Talia

Partie 3

dix ans plus tard

- Talia, viens manger ma chérie.

Les mots prononcés par sa mère sortirent Talia de sa rêverie. Encore une fois, elle s'imaginait à quoi pouvait bien ressembler le monde des humains. Bien-sûr elle adorait son monde, la nature, les animaux mais un besoin de savoir la taraudait un peu plus chaque jour. Gwénaëlle lui racontait parfois des histoires tantôt effrayantes tantôt emplies d'amour sur ce monde qu'elle ne connaissait pas. C'est songeuse qu'elle vint se mettre à la belle table en chêne massif qui ornementait leur cabane. En 10 ans, ce lieu avait changé malgré toute la peine que sa mère s'était donnée pour le garder en état. En hiver, le froid entrait par les fissures présentes dans la toiture et l'eau avait commencé à se frayer un chemin un peu partout depuis l'été passé. Bientôt, il leur faudrait trouver un nouvel endroit pour vivre. Ces constatations n'inquiétaient pas la jeune fille, elle se sentait en sécurité avec sa mère et c'est ce qui lui tenait le plus à coeur.

Une fois le souper terminé, Gwénaëlle invita sa fille à se préparer pour la nuit. Tous les soirs, elle lui contait des histoires aussi débordantes d'imagination que différentes les unes des autres. Talia fît sa dernière balade habituelle au cours de laquelle elle remerciait les animaux et la nature d'être cléments et bienveillants envers elles. 

Depuis son plus jeune âge, elle avait été habituée à parler avec les sous-bois. Elle comprenait le chant des rossignols aussi bien que le hurlement des loups les soirs de pleine lune sans oublier le doux craquement des feuilles tombant en automne, lui annonçant la venue de l'hiver et un repos bien mérité.

De retour au logis, Talia se précipita vers sa maman, impatiente d'entendre le conte auquel elle aurait droit.

-  Es-tu prête mon lapin ? 

Talia hocha vivement la tête. 

- Ce soir, tu vas entendre une vieille histoire que ma mère me racontait et qu'elle a elle-même entendue de la bouche de ton arrière-grand-mère.

Il était une fois, une jeune fille aux pouvoirs particuliers. Sans même le savoir elle était en communion avec la nature et ses pas étaient guidés par Gaïa. Elle vécut heureuse et eut beaucoup d'enfants et de petits enfants possédant ses dons. Mais un jour, les humains qui étaient alors en pleine expansion et à la recherche de pouvoir, s'en rendirent comptent et ne tinrent pas compte des signes qui leur étaient donnés. Désabusés et apeurés, ils se mirent à réduire la terre en cendres et en flammes, prêchant l'hérésie et déclarant la guerre à tous les adeptes de Gaïa. Par miracle, ils furent éradiqués et les anciens mirent en place une société régie par l'amour et la douceur. Ainsi le monde fût sauvé, tout du moins une première fois. 

Les anciens avaient peur que des êtres encore plus impitoyables que ceux auxquels ils avaient eu affaire ne prennent le pouvoir. Aussi ils en appelèrent à Gaïa, la toute puissante déesse de la vie, afin que si tel malheur devait arriver, le bien est au moins la chance de triompher.

Songeuse, Gwénaëlle embrassa tendrement sa fille. N'osant lui expliquer que le monde des humains sombrait petit à petit dans la folie et le chaos. Elle voulait préserver sa fille, sa lumière du monde atroce dans lequel elle avait dû vivre et n'osait imaginer y retourner après 10 ans de quiétude et d'amour dans un lieu féerique. Seulement, elle ne pourrait pas entretenir la cabane beaucoup plus longtemps et toutes deux, elles devraient partir dans une réalité qui ne lui plaisait que fort peu. Retenant de justesse des larmes de tristesse et d'angoisse, elle laissa sa fille se reposer en paix.

Talia s'endormit, songeant à cette jeune fille aux dons particuliers et rêva d'une vie qui ne lui appartenait pas, ou tout du moins, pas encore.