souvent chargés de produits culinaires exotiques que d'armes de lancer. Alduro avait donc dû s'en remettre à lui-même, exercice qui n'avait en rien entaché sa satisfaction, bien au contraire : il tirait une grande fierté de ce lance-pierre.

En plein milieu de ses rêves de victoire et de gloire locale, il n'avait pas vu le temps passer, ce qui n'avait pas échappé à son père. Par une tape dans la nuque, à la fois cordiale et menaçante, dont il avait le secret, ce dernier rappelait à son fils étourdi qu'il devrait se dépêcher de finir de labourer les derniers mètres carrés de champ s'il voulait avoir le temps de pratiquer son sport favori. Plus vite il aurait terminé, plus vite il pourrait rejoindre Tamara, son instructrice, pour tâcher de combler ses derniers défauts.

Albert était un homme bon et un père exemplaire. Il ne pouvait rien refuser à son fils, qu'il considérait comme sa plus grande réussite. Il était également très apprécié au village, jamais réticent quand un voisin lui demandait un service. Il était le premier à donner un coup de pouce lors de travaux manuels ou lorsqu'une fête était en préparation. Sa bonté déteignait sur son apparence : malgré sa carrure, comparable à celle d'un ours brun de taille moyenne, il avait un sourire sincère et rassurant. Son visage était un cercle presque parfait, coiffé d'une épaisse chevelure d'ambre, qu'il n'entretenait cependant pas souvent. Ses yeux étaient ronds eux aussi, et, surplombant des pommettes généreuses, offraient un regard étincelant plein de bienveillance. Sa pilosité faciale rappelait sa pilosité crânienne, mais c'était le dernier de ses soucis : il laissait aux bourgeois le soin de s'occuper de leurs faciès, préférant allouer son temps aux plaisirs en famille ou à l'agriculture.

Tiré de ses songes, Alduro s'empressait de finir sa corvée, pour se diriger rapidement vers la demeure de son instructrice, située à l'autre extrémité de la rue. Les habitations qui l'agrémentaient étaient assez sobres, vues de loin, mais en s'approchant, on pouvait apercevoir les teintes variées des différents matériaux utilisés pour leur construction : argile, paille, feuilles, roseaux, bambou, ardoise, granit, diorite, grès et schiste, entre autres. Certaines étaient même ornées de laine cardée, défeutrée et colorée, qui pendait aux fenêtres et aux porches. Toutes ces maisons donnaient un aspect hétérogène au village, mais faisaient ainsi son charme.

« Te voilà enfin ! s'exclama une voix moqueuse.

— C'est pas ma faute, Tamara, tu le sais très bien ! J'aidais mon p...

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⏰ Dernière mise à jour : Oct 31, 2017 ⏰

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